Déclaration préalable de la FSU au Conseil académique de l’Éducation nationale de l’académie de Rennes du 28 novembre 2024
Le constat que nous faisions au mois de mai d’un point de bascule du système éducatif s’est malheureusement confirmé. La situation s’est aggravée, à la faveur du contexte politique provoqué par la dissolution de l’assemblée nationale qui a conduit à la mise en place d’un gouvernement de droite, avec le soutien, au moins provisoire, du Rassemblement national.
Certes, la priorité affichée à l’éducation des gouvernements macronistes ne leurrait plus personne depuis longtemps, tant les écarts entre les paroles et les actes étaient abyssaux, en particulier depuis la mise en œuvre du « choc des savoirs ». Cette réforme, largement inspirée par les programmes de l’extrême droite, enterrait les objectifs de démocratisation partagés depuis 50 ans, et assumait une logique de tri social en faveur des plus favorisés. Mais on a franchi un nouveau seuil puisque nous avons désormais un ministre de la fonction publique libertarien qui cherche de manière assez pathétique à se faire remarquer en multipliant tous jours les provocations sur le dos des fonctionnaires.
Le choc des savoirs doit être abandonné
Dans l’Éducation nationale, la ministre Genetet annonce un acte II du « choc des savoirs » tout aussi funeste que le 1er en particulier le DNB couperet qui priverait de poursuite d’étude au lycée 15% des élèves tous les ans. Dans notre académie, ce sont 3500 jeunes de 15 ans, issus de familles sociales souvent défavorisées, qui seront orientés à plus ou moins brève échéance sur le marché du travail. Une machine à fabriquer du décrochage !
L’acte I a été unanimement rejeté par l’ensemble de la communauté éducative (parents, enseignants, chefs d’établissements…) ce qui a conduit à une mise en œuvre de la réforme très disparate dans l’académie, afin d’en écarter les effets les plus nocifs pour les élèves. Mais cela n’a pas pu être le cas partout et des groupes de niveau se sont parfois mis en place.
Pourtant, n’en déplaise au ministre de l’intérieur, nous sommes encore dans un état de droit et le gouvernement qui cherchait à imposer de force cette réforme rejetée par tous, est en passe d’être désavoué par le conseil d’Etat. Le rapporteur public a en effet demandé l’annulation de l’arrêté du 14 mars, validant ainsi les analyses des syndicats de la FSU. Il est temps de revenir à la raison, cette réforme du collège doit être abandonnée.
L’argent public pour l’école publique
Dans l’académie, le réseau privé catholique a pu, sans jamais se voir opposer le moindre démenti de la part des autorités académiques, clamer sur tous les toits -et dans la presse- qu’il n’appliquerait pas les mesures du « choc des savoirs » ! Comme à chaque réforme le « caractère propre » et l’absence de tout contrôle permet aux directions diocésaines de surfer sur l’inquiétude des familles pour encaisser leurs chèques et capter des élèves. Nous en voyons le résultat aujourd’hui dans les constats de rentrée.
Dans le contexte de baisse des effectifs que nous connaissons, cette concurrence faussée est mortifère pour le service public d’éducation, la mixité scolaire, la cohésion sociale… et, in fine, chaque jour en apporte de nouveau témoignages, pour la démocratie. La France est le seul pays au monde à entretenir ainsi un double réseau, financé par de l’argent public, mais qui produit de la ségrégation. Non seulement le système éducatif français ne réduit pas les déterminismes sociaux, mais il les renforce ! Et toutes les politiques menées depuis 7 ans n’ont fait qu’aggraver la situation.
A l’heure des bilans de fin d’année, on ne remerciera jamais assez Amélie Oudéa-Castera pour avoir mis sur la table la question du financement du réseau privé. En 3 semaines, elle a réussi à donner à de la visibilité à des combats que la FSU mène depuis 30 ans ! Et les études se multiplient depuis pour montrer les méfaits du double réseau.
Dans le contexte actuel où tout le monde autour de cette table est soucieux de la bonne utilisation de l’argent public, il est maintenant temps que chacun prenne ses responsabilités. Celles de la région Bretagne sont importantes, à la hauteur du poids du réseau privé dans notre académie, et il n’est plus possible d’ignorer les conséquences des choix politiques effectués pour laisser le réseau privé se développer.
La carte des formations : quelle ambition ?
Ce CAEN examine pour la première fois, la carte des formations pluriannuelle. Au regard des enjeux, il est très regrettable qu’elle n’ait pas pu être présentée en CSA pour des raisons de calendrier. Le dialogue social a été de fait limité. Les projets de fermetures sans concertation avec les équipes et communiqués très tardivement mettent à mal les collègues concerné.es au sein des établissements. Concernant le projet de carte sur les trois prochaines années, la FSU déplore le peu d’ambition affiché. Cette carte ne répond que partiellement aux enjeux d’une école émancipatrice et inclusive. En effet, comment accepter aujourd’hui que faute de moyens et de places en voie professionnelle, les élèves les plus fragiles (socialement, issu
es de SEGPA, en situation de handicap, nouvellement arrivés… ) mais aussi les élèves qui souhaitent se réorienter et continuer leur parcours de réussite vers la voie professionnelle dans un établissement public et laïque se retrouvent sans solution et exclus du système scolaire ? Chaque année, le nombre de demandes de formations vers la voie professionnelle augmente, c’est un indicateur à prendre en compte comme la dynamique démographique du bassin rennais. La carte proposée aujourd’hui ne répond pas aux ambitions scolaires de réussite de nos jeunes. Inciter les jeunes à changer de formation pour espérer une place, développer un discours sur la mobilité en s’adressant aux familles les plus fragiles économiquement pour les convaincre d’une opportunité de formation pour leur fille ou leur fils de 14 ans à plus de 50 voire 100 km de leur domicile est très mal vécu. Comment peut-on considérer que par exemple que le nouveau CAP coiffure à Dol de Bretagne se situe « dans le bassin rennais » ? D’autres décisions interrogent : le refus de développer des formations dans le domaine sanitaire et social dans le public malgré une forte demande n’est-elle pas de nouveau un acte délibéré pour préserver les MFR privées en Bretagne ? La FSU vous a alerté également sur la décision de supprimer au LP public de Lanester le seul Bac Pro industriel hygiène, propreté et stérilisation de l’académie qui accueille un public mixte et fragile alors même que de nombreux secteurs professionnels recherchent des personnes titulaires de ce diplôme1. Ce bac pro qui disparaîtrait est la base d’une filière complète, avec notamment un BTS Métiers des Services à l’Environnement (MSE), préparé également au Lycée Jean Macé de Lanester permettant aux élèves qui le souhaitent de poursuivre des études. La FSU demande la non fermeture de ce bac pro.La FSU rappelle le droit pour chaque élève à étudier dans un environnement propice aux apprentissages dans une formation choisie dans un établissement public au sein d’une école émancipatrice et inclusive.
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