Depuis quelques décennies, le libre-échange généralisé, la concurrence internationale, l’émergence de nouveaux pays industrialisés ont mis en difficulté les économies dominantes dont bien sûr la France. Pour faire face, les gouvernements suivant les demandes du patronat, ont décrété qu’il fallait limiter le plus possible le coût de la main d’oeuvre en partant de l’idée que ce coût du travail c’est d’abord le poids des cotisations sociales, subtilement rebaptisées en « charges ». C’est ce qu’on appelle communément la « politique de l’offre », mis en pratique par tous les gouvernements depuis le tournant du siècle, accentuée particulièrement par le président Macron.
Aujourd’hui, les allègements et exonérations de cotisations sociales représentent 80 Mds € par an avec pour buts avoués de supporter les entreprises et de créer des emplois. Or les études empiriques (cf Clément Carbonnier, Paris 1 Panthéon-Sorbonne) démontrent que la baisse du coût du travail, la modération salariale ne créent pratiquement pas d’emplois.
Les effets négatifs sont par contre bien démontrés :
- La baisse des ressources entraîne le sous-financement de la protection sociale et le déficit de la Sécurité sociale et du système des retraites. L’Etat doit donc réorienter le financement de la protection sociale depuis les cotisations sur les salaires (qui ne représentent plus que 48% des recettes) vers l’impôt (CSG, CRDS, taxes diverses, part de la TVA...).
- Ces restrictions provoquent d’une part la baisse ou stagnation des dépenses de santé et des hôpitaux, et d’autre part le recul des dépenses de services publics et des investissements d’avenir (Education, Environnement, soutien public à la recherche et développement...) privés de fait de ressources fiscales.
- L’obsession pour la baisse des coûts du travail génère aussi un basculement du salariat vers l’auto-entrepreneuriat et l’ubérisation, sources de précarité, de bas revenus et de mauvaise protection sociale.
- Le maintien de bas salaires poussent les entreprises vers les activités à faible valeur ajoutée, et limite ainsi les gains de productivité et l’essor d’une économie innovante.
Au total, tous ces dispositifs : exonération de cotisations, baisse de la fiscalité des entreprises et des revenus capitalistes, mais aussi les compensations pour soutenir les revenus financées par l’Etat (prime d’activité, HS défiscalisées, crédit d’impôt sur les services à la personne...) coûtent cher à l’Etat. Paradoxalement, cela revient à faire payer par l’Etat une part importante des salaires en lieu et place de l’employeur, ainsi 40% du brut sur les bas salaires sont assurés par la puissance publique. Alors que tout cela n’a pas d’effet positif sur l’emploi. L’Etat se piège lui-même, à moins qu’il s’agisse d’une politique voulue pour déstructurer la protection sociale et assurer les intérêts des privilégiés. L’hystérie provoquée par la proposition de taxe sur les hauts patrimoines, dite « taxe Zucman » semble le démontrer.
Pourtant face à l’urgence sociale, la crise environnementale, le décrochage économique, un autre budget est possible en récupérant les sommes consacrées sans effet positif aux entreprises vers des investissements utiles : éducation, santé, innovation... ; et inciter les entreprises à faire des gains de productivité en s’appuyant sur des salarié.e.s mieux rémunéré.e.s, mieux protégé.e.s, mieux écouté.e.s, bien au travail.
