Cette audience a eu lieu lors d’un rassemblement de professeurs d’allemand. Elle a été demandée au préalable par les collectifs de collègues des côtes d’Armor, du Finistère et du Morbihan. Le SNES, pour sa part, s’est associé à ce rassemblement et continue à demander une audience sur le projet de carte des LV.
Etaient présents au titre de l’administration : M. Pouliquen, secrétaire général du rectorat, M. Capdevila, IA-IPR d’espagnol, M. Pasturel, IA-IPR d’allemand.
La délégation était constituée de 2 collègues par département ainsi que d’un représentant des 2 organisations syndicales présentes, le SNES et FO.

M. Pouliquen a ouvert les débats en indiquant que manifestement il était nécessaire, au vu des inquiétudes qui se manifestent, d’échanger sur la question de la carte des langues dans l’académie.
Plutôt que de rapporter dans le détail les échanges qui ont émaillé ces deux heures de discussion, il semble plus intéressant d’en venir directement aux conclusions.

D’emblée, le discours s’est voulu rassurant à l’égard de la mobilisation de ce mercredi (100 à 150 collègues de toute l’académie devant le rectorat) et consistait à répéter que cette carte des langues n’était pas arrêtée, puisqu’on pouvait envisager un doublement voire un triplement du nombre de pôles-allemand. A cela, j’ai répondu que si ce projet ambitionnait réellement de sauvegarder notre discipline dans l’académie, d’assurer la diversification des LV conformément aux textes en vigueur et d’endiguer une hégémonie probable à très court terme de l’anglais, il était aberrant de piétiner le travail des collègues pour ne redémarrer qu’avec ces 12 pôles. Dans le cadre d’une politique effectivement volontariste dans ce domaine, il faut partir de ce qui fonctionne et qui, dans une très large mesure, se trouve à présent gravement menacé par la mise en place calamiteuse de ce projet. Ainsi, puisqu’il doit y avoir une carte des langues (cf. la circulaire de rentrée 2003), elle doit comporter non pas 12, mais 118 pôles-allemand potentiels (autant que de sections LV1 de collège dans l’enseignement public).

A l’appui de ces remarques, j’ai rappelé les propositions du SNES : il pourrait être proposé à des TZR en surnombre volontaires d’être affectés sur des blocs de moyens provisoires dans un collège de leur zone, de manière à ce qu’ils puissent à la fois intervenir eux-mêmes en primaire ou prendre au moins une classe du collègue en poste dans l’établissement, afin que celui-ci puisse le faire dans des conditions acceptables (et non pas uniquement en HSE). Nous avons ajouté que des collègues en sous-service pouvaient également être volontaires et dans ce domaine, le verrou administratif doit disparaître . La nécessité d’une véritable information institutionnelle et d’une éducation au choix des LV a été rappelée. Une collègue de la délégation a également fait valoir que de ce point de vue, il était incompréhensible que des brochures élaborées précisément à ces fins dorment dans des cartons.

Sur la base de ces arguments, nos interlocuteurs semblent avoir donné quelques signes d’ouverture et s’engagent à ce que tout soit entrepris pour maintenir les sections LV 1 existantes, notamment en étudiant de façon précise avec le concours des IA la possibilité d’un maillage le plus serré possible de l’académie au niveau primaire. Autrement dit : quiconque souhaite intervenir dans le premier degré ne devrait plus se voir opposer de refus catégorique. Mais nous ne devons pas être dupes : les textes prévoient 1 h 30 par niveau du CE2 au CM2. Quel collègue de collège (19 h de service hebdomadaire) pourra s’investir à un tel niveau en primaire ? Combien d’écoles du secteur faudra-t-il couvrir pour atteindre le seuil fatidique de 20 élèves ? Les surnombres et les sous-services ne permettront qu’à la marge de consolider le dispositif. A la question posée des moyens dont dispose l’administration pour assurer la diversification en primaire, aucune réponse claire n’a d’ailleurs été apportée. On comprend dès lors que l’engagement pris ne comporte pas un grand risque pour l’administration.

D’ailleurs, le fait que M. Pouliquen ait plusieurs fois évoqué au cours de l’entretien la possibilité d’un abaissement de la LV2 au niveau 5e voire 6e montre que la disparition de la LV1 est une chose dont on semble déjà s’accommoder dans les couloirs du rectorat. Cet abaissement s’apparente à une sorte de contrepartie ou d’anesthésiant qui pourrait nous pousser à nous résigner à une évolution qualifiée de tendance lourde, celle de la « demande sociale » défavorable à l’allemand. Un rapide calcul : vous aviez 19 heures au collège ? Il vous en restera 2 (6e) + 2 (5e) + 3 (4e) + 3 (3e) =10 heures. Et pour votre complément de service, vous avez déjà une préférence ? Deuxième calcul : soit un collège moyen X comptant 11 divisions pour les niveaux 6e-5e. Dans deux classes (une 6e et une 5e), on a allemand LV2. Il reste 9 divisions qui consommeront chacune 2 heures d’espagnol = 1 poste. Quand on connaît la pénurie de titulaires en espagnol, on voit que la potion est non seulement amère mais en plus irréaliste. C’est sans doute pour cela qu’il a été répété que cela ne serait qu’expérimental dans un premier temps. D’autre part, l’horaire proposé est nettement insuffisant. Nous avons déjà pu expérimenter les 2 heures en classe entière au lycée et en apprécier les limites ; nous pouvons imaginer ce que cela donnerait en 6e-5e. Selon les chercheurs , le seuil minimum d’efficacité est de 3 heures .

Pour conclure de la façon la plus synthétique possible, il semble que quoique l’on entreprenne, nous nous heurterons à des questions de moyens aussi bien physiques que budgétaires. Nous, enseignants d’allemand, aurons les pires difficultés à nous inscrire dans le dispositif mis en place pour les LV en primaire. Et puisqu’il doit y avoir continuité entre le primaire et le collège, il est à craindre que seul l’anglais puisse sortir indemne de ce carcan.

Pour sa part, le SNES continue de réfléchir à toute forme de dispositif permettant de sauver notre discipline mais aussi la diversification des LV car une seule langue signifie une seule pensée. Il nous semble que la seule mesure qui soit effectivement digne d’intérêt dans les projets rectoraux réside dans la garantie de commencer l’anglais dès la 6e pour les élèves commençant une autre LV en primaire. De ce point de vue, il faut savoir que la circulaire de rentrée laisse toute latitude aux recteurs pour organiser leur carte des langues. Puisque Monsieur le Recteur a à cœur de défendre une langue parlée par 130 millions de locuteurs en Europe, gageons qu’il prêtera une oreille attentive à cette proposition.

Vincent Plé