22 octobre 2010

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Compte-rendu de l’audience (21 octobre) du Collectif des Enseignants Stagiaires et des étudiants PE/PLC en lutte :

Aujourd’hui, entre 200 et 300 étudiants et stagiaires ont quitté l’IUFM et pris la route du Rectorat vers 12h30. Le cortège s’est fait remarquer, notamment à la faveur de sa superbe galère, et d’une reproduction à taille humaine du célèbre tableau de Géricault, Le Radeau de la Méduse, chargée d’illustrer la sombre perdition qui menace stagiaires et futurs enseignants PE/PLC/CPE, actuellement en M1/M2.

Une délégation réunissant 4 membres du Collectif des Enseignants Stagiaires et un étudiant représentant des M1/M2 « Métiers de l’Enseignement » ont été intimement reçus aujourd’hui par le Recteur d’Académie et son chef de cabinet, dans le bureau personnel du Recteur. L’objet de cette audience était de faire remonter les revendications des étudiants PE/PLC/CPE d’une part, et celle des stagiaires d’autre part. Il s’agissait donc d’obtenir, pour les futurs PE/PLC/CPE, l’assurance d’une formation de qualité, permettant notamment l’accès pour tous à six semaines de stage en responsabilité ; et d’autre part, de garantir le maintien d’un service à temps-partiel pour les stagiaires de l’Académie de Rennes.

Avant d’entamer toute discussion, le Recteur croit bon d’informer les stagiaires qu’il n’est « pas de la police » et qu’il ne prendra pas les noms des représentants du Collectif. Il s’enquiert néanmoins rapidement du poste occupé par les stagiaires, et de leur discipline. Pour introduire sa prise de parole, une collègue tient à remercier le Recteur du sacrifice budgétaire dont il a su faire preuve pour assurer le mi-service des stagiaires jusqu’à la Toussaint. D’emblée, le Recteur la coupe en estimant que « là n’est pas la question ». Il explique que s’il reçoit la délégation aujourd’hui c’est qu’il se montre sensible à ce que vivent les stagiaires au jour le jour, et qu’il aimerait un retour sur leur ressenti.

Un stagiaire exprime alors sa déception quant au calendrier de la formation. Il souligne que cette dernière débute, alors que le mi-temps s’achève, et évoque le brusque passage du service, de 50% à 120%. Une autre collègue ajoute que le temps alloué à la formation est quant à lui sévèrement amoindri, et déplore la nécessité d’une autoformation, génératrice là encore, d’une perte de temps.

Le Recteur se montre compréhensif à l’écoute de ces remarques. Il demande à la délégation, comme une confidence, ce qu’elle pense de l’outil logiciel de formation (plateforme Nuxeo) et notamment du DVD « Tenue de classe ».

Les stagiaires font part à l’unisson de l’inefficacité relative de telles mesures, qui trahissent un désengagement de l’Etat dans la formation des enseignants. Le Recteur répondra en ces mots révélateurs : « Ben oui… ».

Lorsque le Collectif des Enseignants Stagiaires rappelle ses revendications, le Recteur explique : « on ne dispose pas du volume [suffisant pour maintenir un service à mi-temps], du fait de la suppression des postes [16000 par an, ndr]. Ma réponse est claire, je ne peux pas… » Le Recteur marque un temps d’hésitation, puis conclut : « Je ne reviendrais pas là-dessus. Je ne peux pas. »

Le chef de cabinet d’ajouter : « Les gens qui vous ont remplacés sont des TZR et des contractuels. À partir de novembre et en mars, on en a besoin, et l’on doit répondre aux besoins de remplacement. »

Une stagiaire s’interroge sur l’inefficacité en termes budgétaire, du mi-service qu’effectuent, depuis le mois de septembre, TZR et contractuels. Elle ajoute qu’une meilleure gestion des ressources humaines pourrait assurer un allégement horaire pour les stagiaires sur le long terme. Le Recteur, extrêmement surpris, confesse : « Vous m’apprenez quelque chose ! ».

Un stagiaire repart à la charge : « Je me souviens de la réunion de rentrée : vous nous souhaitiez la bienvenue dans une académie d’excellence. Moi, je crains le surcroit de travail. Je crains que cela ne rejaillisse sur la qualité de l’enseignement, et donc, sur les élèves ». À la question du Recteur qui cherche à savoir si le collègue a réussi certains cours, le stagiaire répond : « Oui, parce que j’ai eu le temps. Tous les enseignants stagiaires ont cette crainte. »
Le Recteur se dit « très conscient des difficultés qui se posent », mais poursuit : « on est bien obligé de vous lâcher comme on vous lâche. Un Recteur, ça exécute ».

Le camarade étudiant prend la parole : il demande ce qu’il en sera de la formation des PE/PLC et des stages en responsabilité. Après un moment d’hésitation, le Recteur finit par donner sa parole que chaque étudiant en M2 bénéficiera d’au moins 3 semaines de stage en responsabilité (y compris les non-admissibles). Il ajoute en guise d’aveu : « Nous, on veut pas aller au devant d’un recours contentieux. »
Le temps passe, et le chef de cabinet fait savoir que l’on en arrive aux dernières questions. Les stagiaires demandent quelle serait la position du Recteur si une autre académie faisait un geste. Le Recteur rétorque qu’il n’a « pas l’habitude de reculer ». Les stagiaires réagissent : « mais c’est évoluer ! ».

Sans contester, et dans un sourire gêné, le Recteur fait cette annonce : « Si la centrale prend une réponse quelconque, fait signe que nous pouvons bouger (on souligne ici que le Recteur ne dit pas devons, ndr), bien sûr j’appliquerai. Mais pour le moment, j’estime que pour l’équité [entre professeurs du public et du privé], je ne peux pas aider les uns sans aider les autres. »

Le Recteur s’étonne ensuite de la bonne adaptation au service à 18h des stagiaires du privé, dont il n’a reçu, dit-il, aucun retour inquiétant. Un stagiaire lui fait alors remarquer que la charge de travail peut empêcher le rassemblement en collectifs, et rappelle que l’arrivée des vacances a révélé le malaise des stagiaires de Créteil, qui ont procédé à un rassemblement de près 200 stagiaires, la veille. À ces mots, le Recteur fait là encore une annonce d’importance : « Ce n’est pas moi qui vais vous donner des conseils sur ce que vous devez faire ou alors c’est que vous entrez dans le métier en ignorant quelle est la responsabilité administrative d’un recteur. J’ai essayé de vous montrez que l’on comprenait parfaitement les difficultés qui étaient les vôtres… »
Une collègue invite alors le Recteur à faire un choix déterminant en faveur de l’éducation, permettant de couronner avec éclat une carrière qui s’achève. Elle précise : « Vous dites pour les 600 postes de master de stage, que l’on pourrait aller au-delà de l’enveloppe, peut-être que pour nous on pourrait aussi... si on voulait… non ? ». À ces mots, un silence pesant s’installe, et le Recteur, visiblement gêné, sourit pour toute réponse. Les stagiaires insistent avec émotion : « c’est vraiment dur », « 18h c’est quand même énorme ! ». Visiblement poussé dans ses retranchements, le Recteur glissera seulement à son chef de cabinet, après un silence et dans un sourire tendu : « Répondez-leur de manière technocratique. »

Le Recteur, relativement soucieux, clôt l’audience en annonçant qu’il restait « pour l’instant (!) sur sa position », qu’il ferait « une remontée au cabinet », et qu’il y aurait « à la prochaine assemblée de Recteurs, une réunion bilan » sur la situation des stagiaires.

Le Collectif et le représentant des étudiants M1 et M2 PE/PLC remercient le Recteur de les avoir reçus. Ce dernier les invite à revenir le voir dans le courant du mois de Janvier, pour réévaluer la situation après le passage à temps plein des stagiaires.

Pour le Collectif des Enseignants Stagiaires de Bretagne,


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