23 juin 2017

Actualité académique

Bilan des élections présidentielles et legislatives par EE

Texte de réflexion sur le résultat des élections présidentielles et législatives, élaboré par des militants École Émancipée du SNES-Bretagne

15 % des inscrits procurent les 3/4 des députés à l’Assemblée Nationale : jamais on n’avait vu, du fait du système électoral et de l’abstention massive, une telle distorsion entre l’état de l’opinion et sa représentation parlementaire. Comment « Les Républicains En Marche » pourraient-ils prétendre à une réelle légitimité, même si certes les autres forces politiques ne peuvent guère dirent mieux. Le président de la République, fort de sa majorité écrasante, va pourtant disposer de pouvoirs immenses que rien ne viendra contrecarrer (sauf la rue ?!).

L’ironie de l’histoire, c’est que les Français, après avoir ‘‘dégagé’’ les dirigeants en place, notamment F. Hollande et les caciques du PS (des socio-libéraux aux frondeurs), ont porté au pouvoir les héritiers mêmes de ces derniers (Macron lui-même, Ferrand, Castaner, Griveaux…). Les seconds couteaux du PS recyclés ‘‘En Marche’’ ont ainsi éliminé les poids-lourds du parti. Et paradoxe plus encore, les seuls candidats du PS qui survivent au tsunami (Valls, Le Foll) sont ceux que les Français ont le plus rejetés et dégagés, ceux qui ont trahi leur programme et leur famille (cf Fr. André 3° circ. du 35).

Les analyses sociologiques1 démontrent d’ailleurs que nombre de candidats En Marche (ils sont 525) ne sont pas novices en politique, 244 ont exercé des mandats électifs, beaucoup d’autres ont navigué dans la sphère politique (hauts fonctionnaires, membres de cabinets ministériels). Les soi-disants membres de la ‘‘société civile’’, réels nouveaux candidats, ne sont qu’un tiers des candidats En Marche.
Sont-ils pour autant représentatifs de la population française ? Les professions les plus fréquentes sont un condensé des catégories socioprofessionnelles supérieures hautement diplômées. On compte seulement 2 ouvriers, 11 agriculteurs (plusieurs engagés dans des mandats électifs ou syndicaux – un à la FNSEA, un autre à la Confédération Paysanne ! Curieux ensemble...). Pas plus que pour les dernières législatures, les futurs députés En Marche ne sont à l’image de la population française, du ‘‘pays réel’’ comme aiment à le dire les commentateurs politiques. Ils défendront les mêmes analyses, mêmes points de vue et mêmes intérêts que leurs prédécesseurs, ils seront tout aussi éloignés des préoccupations et des revendications du peuple.

Dans ces conditions, peut-on imaginer une seconde, que le nouveau gouvernement, la nouvelle majorité vont mener une autre politique que celle déjà menée sous Sarkozy puis Hollande ? Ne voit-on pas déjà venir la nouvelle loi-Travail XXL pire que la loi El Khomri, une fiscalité plus favorable aux riches, la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires, une adhésion plus forte encore aux règles de la mondialisation et de la rigueur ‘‘bruxelloise’’ ? On annonce aussi la remise en cause des quelques acquis du PPCR, la réduction des revenus des retraités.
Tout un ensemble de mesures favorables aux ‘‘insiders’’, aux happy fews de la globalisation au détriment des classes populaires. D’autre part où est la politique écologiste indispensable et conforme aux accords de Paris ? Quelle politique agricole vu le ministre qui en est chargé, proche de la FNSEA et partisan de l’aéroport de NDDL ? A cela va s’ajouter la gouvernance ‘‘jupitérienne’’, un exercice sans doute solitaire et autoritaire du pouvoir, symbolisé par la volonté de constitutionnalisation de l’état d’urgence. En quoi la jeunesse et la nouveauté (toute relative) de Macron nous assureraient une démocratisation de la société et des institutions et une participation citoyenne aux grandes décisions du futur ? Ne pas oublier que les candidats du mouvement En Marche, lui-même organisé de façon verticale, ont été désignés d’en haut. On annonce déjà que Macron président choisira lui-même le futur président de l’Assemblée Nationale et le président du groupe parlementaire (sans doute R. Ferrand).

Il est trop tard pour empêcher une majorité massive, car ni les partis et mouvements de gauche, ni les forces sociales et syndicales n’ont été capables d’alerter avec force et de s’organiser face aux risques majeurs de recul social et économique. Pour ce qui nous concerne, militants syndicaux, il faut bien déplorer le manque de détermination des responsables syndicaux, et constater qu’entre les curieuses oeillades de JC Mailly à la ministre du travail (dont le numéro 2 du cabinet est un ancien de FO), la position attentiste de la CGT et le silence radio de Sud-Solidaires, notre fédération la FSU n’a pas réellement voulu manifester le moindre point de vue quelque peu combatif à l’encontre du nouveau gouvernement (et à peine envers le nouveau ministre de l’Education) — tout au moins animer un débat, mettre en évidence la pluralité des points de vue, faire réfléchir nos adhérents sur ce que sera la politique de Macron, préparer les inévitables ‘‘lendemains de lutte’’, refuser l’attentisme.

On peut en effet constater dans les salles de profs, une étrange fascination et séduction pour le « phénomène » Macron. La responsabilité de la FSU (et donc du SNES) n’était-elle pas d’informer clairement et fortement ses syndiqués et les salariés de son champ syndical de la réalité des projets de ‘‘La République En Marche’’, de ce que seront les remises en cause des droits des travailleurs (y compris en partie des fonctionnaires) et des citoyens ? Peut-on croire que la politique libérale continuatrice de celle de Sarkozy et de Hollande réglera les problèmes du chômage, de la pauvreté, de la transition écologique ? Que les problèmes de l’école seront résolus par un ministre très conservateur ancien sarkoziste ?
De nombreux intellectuels pourtant, sociologues, économistes, philosophes ont réfléchi et travaillé sur la société que nous préparent les pseudo-centristes qui vont nous gouverner, ils ont mis en lumière ce dont ‘‘Macron est le nom’’ et les faux-semblants du discours unanimiste de l’essentiel des médias.
C’était clairement le devoir de la direction de la FSU de jouer ce rôle de relai, d’information et de mise en garde et sans doute d’appeler à voter pour les forces politiques qui défendent réellement les intérêts des salariés. Peut-être peser aussi à son niveau auprès des partis de gauche pour qu’ils construisent une réponse unitaire à l’hégémonie LREM.
A coup sûr, il valait mieux travailler à limiter le poids de Macron plutôt qu’attendre le fameux 3° tour social et des négociations improbables et vouées inévitablement à l’échec. A présent, la classe dominante a toutes les cartes en main pour accentuer sa domination économique, et les classes populaires sont plus que jamais réfugiées dans l’abstention et le défaitisme.
 
1- Référence de l’étude du Monde