18 juin 2020

Actualité académique

Déclaration préalable de la FSU au CTA du 17 juin

Monsieur le Recteur, Mesdames, Messieurs,

Ce CTA, qui examine tous les ans le bilan social et le plan académique de formation, est, par définition, plus que les autres, consacré à un temps de bilan. Il se tient alors que nous avons vécu et surmonté collectivement une crise sanitaire majeure, qui va malheureusement se poursuivre par une crise économique et sociale sans précédent. S’il est trop tôt pour en faire le bilan, il ne nous semble pas inutile d’en tirer tout de même quelques premiers enseignements afin d’agir pour améliorer les choses.
Il appartiendra à la justice d’établir les responsabilités exactes des membres du gouvernement et de l’administration centrale dans la gestion hasardeuse de la crise. Dans une nouvelle étape, le président Macron a choisi dimanche soir d’accélérer le déconfinement. Après avoir décidé, dans la précipitation et du fait d’une gestion calamiteuse des masques et des tests, le confinement de la population « quoi qu’il en coûte » et promis de « se réinventer », il a montré dimanche qu’il en était incapable. Son discours est resté dans le droit fil du « en même temps » en confirmant une orientation libérale, la volonté de « travailler davantage » pour combler la dette, en l’habillant à peine d’une teinte sociale ou écologique. La décision de rouvrir les écoles était déjà clairement dictée par un impératif économique laborieusement camouflée sous des préoccupations sociales parfaitement légitimes mais malheureusement invalidées par la liberté de choix laissée aux familles. Cette « scolarisation facultative » tout à fait scandaleuse a posé des problèmes considérables et porté un préjudice incommensurable à l’école. Le retour de l’obligation scolaire est une bonne nouvelle, même si le mal est fait. Mais ses modalités pratiques vont générer un travail considérable sur le terrain, dans les écoles et les collèges qui se sont démenés, depuis un mois et demi pour appliquer le protocole sanitaire. Cette ignorance de la réalité de nos métiers est inquiétante.
Le ministre Blanquer porte sans aucun doute une responsabilité importante dans cette méconnaissance. Nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer le climat délétère alimenté par les déclarations du ministre de l’Education nationale. Affirmant tout et son contraire pour être régulièrement démenti par le premier ministre, ses interventions intempestives dans les médias créent de la confusion, de l’incompréhension, et en définitive de l’angoisse chez les personnels et parfois les élèves. En déclarant, contre l’évidence que « tout était prêt pour la continuité pédagogique » fin mars ou en laissant penser fin mai que « tous les élèves allaient pouvoir être accueillis à l’école », il a alimenté la défiance entre certains parents et les enseignants, défiance qui a culminé la semaine dernière dans une séquence médiatique de « prof bashing » d’une violence inédite.

M. le Recteur, vous vous êtes exprimé avec le souci d’apaiser les choses. Mais cette démarche est malheureusement vaine, tant qu’à l’échelon supérieur, les propos et les actes ne vont pas dans le même sens. Après les épisodes de la loi Blanquer, des réformes du lycée et de la voie professionnelle, de la loi Fonction Publique et de la réforme des retraites, la rupture est consommée entre les personnels de l’éducation et leur ministre. Et il est bien cruel, pour ne pas dire insupportable, d’entendre le président Macron saluer le rôle des corps intermédiaires et des syndicats à la veille des résultats du mouvement dans le second degré qui s’est fait, pour la première fois, dans l’opacité la plus totale, sans le travail de contrôle et d’amélioration mené par les élus des personnels. Dans le 1er degré, le mouvement s’est fait dans une absence totale de transparence. Des erreurs de barème nous font douter de la sincérité des documents. Les résultats même du mouvement interrogent quant à leur totale fiabilité.

La crise a pourtant bien montré que le dialogue social était indispensable. De nombreuses réunions se sont tenues, elles ont permis d’échanger, de faire remonter les inquiétudes des personnels, de répondre à leurs attentes, aux questions très nombreuses qui se posaient. Mais le dialogue social, ce n’est pas seulement débattre des problèmes rencontrés, c’est aussi accepter d’entendre et de prendre en compte les préoccupations des personnels. L’académie de Rennes peut se targuer d’avoir géré correctement cette période de crise mais à quel prix ? Dans les écoles les enseignants sont épuisés, désabusés par les injonctions contradictoires qu’ils ont subies et défiants face à une hiérarchie qu’ils jugent parfois ne pas toujours être à la hauteur.

Aujourd’hui le bilan social que nous étudions est comme d’habitude un document dense dont l’examen approfondi se poursuit au-delà de cette instance. Ce bilan social est utilement complété depuis l’année dernière par le rapport de situation comparée. C’est un outil de pilotage RH qui pourrait être un document très utile, s’il permettait réellement des avancées pour lutter contre les inégalités et les injustices, entretenir, restaurer parfois, un climat serein favorable à la réussite des élèves et au bien-être des personnels. Or, ce n’est pas suffisamment le cas. Nous ne voyons pas assez dans la politique académique mise en œuvre les avancées qui répondent aux besoins exprimés.

Nous examinons également le PAF qui marque, cette année encore le grand décalage qui existe entre l’ambition qu’il affiche et la déception qu’il suscite. La crise sanitaire a en effet montré la formidable capacité d’adaptation des personnels qui ont dû, du jour au lendemain, basculer sans préparation et sans formation dans le télétravail. Les enseignants ont dû, dans l’urgence et sans moyens, apprivoiser de nouveaux outils, mais surtout faire preuve d’une grande inventivité pédagogique pour continuer à accompagner leurs élèves. Leurs attentes en termes de formations sont d’autant plus importantes maintenant mais elles sont hélas très régulièrement déçues car perçues comme trop descendantes, inutilement injonctives (ex : priorités Fra/Maths aux dépens du reste dans le 1er degré) – quand il ne s’agit pas d’une adaptation à des réformes majoritairement rejetées. Les enseignants sont pourtant des experts de la pédagogie et ils en ont apporté la preuve.

Si on peut se féliciter, collectivement, de la manière dont les choses se sont passées dans l’académie, que ce soit sur le plan de l’accueil des enfants des personnels prioritaires, de la « continuité pédagogique », ou de la réouverture des écoles, on le doit à une mobilisation exemplaire de tous les acteurs de l’école publique.

C’est pourquoi, M. Le Recteur, nous ne pouvons accepter cette politique libérale sans issue qui fait exploser les inégalités scolaires et peser la menace d’une externalisation de certains domaines disciplinaires.

Pour que le monde d’après ne soit pas celui d’avant mais en pire, un changement de cap est nécessaire.