La question de la mixité sociale et scolaire fait nécessairement ressortir la spécificité de la Bretagne parmi les académies françaises
La question de la mixité sociale et scolaire fait nécessairement ressortir la spécificité de la Bretagne parmi les académies françaises : la très forte présence d’un réseau d’établissements privés sous contrat qui font concurrence au service public d’éducation nationale. Alors qu’au niveau national 21% des élèves du second degré sont scolarisés dans le secteur privé sous contrat [1], en Bretagne c’est le cas de 42,3% des élèves, soit deux fois plus.
Si l’implantation d’un réseau d’établissement privé sous contrat n’est pas récente, la forte densité de ce réseau et son implantation dans de nombreuses communes de l’académie amène à s’interroger sur la place et l’évolution prise par ce réseau dans l’enseignement du second degré.
Une importance du privé qui diffère selon les départements
On peut tout d’abord remarquer que la place de l’enseignement privé dans la scolarisation des élèves du second degré n’est pas homogène sur le territoire de l’académie et entre les cycles. A la rentrée 2022, c’est 65,5% des élèves de collège des Côtes d’Armor qui sont scolarisés dans le public contre 57% des collégien nes du Finistère et d’Ille et Vilaine, mais seulement 47,7% des élèves de collège du Morbihan.
De même si les deux-tiers des élèves de lycées sont scolarisés dans le public en Ille et Vilaine et dans les Côtes d’Armor, ce n’est le cas que de 54,7% des lycéen nes du Finistère et de 50,6% des lycéen es du Morbihan.
Un privé qui prend de plus en plus en de place dans l’Académie
Cette répartition des effectifs n’est pourtant pas immuable, l’évolution selon les secteurs d’enseignement n’ayant pas été la même dans tous les départements. Alors que depuis 20 ans, les effectifs d’élèves dans les établissements du second degré ont augmenté de 4,5% dans l’Académie, la hausse a été de 7,4% dans le privé contre 2,5% dans le public. Cette évolution globale à l’échelle de l’académie masque cependant des différences entre départements.
Les Côtes d’Armor et le Finistère ont connu une baisse de la population scolarisée dans le second degré, mais avec des évolutions très différentes selon les secteurs dans ces deux départements. Alors que dans le 22 les effectifs d’élèves du public sont restés stables et que ceux du privé reculaient de 4,8%, dans le 29, au contraire, les effectifs du public ont baissé de 8,5% quand ceux du privé stagnaient.
2002 | 2007 | 2012 | 2017 | 2022 | Evolution de 2002 à 2022 | |
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Côtes d’Armor Public Privé |
49 985 32324 17661 |
46 619 29 947 16 672 |
49 146 32 285 16 861 |
50 895 33 771 17 124 |
49 165 32 357 16 808 |
-1,6% 0,1% -4,8% |
Finistère Public Privé |
79 653 46470 33183 |
76 074 43 765 32 309 |
76 769 43 704 33 065 |
78 653 44 375 34 278 |
75 691 42 502 33 189 |
-5,0% -8,5% 0,0% |
Ille et Vilaine public privé |
87 009 52485 34524 |
86 053 51 377 34 676 |
91 938 55 674 36 264 |
99 338 60 368 38 970 |
101 974 61 453 40 521 |
17,2% 17,1% 17,4% |
Morbihan Public Privé |
61 136 32 062 29 074 |
59 472 30 116 29 356 |
61 946 30 985 30 961 |
64 693 32 043 32 650 |
63 498 31 101 32 397 |
3,9% -3,0% 11,4% |
Académie de Rennes | 277 783 | 268 218 | 279 799 | 293 579 | 290 328 | 4,5% |
Surtout c’est dans le Morbihan que les évolutions sont le plus inquiétantes. Alors qu’entre 2002 et 2022 les effectifs d’élèves scolarisés dans les établissements du second degré ont augmenté de 3,9% dans le département, les effectifs du public ont baissé de 3%, quand dans le même temps ceux du privé augmentaient de 11,4% !
En Ille et Vilaine, l’évolution entre secteur public et secteur privé est plus proche, mais cache cette fois des disparités entre collèges et lycées. Alors qu’entre 2002 et 2022, le nombre d’élèves scolarisés dans les collèges publics du 35 a augmenté de 16,3%, il a augmenté de 28,5% dans les collèges privés. A l’inverse, dans les lycées du département, le nombre d’élèves scolarisés n’a augmenté que de 3,5% dans le privé, contre 17,9% dans les lycées publics.
Des évolutions qui se manifestent particulièrement dans les grandes villes
Ces évolutions s’observent particulièrement à l’échelle des grandes villes de la région. Alors que les effectifs scolarisés dans le public ont diminué dans toutes les grandes villes de la région (à l’exception de Rennes), les effectifs scolarisés dans le privé ont eux augmenté assez nettement dans plusieurs villes bretonnes. Ainsi à Vannes, les effectifs scolarisés dans le public ont diminué de près de 20%, alors que les effectifs du privé augmentaient de 11%. A Lannion, les effectifs du privé ont augmenté de 23% alors que ceux du public baissaient de 16%. A Quimper, les effectifs du privé augmentaient de 15% quand ceux des collèges et des lycées publics baissaient de 23% !
Par Kévin Hédé