Monsieur le Recteur, Mesdames, Messieurs,
Le 23 janvier dernier, à la veille d’une nouvelle journée de grève et de manifestations contre la réforme des retraites, nos organisations syndicales ont fait le choix de ne pas siéger au CTA. Cette décision dans notre académie où le dialogue social a fait ses preuves, révèle un niveau de tension inédit dans nos métiers.
Alors que les mobilisations syndicales pour défendre des retraites solidaires et pour obtenir le retrait du projet de retraite par points se sont multipliées, diversifiées et amplifiées depuis le 5 décembre, l’avis du Conseil d’État est un désaveu cinglant à la stratégie gouvernementale et confirme que cette réforme est décidément injuste et dangereuse. Dans notre secteur, la « revalorisation » proposée par le ministre Blanquer censée compenser les pertes sur les pensions apparaît comme un marché de dupes, cette prétendue “garantie” est condamnée à disparaître du texte puisque "contraire à la Constitution".
Nos organisations demandent d’ouvrir de réelles négociations sans préalable pour des augmentations de salaire sans contrepartie pour tous les personnels de l’Éducation Nationale.
Elles appellent à faire du jeudi 6 février une nouvelle journée interprofessionnelle de grève et de manifestations à l’occasion du début des travaux de la commission spéciale de l’Assemblée Nationale. Alors que le Président Macron appelait dans un mouvement de recul ce week-end son gouvernement “à faire preuve d’humanité”, son action politique détruit pourtant rigoureusement tous les acquis sociaux mis en place depuis la Libération pour protéger les plus fragiles et lutter contre les inégalités.
Protection des travailleurs affaiblie dans le Code du travail, dégradations des conditions de l’assurance
chômage, appauvrissement des retraités, atteintes aux statuts des fonctionnaires… tout est
méticuleusement détruit par ce Président et sa majorité parlementaire avec une violence institutionnelle
et policière qui s’abat sur les salarié-es, leurs organisations syndicales et la jeunesse, ajoutant à la crise
sociale une crise politique et démocratique.
Teinter le discours de grands principes qu’on ne retrouve nulle part dans les actes est aussi bien à
l’œuvre dans notre secteur. L’école de la confiance et la Loi de transformation de la Fonction publique sont deux réformes qui organisent de manière orwellienne l’exact inverse de ce qu’elles annoncent.
Alors que les LDG (lignes directrices de gestion) sont à l’ordre du jour du CTA, les principes de
transparence des procédures et de traitement équitable des candidatures sont affirmés mais en aucun cas
garantis puisqu’aucune vérification par les élus du personnel n’est possible.
Mutation aujourd’hui, promotion demain, nos collègues se retrouvent à la merci de leurs hiérarchies. Nos organisations syndicales seront toujours aux côtés des collègues pour les défendre contre toute forme d’arbitraire et réaffirmer leur mission d’intérêt général. Nous revendiquons l’abrogation de la loi de transformation de la fonction publique.
L’école de la confiance ce sont des postes supprimés sous l’effet de réformes menées au pas de charge, des épreuves de bac qui se déroulent dans des salles cadenassées, des forces de l’ordre pour accueillir les élèves, des enseignants qui n’ont d’autre choix que d’être grévistes pour dénoncer cette mascarade d’examen. Nous condamnons toute forme de violence contre les élèves ou contre les personnels. Mais comment a-t-on pu en arriver à une telle situation dans l’Académie ? Arrestation violente de deux lycéens à Quimper le 16 janvier, six voitures de police aux portes du lycée de l’Elorn à Landerneau au moment du passage des épreuves, présence des forces de l’ordre lourdement équipées devant de nombreux lycées, intimidations avec le zéro, lycéen blessé et hospitalisé devant le lycée VH Basch à Rennes, au lycée Bréquigny épreuves externalisées vers un autre lycée lui-même vidé de ses élèves pour l’occasion…
Les injonctions et les pressions sur les collègues des vies scolaires, les administratifs et agents de laboratoire ont rudement mis à mal la cohésion des équipes ces dernières semaines. Il est aujourd’hui urgent de renouer le dialogue dans les établissements car demain il faudra bien poursuivre le travail
tous ensemble.
L’absence de consignes académiques explicites aux proviseurs pour décider l’annulation ou le report anticipé des épreuves en cas de difficultés manifestes est sans nul doute aujourd’hui à l’origine de décisions individuelles regrettables car des chefs d’établissement ont voulu que les épreuves d’E3C se tiennent quel qu’en soit le prix. Nous exigeons l’arrêt immédiat de la répression et apportons notre soutien aux personnels et aux lycéens en lutte. Nous exigeons l’annulation définitive des E3C pour des épreuves terminales nationales et anonymes.
A ces tensions inconcevables jusqu’ici dans notre académie, d’autres troubles ont terni la réputation de notre région en matière d’accueil et d’hospitalité. La circulaire sur « les élèves migrants mineurs en situation irrégulière sur le territoire » en date du 17 janvier dernier que vous avez semble-t-il signée par erreur M. Le Recteur a certes été retirée sans tarder mais les expressions d’indignation dont l’écho ne s’est pas limité au cadre régional, nécessitent des engagements plus explicites que de simplement “surseoir aux consignes préconisées”. Nos organisations syndicales et toutes les associations engagées auprès de ces jeunes expriment leur inquiétude, entre autres, pour les mineurs de plus de 16 ans qui ne seraient plus protégés par le statut scolaire s’ils sont dirigés vers l’apprentissage.
Monsieur le Recteur, l’engagement des personnels pour la réussite de leurs élèves a toujours été une caractéristique historique de la Bretagne. Les atteintes à nos métiers, la dégradation des conditions de travail, de rémunérations et de pensions, les inégalités sociales contre lesquelles les personnels luttent au quotidien, le management descendant et autoritaire … sont autant de facteurs qui ruinent la santé de nos collègues. Le fossé est immense entre les personnels et le ministre. Alors que le gouvernement veut nous faire travailler jusqu à 67 ans et plus, avec la perspective de mourir au travail, nous savons que le risque existe aussi de mourir de son travail. M. le Recteur nous vous appelons à entendre les collègues et à prendre localement les mesures qui s’imposent.