La première phase de l’autoévaluation des établissements a commencé dans un contexte sanitaire tendu et avec des équipes déjà sous pression. L’objectif de ces évaluations est de contraindre les projets d’établissement et/ou les contrats d’objectifs, dans une perspective managériale destructrice pour le service public d’Éducation. Attention danger !

Plusieurs collègues du département nous alertent sur les ordres du jour de conseils pédagogiques ou de réunions au sein de leur établissement. Ils portent des intitulés tels que « auto-évaluation de l’établissement », « mise en place de comité de pilotage », etc. Ces termes doivent toutes et tous nous interpeller. Que recouvrent-ils ?

Ils préfigurent la mise en oeuvre de la première phase de l’évaluation des établissements scolaires voulue par J.-M. Blanquer, mentionnée dans la loi "pour une école de la confiance"de juillet 2019. Le Conseil d’évaluation de l’école a été installé officiellement fin juin 2020. Cette évaluation comporte deux phases : une autoévaluation de l’établissement puis une évaluation de la part du rectorat ou de la DSDEN dans un second temps. Elle concernera 20 % des établissements chaque année et donc chaque établissement sera évalué tous les 5 ans. En Ille-et-Vilaine comme dans les académies de Nantes, d’Orléans-tours, de Paris, d’Aix-Marseille, la première phase est actuellement en cours de lancement : les équipes sont invitées à multiplier les réunions pour réaliser un diagnostic guidé. Ceci, à notre connaissance, concerne 16 collèges pour le moment.

Un management destructeur
Alors que la profession se débat pour mener à bien ses missions dans le contexte sanitaire actuel, alors que les personnels sont exténués, tout se passe comme si une partie de l’administration poursuivait aveuglément son travail de sape et assumait cette maltraitance institutionnelle.
Ne soyons pas dupes : sous un mot flatteur comme « coconstruction », cette auto-évaluation va servir à culpabiliser les équipes qui devront s’engager à réaliser des « progrès », à faire porter à l’établissement la responsabilité des difficultés rencontrées alors que l’État, lui, dans le même temps, détruit les emplois et s’attaque à la nature de nos métiers !
Par exemple, l’auto-évaluation va pointer que les enseignants doivent mieux accompagner les élèves dans leur parcours d’orientation alors même que les postes de PSY-EN sont sacrifiés...
Au nom de l’adaptation au « local », au « territoire », l’auto-évaluation peut, par ailleurs, être un outil de déréglementation. Le but n’est plus de juger l’action de l’établissement sur la base d’ambitions réelles avec des critères nationaux objectifs mais sur celle de la « valeur ajoutée » apportée sans que l’on sache de quoi il s’agit. Le risque est bien l’accentuation de la mise en concurrence des établissements.

À la fin de l’auto-évaluation il n’y a que des engagements de l’établissement et une déstabilisation des personnels : mieux accompagner l’orientation des élèves, mieux prendre en compte la difficulté, augmenter les taux de passage et taux de réussite aux examens, mieux accueillir les élèves de bac pro en STS, prévenir le décrochage…
Comme pour les contrats d’objectif, implicitement, peut-être sans s’en rendre compte, les personnels s’engagent à réaliser des « progrès » mais ni le rectorat, ni l’éventuelle collectivité territoriale ne s’engagent eux en termes de moyens en personnels ou en dotation de fonctionnement ! Ce n’est pas neutre, et très concrètement, cela signifie, par exemple, qu’en cas de hausse d’effectifs, on ne cherchera pas nécessairement à abonder un établissement en moyens pour y faire face, mais qu’on l’encouragera plutôt à instaurer une organisation différente pour couvrir le besoin nouveau, à coût constant.

L’emballage de cette autoévaluation, invitant à la participation de tous, est de plus très dangereuse en flattant les personnels qui peuvent se laisser berner par ce visage avenant du management.
Et pourtant, l’auto-évaluation « participative » est un outil pour mettre fin à la maîtrise par les professionnels de leurs métiers, faire cesser leur véritable autonomie. L’auto-évaluation sert à améliorer le contrôle de l’appareil administratif par des techniques de rationalisation aux mains des administrations centrales et du pouvoir politique. Typiquement, le « management par la performance » : objectifs ; cibles ; indicateurs ; contractualisation des moyens.

Le SNES-FSU appelle à dénoncer ce dispositif qui n’a rien à voir avec la nécessité de faire des diagnostics comme de fixer à tous les établissements, sur tout le territoire, des objectifs ambitieux en leur donnant les moyens humains et matériels de les réaliser. Les « performances » immédiatement quantifiables ne mesurent pas la qualité du service public d’éducation qui a pour objectif le progrès de fond sur le long terme.

Comment agir sur le terrain ?
Le SNES-FSU35 va rapidement joindre sa réflexion à celle des autres départements de l’académie pour construire des modalités d’action.
Dans un premier temps, nous comptons sur vous pour éclairer les équipes dans les établissements sur le piège tendu : " il est demandé aux personnels de dire eux-mêmes tout ce que l’administration devra exiger d’eux" !
Là où l’administration évoque déjà en réunion cette auto-évaluation, les équipes peuvent en profiter pour faire apparaître les manquements de l’État et demander réparation pour faire réussir les élèves : rétablissement d’horaires d’enseignements, dédoublements de classes, baisse des effectifs par classe, présence de personnels (orientation, santé scolaire, vies scolaires…) sur toute la semaine…
Le SNES-FSU35 remercie tous ceux et toutes celles qui nous feront parvenir des informations de leur établissement sur ce sujet et/ou qui nous feront part de leurs initiatives locales pour lutter contre cette nouvelle attaque du service public d’éducation.