10 janvier 2021

Actualité académique

Autoévaluation des établissements : attention, danger !

Le ministère et le rectorat ont engagé un dispositif d’évaluation destiné à contraindre les projets d’établissement, dans une perspective managériale destructrice pour le service public d’Éducation. Une demande particulièrement hors sol alors que les personnels sont exténués par la crise sanitaire !

Cette démarche, qui figure dans la loi « pour une école de la confiance » de juillet 2019, est conçue en deux temps : une autoévaluation suivie d’une évaluation externe. Il est prévu que tous les établissements soient concernés avec un rythme de 20% tous les ans. L’objectif, dans la logique du New Public Management, est de tenter de faire mieux avec des moyens en baisse. Dans le même temps, le ministère supprime 1880 postes dans le second degré, -80 ETP dans l’académie…

Des établissements de l’académie sont d’ores et déjà entrés dans la première phase : les équipes sont invitées à multiplier les réunions pour réaliser un diagnostic guidé et des préconisations. Ces derniers serviront de base à l’évaluation externe qui arrivera du rectorat ou de la DASEN dans un second temps. Les parents et les élèves sont associés à la démarche.

L’auto-évaluation, qu’est-ce que c’est ?
Un dispositif de déréglementation et de contractualisation des moyens au nom de l’adaptation au « local »
L’auto-évaluation vise à faire porter à l’établissement la responsabilité des difficultés rencontrées. Elle cherche, sous des mots creux flatteurs (« partagé », « co-construction », « acteurs », « territoire ») à culpabiliser les personnels pour qu’ils s’engagent à réaliser des « progrès » quand l’État, lui, détruit les emploi. Le but est d’engager et de juger l’action de l’établissement non plus sur la base d’ambitions réelles et de critères nationaux objectifs mais sur celle de la « valeur ajoutée » apportée sans que l’on sache de quoi il s’agit. L’auto-évaluation peut être un outil de déréglementation et de contractualisation des moyens au nom de l’adaptation au « local ». Elle s’inscrit dans le cadre des politiques managériales déjà à l’œuvre : proposer/imposer des missions supplémentaires, choisir ou renforcer des dispositifs locaux à l’aide d’encore plus d’HSA ou HSE, imposer tel ou tel type de pédagogie... Le rapport d’autoévaluation qui définit les orientations stratégiques, le plan d’actions et le plan de formation associé peut avoir un impact sur l’ensemble des équipes. Le but premier de cette campagne d’évaluation sur 5 ans est de poursuivre voire d’accélérer la transformation de nos métiers, de nos missions et du Service Public d’Éducation en passant d’une logique de moyens à une logique de résultats. Les projets d’établissement seraient modifiés en ce sens.

Comment réagir collectivement ?

Se réunir pour organiser ensemble la résistance et refuser collectivement d’entrer dans la démarche
Concrètement, il est possible d’intervenir auprès des directions, d’interpeller les parents d’élèves sur les raisons qu’il y a à prioriser, dans la période, l’action des personnels sur les besoins immédiats des élèves, dénoncer le fond de la démarche. Interpellé sur le sujet par le SNPDEN, le ministre a même déclaré que les établissements devaient être volontaires pour s’engager dans le processus. La Présidente du Comité d’Évaluation de l’École a dit de même publiquement sur son compte Twitter :

Il est entendu qu’il s’agit, non du volontariat du chef de l’établissement, mais de l’ensemble des personnels ! Vous trouverez ci-joint un exemple de courrier pour refuser de participer à ces réunions. Rappelons, de plus, que la participation à ces réunions comme au conseil pédagogique ne fait pas partie de nos obligations de service.

modele lettre - demande de refus pour participer à l’évaluation de l’établissement

Participer mais en utilisant la démarche pour dénoncer les manques de l’institution
Si une majorité des collègues choisit de ne pas boycotter la démarche ou les réunions, mettre en avant des indicateurs faisant apparaître les manques de l’institution : les horaires d’enseignements en groupes permettant de travailler différemment, le nombre d’élèves par classe, la présence et le nombre de personnels (orientation, santé scolaire, vies scolaires, agents d’entretien…) sur toute la semaine en rapport avec le nombre d’élèves, le temps de travail des enseignants par semaine (qui empêche de dégager du temps pour la concertation), la lourdeur de certains programmes... En bref, vider la démarche de ce qu’elle pourrait avoir de dangereux pour l’établissement en imposant les indicateurs, la vision des métiers et du Service public d’Éducation des professionnels eux-mêmes !