L’INJEP (Institut national de la jeunesse et l’éducation populaire - service du Ministère de l’Education nationale) vient de publier le rapport d’évaluation sur le déploiement du Service national universel (SNU) pour l’année 2021 à base de données statistiques et d’entretiens qualitatifs concernant les « séjours de cohésion ».
Seulement 14650 jeunes de 15/17 ans (sur une cohorte de 2 400 000 personnes) dont 56% de filles ont été concerné.e.s par la promotion 2021, sur la base du volontariat pour 90% d’entre eux/elles.
Quand on fait leur portrait, on constate que les volontaires du SNU sont le plus souvent issu.e.s de milieux favorisés ou très favorisés (profession du père) : - 17 % de professions indépendantes/chefs d’entreprises (contre 9% des actifs),
– 29% de cadres sup./prof. lib./professeurs (contre 13% des actifs),
Au total 63% se déclarent issu.e.s de foyers « à l’aise » ou « très à l’aise » (contre 52% dans la population générale - enquête HBSC).
Au contraire, les enfants d’ouvriers ou employés sont sous-représenté.e.s : 34% contre 46% dans la population active.
Autres éléments du portrait : - 80% viennent de LGT (pour 60% des élèves scolarisé.e.s), 13% de LP (33% des élèves),
– 45% se déclarent bons ou excellents élèves,
– 37% ont un de leurs parents en lien avec des professions en uniformes (police, gendarmerie, armée, pompiers) — contre 2 à 3% dans la société.
Si les jeunes de milieux peu ou pas favorisés sont si peu nombreux à se porter volontaires, on peut imaginer la difficulté qu’il y aura à les intégrer lorsque le SNU aura atteint son niveau de croisière et concernera toute la génération. Comment faire passer des idéaux de « cohésion nationale », de « culture de l’engagement », de « prise de conscience des enjeux de défense et de sécurité » auprès de jeunes qui se sentent délaissé.e.s par des politiques scolaires injustes, des politiques sociales inégalitaires, par l’abandon des territoires en difficulté auxquels ils et elles appartiennent.
Autre constat : le décalage entre les effets d’annonce, la communication, les idées préconçues d’un côté et les attentes concrètes et la réalité vécue de l’autre. Une certaine déception ou goût d’inachevé transparaît dans les entretiens malgré le témoignage d’une satisfaction globale.
Beaucoup des volontaires venaient chercher un temps d’apprentissage militaire et sportif, de défi personnel, voire une préparation aux métiers de l’armée ou de pompier. Dans ce cas, l’aspect sportif leur a paru insuffisant (« on voulait courir dans la boue... »)
Dans le même ordre d’idées, il s’agissait pour eux/elles de vivre une expérience atypique et collective d’engagement civique et de bénévolat, or le cadre était jugé « trop scolaire », avec trop de modules sous le format classes de lycée
Beaucoup (en partie les mêmes) souhaitaient renouer avec une sociabilité intense après la longue crise Covid, faire de nouvelles rencontres. Mais les contraintes sanitaires ont confiné les participants sur un groupe limité de contacts et imposé « l’étanchéité des compagnies ».
Sont aussi soulignés les défauts matériels et les problèmes logistiques, les dysfonctionnements organisationnels et l’information pas toujours adéquate. Le trop plein de conférences ou cours sur un modèle trop scolaire et trop intense et sur des thèmes trop proches de ceux vus en classe. On regrette aussi le manque d’autonomie et d’initiative laissées aux participant.e.s en souhaitant davantage de temps de démocratie interne et la possibilité de développer des projets collectifs. Les plus critiques sont bien sûr les « non-volontaires » (inscrit.e.s sur décision des parents, d’une autorité judiciaire ou éducative...) qui doutent plus fortement des valeurs et symboles véhiculés par le SNU.
En conclusion, on peut douter de l’adéquation entre les objectifs de l’institution et les attentes et valeurs des générations actuelles, au-delà des quelques milliers de jeunes volontaires, de ces premières années d’expérimentation. Réunir durant 2 semaines des adolescent.e.s dans une expérience de casernes ou de camps scout sera-t-il efficient pour faire passer des principes passéistes dans leurs esprits ? Quand d’autres vecteurs, à commencer par l’école, seraient plus à même de transmettre valeurs civiques et notions de solidarité sociale.
Sans compter la débauche de budget, de moyens et de personnels mobilisés qui seraient bien plus nécessaires à l’éducation nationale et aux organismes de protection de la jeunesse.
Le rapport de 178 pages à lire sur