11 mai 2003

Actualité académique

Retraites : pourquoi le gouvernement n’a pas choisi la bonne solution

L’article que Jean-Piriou économiste, maître de conférence à l’université Paris-A-Panthéon-Sorbonne vient de faire paraître dans Le Monde du vendredi 9 mai 2003 reprend de nombreux arguments largement diffusés par plusieurs associations et syndicats.

Compte tenu des qualités pédagogiques de cet article, il n’est pas inutile d’en reprendre quelques éléments pour en faire une synthèse plus accessible :

Il y a trois manières d’assurer le financement des retraites à l’horizon 2040 si l’on abroge la réforme Balladur.

  1. reculer de 9 ans l’âge de la retraite.
  2. diviser par 2 le pouvoir d’achat des retraités en faisant passer leur pension de 78% du salaire net moyen à 41,5%….!
  3. augmenter le taux de cotisation pour la retraite de 14 points soit une variation annuelle de 0,34 point.

La 3e solution est systématiquement écartée au nom de la compétitivité des entreprises.

Si cet argument est fondé, les bénéfices des entreprises ont dû baissé avec l’augmentation des charges sociales.

Dans les faits :

    • Entre les deux guerres mondiales, les charges sociales sont très faibles. Les profits des entreprises s’élèvent à 33% de la valeur ajoutée. Les salaires se partagent donc le reste soit 67%.
    • Depuis 1950, les charges sociales ont augmenté. Les profits des entreprises se sont élevés à 35% de la valeur ajoutée…
    • Conclusion : l’augmentation des charges sociales n’a pas pesé sur les profits.

Mais alors qui a supporté le financement de ces charges ? C’est le salarié par une baisse de son salaire direct.

Les USA et l’Angleterre ont-ils fait mieux ?

    • Entre les deux guerres mondiales, les bénéfices des entreprises américaines étaient de 36% de la valeur ajoutée. Ce même bénéfice était de 37% en Grande Bretagne (rappel 33% en France).
    • Depuis 1950, ces chiffres sont passés à 34% aux USA et à 31% en Angleterre (rappel 35% en France).
    • Conclusion : les charges sociales n’affectent pas les profits des entreprises.

La solution consiste donc à augmenter lentement les cotisations des actifs chaque année.

De quel pourcentage ? Ce pourcentage doit être calculé en fonction de l’augmentation de la productivité.

    • Si la productivité augmente de 1,6 % comme le prévoit le COR ( Conseil d’Orientation des retraites), on n’augmentera les cotisations de 0,5% pour garantir un pouvoir d’achat de 1,1% ( simulation très raisonnable).

Autrement dit le pouvoir d’achat moyen des actifs augmentera de 54% en 40 ans au lieu de 89%.

Bien sûr, il serait possible de conserver les 89% mais pour cela il faudrait sacrifier les retraités c’est-à-dire ses propres parents par exemple. Il existe aussi d’autres moyens plus expéditifs….

    • Si la productivité augmente de 2,4 %, on augmentera toujours les cotisations de 0,5% pour garantir un pouvoir d’achat de 1,9%. C’est cette productivité que nous avons connu depuis 1973.

Le patronat et le gouvernement estiment que l’on ne peut pas consacrer aux retraites 6 points de PIB en 2040.

Si en 1960, il avait été question d’augmenter de 7 points le poids des retraites dans le PIB, le patronat et le gouvernement auraient eu la même réaction. C’est pourtant bien ce qui s’est passé. Les retraites sont passées de 5,4% du PIB à 12,6 % soit une différence de 7,2.

Grâce à ces 7 points nous avons fait reculer la pauvreté des retraités. Nous avons abaisser l’âge de la retraite.

Malgré tout cela, les profits ont progressé. Ca relève quasiment de la magie...

Merci à Jean-Paul Piriou et au Monde disponible tous les jours en kiosque ou sur abonnement.