stage syndical organisé par l’observatoire le 16 novembre
Professeurs, conseillers principaux d’éducation, psychologues de l’éducation nationale, accompagnants d’élèves en situation de handicap, assistants d’éducation, nous assistons depuis quelques années à la montée en puissance d’une école qui n’arrive plus à penser à ses élèves sans une évaluation dite « diagnostic ». Il y a d’un côté les évaluations nationales en CP, CE1, CM1, sixième, quatrième, seconde, et complétées par des enquêtes internationales[1] PISA, Ev@lang,TIMSS, PIRLS et ICILS qui sont réalisées dans le but de mesurer et de comparer les acquis des élèves et les pratiques pédagogiques des enseignants et de l’autre, l’explosion des bilans individuels type psychométriques, orthophoniques, psychomoteurs et des préconisations qui vont avec (PPRE, PAP, PAI, PPS), bientôt regroupés dans le livret de parcours inclusifs.
La culture de l’évaluation notée dans de la circulaire de rentrée 2022 et renforcée à la rentrée 2023 semble aller de pair avec le champ grandissant de la neuropsychologie à l’école. Les pratiques des professionnels se voient transformées et les demandes de bilan diagnostique sont exponentielles.
Nous arrivons de moins en moins à envisager la rencontre avec un élève sans inscription dans des protocoles et des grilles de positionnement. C’est comme si la rencontre avec un enfant ou un adolescent devait se faire par l’entremise d’une évaluation métrique pour parvenir à des préconisations rééducatives. La réflexion, la parole des équipes éducatives, des familles et de l’élève ne suffisent plus. Un test ou un questionnaire doit répondre à leur place de ce qui fait souffrance pour eux. Cela donne l’impression que les symptômes de l’élève, ce qui le fait rater, qui l’empêche d’apprendre, ce qui l’inhibe étaient indépendants de l’histoire d’un sujet, de la façon dont il est pris dans le discours d’un autre (parent, professeur). Dans cette logique mécaniste (symptômes → troubles → préconisations) , le cerveau[2] devient autonome. On traite le cerveau et moins le sujet pris dans du lien social. La part des effets relationnels et des conditions d’accueils est réduite. Ainsi, c’est souvent par leurs diagnostics que les élèves sont de plus en plus présentés : « J’ai trois dys dans ma classe, un TDAH, et deux HPI. » Le prénom des élèves et leurs histoires scolaires sont comme évacués, le diagnostic prend le dessus.
Dans le même temps, chaque membre de l’équipe éducative est amené à se transformer en expert- évaluateur de la santé mentale des élèves par le biais de protocoles niant la complexité des aléas du développement. Le travail à plusieurs est obéré, une défiance entre collègues s’installe et on observe de plus en plus un sentiment d’isolement dans les pratiques.
Quelles responsabilités a-t-on dans l’émergence de ces nouveaux diagnostics ? Peut-on penser aujourd’hui les difficultés scolaires sans une évaluation métrique ou normative ? Peut-on parler autrement de la difficulté scolaire qu’en terme de trouble et de déficit de performance ? Et dans le prolongement de cette question, les pratiques en établissement peuvent-elles s’orienter différemment que celles qui consisteraient aujourd’hui à prescrire des recommandations pédagogiques aux professeurs ? Quelle place reste-t-il à des projets pluridisciplinaires d’entrée dans les savoirs et la culture ? A l’heure où il y a une tendance à vouloir orienter la dialectique entre rapport aux savoirs et rapport à l’orientation sous une logique utilitariste et d’appariement, il semble essentiel de reprendre une perspective historique, épistémologique et éthique. L’enjeu est d’analyser ce qui se joue pour chaque professionnel afin que nos places dans l’Ecole ne soient pas du côté de celles qui prédisent mais au contraire de celles qui font a(d)venir ? Ne serait-il pas temps de retrouver de l’inter-disciplinarité, une « docte ignorance » qui permet à chacun de compter les uns sur les autres. Par une approche pluriprofessionnelle, l’idée est de desserrer les identifications, accepter qu’on ne sache pas d’avance pour laisser du jeu et ainsi tendre vers l’émancipation de nos élèves.
Nous aurons le plaisir d’écouter les conférences de Dominique Meloni, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Picardie Jules Vernes, Sébastien Ponnou, psychanalyste et maître de conférences à l’université de Rouen Normandie et Catherine Remermier, membre du groupe métier au SNES-FSU. Un temps d’échange à chaque fin de conférence sera laissé.
L’inscription au stage, ici, génère automatiquement une demande d’autorisation d’absence qu’il faut remettre un mois avant la date du stage de formation à votre chef.fe de service. Pour rappel, la formation via un stage syndical est un droit.