En se fondant sur des généralités de « bon sens », sur les défis posés par les blocages de la démocratisation scolaire depuis les années 95, le rapport Thélot s’engage dans une orientation de transformation régressive du système éducatif. Qu’on juge sur pièces :

1- Le fameux « socle commun de l’indispensable » (lire, écrire, compter, anglais de communication internationale, vivre ensemble) renvoie à un véritable « RMI » culturel proposé comme seul horizon pour les élèves dits en difficulté. Aux autres l’accès à une authentique culture donnant de réels éléments de compréhension, d’analyse et d’interprétation de leur environnement social, économique et culturel. C’est bien une école à deux vitesses dont on nous trace les contours en considérant les différences actuelles de réussite scolaire comme des données de fait incontournables. L’abandon de l’objectif de 80% d’une classe d’âge baccalauréat (loi d’orientation de 89) est le corollaire inévitable de l’option appauvrissante choisie par les rapporteurs. La visée de qualifications élevées pour tous est même taxée « d’illusion pour les individus et d’absurdité sociale » !!! Les « connaissances, compétences et règles de comportement » constitutives du socle commun relèvent d’une conception strictement utilitariste et instrumentale du savoir. Elle va à l’encontre des prévisions qui annoncent une pénurie d’emplois à niveau Bac+3 dans les dix ans à venir. Ces choix font écho à une conception duale de la société, qui s’accommode d’une masse d’emplois précaires et peu qualifiés (services aux personnes et de relation en particulier), et du recours accru à l’apprentissage et l’alternance.

2- Dans ces conditions, la « réussite de tous les élèves » avancée par la commission Thélot est largement biaisée car elle ne se réfère plus à un fondement commun à l’ensemble d’une tranche d’âge (l’objectif des 80%). De plus, cette réussite se rapporte à la manifestation de « talents individuels ». On voit ressurgir une théorie des dons et aptitudes, différenciés « naturellement » (à quand l’évocation de « la bosse de maths » ?) alors que les dispositions scolaires et d’apprentissage sont socialement construites. L’élève est ainsi renvoyé à ses « qualités ou insuffisances » strictement personnelles, justifiant des parcours individuels très différenciés et une orientation précoce. Ces options tournent le dos à l’objectif d’une « égalité des résultats », perspective fondatrice du collège unique, indépendamment des difficultés de son atteinte effective. Et bien entendu, toute référence à la coopération et à la solidarité, tant dans l’apprentissage que dans l’organisation de la vie démocratique, est délibérément ignorée. Nous sommes bien en « pays libéral » au sein duquel l’invocation de la responsabilité individuelle est permanente. Chacun sera donc orienté (trié ?) en fonction de ses mérites personnels et ce, dès le collège, au sein de filières générale, technologique, et professionnelle rendues plus « étanches ». La recherche de référence commune à toute une population scolaire disparaît ainsi.

3- Cette optique clairement libérale trouve son pendant dans les réorganisations administratives et pédagogiques au sein des écoles et établissements scolaires. La conception managériale de la gestion du système éducatif préside à ces transformations :
 Multiplication des échelons hiérarchiques (par ex : chef d’établissement en primaire), au détriment de la collégialité des équipes pluridisciplinaires.
 Pilotage stratégique et contractualisation généralisée.
 Evaluation au « mérite individuel ».
 Autonomie accrue à tous les niveaux (administratif, pédagogique financier...) des établissements, source de leur mise en concurrence et de l’accroissement des inégalités.
 Création d’un « référent policier » affecté auprès des établissements, etc...

On assistera au développement d’un autoritarisme accru, et donc d’un recul de la vie démocratique scolaire. Tous les outils de la « bonne gouvernance » sont à l’œuvre pour accroître la productivité du « mammouth ». Et en tout premier lieu celle des enseignants et de tous les personnels de l’Education Nationale.

4- Cette logique managériale impliquera une redéfinition des conditions d’emploi et d’exercice des personnels :
 Allongement du temps de présence des enseignants (de 4 à 8 heures !) avec alourdissement des tâches ; en phase avec les 4500 suppressions d’emploi déjà advenues.
 Différenciation des statuts selon les nouvelles modalités de recrutement, en s’appuyant sur le renouvellement massif des enseignants. Une logique déjà appliquée à « France-Télécom », avec un « franc succès » !
 Formation professionnelle en dehors du temps de travail. Etc...

L’ORIENTATION GLOBALE DU RAPPORT THELOT AUGURE DONC UNE TRANSFORMATION REGRESSIVE DU SYSTEME EDUCATIF, ADAPTEE A UNE SOCIETE DEGRADEE OU LA MOBILITE SOCIALE SE REDUIT.

Face au nouveau défi de la démocratisation scolaire, la Fédération Syndicale Unitaire ( FSU )
a une ambition radicalement opposée. Elle propose notamment :
 Une scolarité obligatoire portée à 18 ans, le maintien d’une visée de formation initiale de haut niveau pour tous, avec l’objectif de 80% d’une classe d’âge au baccalauréat.
 Le maintien et la rénovation du « collège unique ».
 Création de passerelles entre les filières et mise en place de poursuites d’études dans le secteur public.
 Une réduction des sorties sans diplôme tout en poursuivant l’élargissement de l’accès aux baccalauréats.
 Une Ecole qui introduit les élèves à un monde commun de savoir, de valeurs.
 Une Ecole qui permette à chacun de s’insérer dans un emploi qui l’intéresse et le valorise.

Fédération Syndicale Unitaire de l’enseignement de la recherche et de la culture ( FSU )