4 janvier 2005

Observatoire et stages

Stage FSU langues bretonnes Loudéac du 2 décembre (compte rendu)

Ce stage a réuni une quarantaine d’enseignants du premier et du Second Degré.

Où en est l’enseignement des langues bretonnes ?

...après la sortie des textes de 2002-03 sur l’enseignement bilingue, la mise en place du CALR, la convention additionnelle au contrat de plan Eta-région
et à la veille de la nouvelle loi d’ orientation... la progression de l’enseignement public se poursuit + 8, 76 % , moins vite que le Privé + 15,14 %, plus que Diwan + 2%.
L’enseignement privé catholique grignote des « parts de marché » avec une véritable stratégie d’implantation, contrairement à la gestion rectorale qui est incapable d’anticipation. Il apparaît , à l’exemple du Premier Degré, que le Privé opère une sélection géographique de ces implantations, au bénéfice des deuxième et troisième couronnes des périphéries urbaines, notamment en Bretagne méridionale en fonction des flux de population, recherchant en priorité les jeunes couples salariés repoussés des centres.
Cette progression se fait en dépit d’une absence de continuité de l’offre entre écoles et collèges privés, ainsi que d’une « pauvreté des compétences linguistiques » acquises par rapport à l’enseignement par immersion ou au bilingue public.
Pour sa part,l’enseignement public des langues régionales subit plusieurs contraintes :
  l’absence de stratégie rectorale aussi bien en ce qui concerne l’enseignement bilingue que l’enseignement optionnel ; le non-respect par l’Etat de ses engagements quant au nombre d’ouvertures de classes dans l’enseignement public (cf contrat de plan)
  peu d’initiation à l’école primaire
  le non respect des textes et horaires pour l’enseignement en collège : 1 heure au lieu des 2 heures légales en collège (le rectorat applique ses propres textes )
  des conditions de travail difficiles pour les personnels :service sur 3 voire 4 établissements.
  les seuils CM2-Collège et 3e - Seconde sont des moments de rupture, pour cause d’offre d’enseignement trop lointain, ou la lassitude d’ados liée à la surcharge de travail. Les élèves et leurs familles sont aussi rebutés par des bricolage d’horaires ou d’emplois du temps : séquences de midi à deux, horaires réduits, avec naturellement les mêmes contraintes pour les enseignants de langue ou en breton.
Le visio-enseignement , nouveau dada du Recteur, a été installé en force alors que les effectifs ne le justifiaient pas partout. Alors que le visio ne devait concerner que les débutants, les collègues chargés d’enseigner par visio se sont trouvés face à un public hétérogène, des bilingues issus de l’enseignement public ou de Diwan, des élèves ayant suivi l’initiation de la 6e à la 3e au collège et des vrais débutants... L’un des collègues a refusé cette hétérogénéité et n’a conservé que les vrais débutants (pôle Sud). Les autres élèves ont retrouvé leur professeur en sous-service depuis la rentrée !!!
Il est douteux que le visio sauve la langue. On note aussi le poids d’un investissement entièrement à la charge de l’Etat dont le coût n’a pas été divulgué par le Recteur.
Plusieurs collègues pensent qu’il aurait fallu refuser la mise en place du visio-enseignement.
La progression enregistrée par l’enseignement public ne doit pas faire illusion ; elle ne fait que rattraper le déficit des deux années précédentes.
Enfin le contexte , réforme de l’Etat, Lolf et pour finir future loi d’orientation, sont lourds de menaces pour les langues régionales. L’objectif de réduire au maximum le coût des Services publics explique le choix d’un socle commun appauvri et étroit évacuant tout le « superflu ». Les langues régionales risquent d’être en première ligne ainsi que l’enseignement bilingue.
Ajoutons que la précarité des personnels d’enseignement fragilise encore la situation. Dans le Primaire, le bilingue repose sur ces personnels précaires - 50 des instituteurs en Morbihan, à peu près autant en Ille et Vilaine. Cet expédient n’est pas viable ; le SNUIPP rappelle son exigence d’un concours spécifique, pouvant utiliser les ressources de la VAE, pour résorber le problème de la suppléance.

Quel apport du Conseil régional ?
J-P Thomin présente la charte élaborée à partir du texte soumis aux électeurs au Printemps 2004, enrichie d’amendements divers , notamment pour ce qui concerne le Gallo.
Pour le Conseil Régional, les langues et cultures régionales sont un élément du patrimoine de l’humanité dans sa diversité. Patrimoine de tous, c’est un élément de lien social et de richesse culturelle. En l’absence de politique linguistique autre, le C.R prend la responsabilité de tracer des perspectives sur les quatre, cinq ans à venir, avec l’objectif de 20 000 élèves en 2010, nécessaire pour atteindre la masse critique de locuteurs indispensable pour rendre aux langues régionales leur rôle social. Elles ne doivent pas seulement être langues scolaires mais aussi langues présentes dans la vie publique, sociale et dans les medias.
Breton et gallo doivent être facteurs de création culturelle, par l’aide à l’édition, aux manifestations audio-visuelles et au développement des industries culturelles, ainsi qu’à la diffusion. Il est également prévu une prise en compte dans la vie de l’institution régionale, par formation de personnel.
Comment atteindre cet objectif ? La recherche de partenariat avec l’Education nationale, les collectivités locales, les médias télévisuels sont un moyen.

Le débat qui suit permet de préciser les choses.
Partenariat avec l’EN , en faisant respecter ,par le Rectorat,le Contrat de plan et adopter une nouvelle convention additionnelle plus ambitieuse. Nécessité de travailler avec la FSU, les syndicats et les Parents pour agir sur le Rectorat afin d’obtenir la création de 150 postes par an sur l’ensemble de la filière . Sur les trois dernières années, le Public enregistre un retard de 21 postes (par contre le Privé recrute 3 postes de plus par an que l’objectif de la Convention - 19 au lieu de 16).
La politique des pôles linguistiques mise en place par le Rectorat : le représentant du C. Régional y est assez favorable, comme garantie d’un bon emploi des fonds publics (plusieurs écoles alimentant un collège), à la condition de l’élaboration d’une carte prévisionnelle sur 5 ans.
Plusieurs intervenants soulignent les limites de cette politique : son opacité et la difficulté d’obtenir des informations, notamment sur la part de décision des établissements ; la contradiction avec l’exigence de proximité de la plupart des Parents. De plus, les pôles se font par redéploiement au détriment des options, qui ont le mérite d’exister. Les enseignants de gallo soulignent l’intérêt des grands ados pour l’option, pour le bonus qu’elle assure pour le Baccalauréat ; par ailleurs l’option est, avec l’immersion, la principale pourvoyeuse du Supérieur.
Sceptique, J-P Thomin préfère les pôles, à condition d’obtenir une lisibilité pluriannuelle avec des règles précises d’ouverture, des contenus de qualité et l’objectif de créer des filières viables.

Sur la formation et le recrutement.
Ronan Lourre présente le rôle du CFEB - Skol ar Gelennerien, créé en 2001 dans le contexte du concours spécial devant intégrer Diwan. Formation initiale, formation continue (de plus en plus réduite) et élaboration d’outils pédagogiques, avec une structure sous-employée qui pourrait former beaucoup plus de personnels.

Les effectifs accueillis croissent au niveau des Professeurs des Ecoles 2e année, grâce à l’obtention du concours spécial d’intégration des personnels vacataires. Stabilité des P.E. 1, alors que la capacité d’accueil est importante : problème de vivier.
Le problème le plus grave est au niveau des PLC1 - préparation des Professeurs de lycées et collèges - avec une chute importante des effectifs accueillis. C’est le résultat de l’annonce du blocage des recrutements et des fermetures d’options qui freine les vocations. La faiblesse des inscriptions en licence sert d’argument au Ministère pour réduire les postes au concours, faisant du Second Degré un secteur très incertain pour les jeunes.

Concernant le Gallo : faiblesse des moyens avec 1 poste à plein temps pour les collèges et lycées, des demi-postes et bouts d’heure disponibles. Le développement de l’option se heurte à de grosses difficultés et le CNED refuse d’ouvrir une formation. Les Chefs d’Etablissement ne soutiennent pas, le Conseil Régional refus e de payer à la place de l’Etat. Mort lente et discrète ? L’intervenant de Gallo est sceptique sur les déclarations d’intention.

Quelles perspectives ?
  obtenir une vrai campagne de promotion pour l’enseignement bilingue mais aussi pour les enseignements optionnels des deux langues de Bretagne de la part du Rectorat et du Conseil régional. En ce qui concerne le CR, Jean-Pierre Thomin pense que cela est réalisable en collaboration avec Offis ar brezhoneg (office de la langue bretonne).
  Pour le Premier degré, obtenir une dotation spécifique, les créations de classes bilingues se font souvent par redéploiement, induisant un risque d’opposition entre bilingues et monolingues. En attendant, l’idée d’un moratoire pendant la montée en charge de la section bilingue est à creuser.
  Toujours dans le premier degré, nécessité de mettre fin à la précarité
  Pour le Second Degré, maintenir les langues régionales hors DGH ; les intégrer dans la dotation globale, c’est décider de les condamner.
  Exiger des conditions de service compatible avec cet enseignement : refuser les regroupements engendrant des compléments de service, parfois sur trois établissements. Il faut donc être vigilant sur la bivalence, dont le recours permet au Rectorat de détourner des moyens d’enseignement aux dépens du Breton (cas d’un enseignant disposant d’un effectif de 12 élèves, écarté au profit de la visio conférence, et à qui l’administration impose un stage de reconversion en Angleterre).
  Un effort particulier doit être consenti pour le gallo, menacé d’une mort rapide dans le contexte actuel.

Le Conseil Académique des Langues régionales s’est réuni 3 fois depuis sa mise en place en juin 2003. Notons que le Recteur ne l’a pas réuni au cours du 1er trimestre de cette année scolaire pour faire le bilan de la rentrée. La question de notre participation à cette instance se pose car les représentants de la FSU ont l’impression d’y perdre leur temps mais l’avis des collègues présents au stage est qu’il faut quand même continuer à y participer.

Enfin, le stage se conclut sur la nécessité d’une demande d’audience au Recteur sur l’ensemble des questions débattues à Loudéac. Cette demande a été faite.

Compte rendu réalisé par Jean Pierre Fouillé , co-animateur de l’Observatoire des pratiques et des contenus du Snes .