Monsieur le Recteur,
Depuis une semaine, les élus de la FSU travaillent sur les projets d’affectation transmis par vos services. Nous ferons, au cours de ces deux jours de commissions, des propositions pour améliorer les nominations prévues et permettre des mutations supplémentaires dans le respect des règles et des barèmes applicables à tous. Très attachés à la transparence de ces opérations, à la définition d’un cadre national et collectif, nous luttons contre toute forme de déréglementation.
La gestion déconcentrée se renforce encore cette année alors qu’aucun bilan du mouvement national déconcentré n’est établi. Le ministre vantait la simplification des procédures de mutation, la mobilité des personnels, le traitement équitable entre fonctionnaires, il n’en est rien. Ecoutez nos collègues, leurs témoignages sont éloquents. Les suppressions de moyens, les gestions à court terme des flux INTER-académiques et surtout les baisses irresponsables des recrutements accélèrent « l’ académisation » de l’Education nationale.
Le précédent gouvernement entendait renforcer la régionalisation. Pour nous, il est impensable que la fonction publique, adaptée de force au désengagement de l’Etat, assure différemment ses missions selon les régions, accentuant ainsi les inégalités territoriales. Nous exigeons à ce titre le retour des personnels TOS dans l’Education nationale et dénonçons les concours à affectations régionalisées.
Le scrutin du 29 mai confirme le rejet de cette politique néolibérale qui limite l’ambition de l’école. La FSU a interpellé le nouveau ministre de l’Education pour lui rappeler le rôle émancipateur de l’école. Nous défendons deux priorités : abandonner la loi Fillon et préparer la rentrée sur d’autres bases.
Il est urgent de décider d’un collectif budgétaire pour rétablir des enseignements, des options, des dédoublements, les TPE en terminale, pour diminuer les effectifs en classe. 7000 emplois sont retirés à la rentrée 2005, soit plus du double de ce qui correspondrait à la prise en compte mathématique de la baisse prévue des effectifs. Sur 4 ans, ce sont plus de 20 000 emplois qui auront été supprimés.
Pour notre Académie depuis 3 ans, 1000 emplois d’enseignants, CPE et Copsy ont été supprimés. Les conditions d’encadrement, de formation et d’orientation de nos élèves se dégradent chaque année. Les centaines de postes retirés des établissements freinent la mobilité professionnelle. Les possibilités de mutation se réduisent. Les collègues titulaires d’un poste en établissement ne se risquent plus à demander une mutation. Moins nombreux à participer au mouvement, seuls 10% des candidats changent de poste ! Sur le Morbihan, aucune affectation en établissement n’est possible en espagnol, 1 affectation se fait en SVT et seulement pour une carte scolaire, 5 postes sont offerts en histoire-géographie dont 4 sont pris pour des replis de carte scolaire. En allemand, en tout et pour tout sur l’Académie, 2 mutations hors carte scolaire sont possibles. Le parcours professionnel évoqué dans vos circulaires rectorales est de fait un concept de la « nouvelle gestion des personnels » aussi contestable que le mérite et la valeur professionnelle.
La FSU s’est opposée au principe des postes APV et vous a appelé à maintenir les postes PEP2 à complément de service. Vous avez fait le choix de les supprimer. Nous demandons qu’ils soient maintenus là où les services partagés, fixés depuis des années, sont incontournables et offrent à chaque élève le meilleur enseignement. De tels postes sont éprouvants, l’exercice professionnel est plus usant, sûrement moins satisfaisant. Pour promouvoir ces postes, stabiliser les équipes et garantir aux petits établissements un meilleur fonctionnement, il faut les accompagner de compensations. Il ne peut s’agir pour nous d’un salaire au mérite.
Envisagé dans le projet ministériel, ce salaire au mérite, corrélé à l’emploi occupé, serait fonction de l’indice, de l’emploi et des performances de l’agent. Cela empêcherait toute comparabilité des carrières, composante essentielle du statut général des fonctionnaires.
Vous avez, M. le Recteur, ignoré nos propositions et avez délégué aux chefs d’établissement la gestion locale de ces postes. Des collègues, y compris des CPE et documentalistes, ont dû accepter un service partagé, sans compensation réelle pour la surcharge de travail, sans bonification de barème pour changer de poste à moyen terme. Pour d’autres, les services se partageront dans le même établissement avec une autre discipline ou une autre fonction. Cette adaptabilité aux contraintes locales, liée à l’absence de moyens sur le terrain, est inacceptable.
Depuis 2 ans, vous avez multiplié les moyens provisoires en établissement et accéléré la banalisation d’affectations souples et instables sur ZR. Les TZR assument une large partie des services partagés. Après l’élargissement des zones en 2004, ils subissent des conditions d’exercice particulièrement difficiles. C’est pourquoi la FSU défend le principe d’une majoration de barème spécifique aux TZR. Insatisfaits de leur situation, ils sont d’ailleurs plus de 80% à demander une mutation. L’Intersyndicale proposera donc à nouveau un vote [1] pour le rétablissement des 20 points.
Vous participez ainsi à la déqualification de nos métiers, dont le sens profond est l’attachement à la discipline. Une étude récente de la DEP du ministère indiquait combien la transmission des savoirs et des compétences, composantes essentielles de la relation pédagogique, est importante pour les enseignants interrogés. Près des ¾ indiquaient d’ailleurs leur refus d’enseigner une autre discipline.
Nous rappelons notre revendication d’un poste de COPsy pour 1000 élèves, d’un poste plein de CPE et de documentaliste dans chaque établissement quelle qu’en soit la taille. Nous revendiquons des moyens de remplacement mais aussi l’implantation de postes définitifs en établissement, au besoin fléchés pour tenir compte d’exigences particulières.
Par exemple, la disparition programmée des postes typés ZEP est irresponsable. Pour nous, l’approche sociale et territoriale requiert une attention toute particulière et nier les contraintes et les difficultés professionnelles sur ces établissements est impensable.
Mais voilà bien l’esprit actuel des réformes dans nos métiers : contenir les difficultés, gérer les contraintes, favoriser ou imposer l’adaptabilité, évaluer les performances dans le seul périmètre de l’établissement.
De nouvelles pratiques de management se développent, nous dénonçons et combattons leurs dérives. L’élargissement du champ de compétences des chefs d’établissement à la gestion des personnels et au domaine pédagogique ne peut pas nous satisfaire. Nos métiers, organisés par des statuts particuliers sont autant de spécificités et ne se résument pas à des métiers d’exécution. L’évaluation normée et menée par une hiérarchie de proximité nous ferait perdre l’autonomie, l’imagination, l’innovation qui sont les moteurs de nos pratiques professionnelles.
Nous savons que renforcer le poids des hiérarchies locales, organisées ou non autour des conseils pédagogiques, c’est s’attacher bien davantage aux activités périphériques et décentrer nos missions vers des activités plus évaluables et repérables.
L’inégalité des avis portés par les chefs d’établissements pour le passage à la hors-classe des certifiés et CPE confirme notre analyse. M. Le Recteur il vous appartiendra le moment venu de garantir à tous les collègues un déroulement de la carrière incluant la hors-classe. Rappelons d’ailleurs la nécessité de créer cette hors-classe pour les COPsy.
La LOLF impose une gestion micro-économique alors qu’il faudrait une gestion pluriannuelle des emplois et des recrutements. Couplée aux stratégies ministérielles de réforme, ce n’est pas qu’une présentation budgétaire nouvelle. La LOLF est un levier pour mettre au pas les personnels et redéfinir le sens de nos métiers. Nous appellerons nos collègues et les usagers à se mobiliser si les dérives que nous pressentons commandent l’abandon des missions de service public, le renoncement à des enseignements de qualité dans nos écoles par des professionnels reconnus et qualifiés. Nous attendons, Monsieur le Recteur, que vous réaffirmiez le droit pour chacun à un poste définitif, stable, conforme aux qualifications, et le droit à un déroulement de carrière complet où l’arbitraire, le profil, le mérite n’auront aucune place.