Le patronat français ne cesse de se plaindre d’un hypothétique taux de prélèvement excessif qui casserait toute croissance et possibilité de créer des emplois. Et pourtant, les entreprises en France bénéficient de tels avantages, allègements de cotisations sociales, remises d’impôts, niches fiscales, prêts et aides diverses que notre pays est devenu l’un des plus attractifs pour le capital.
L’impôt sur les sociétés désormais réduit à 28% des bénéfices (mais 15% pour les PME) n’est en réalité jamais réellement payé à ce taux : la plupart des grandes entreprises, notamment celles du CAC40, minimisent leurs bénéfices réels par l’optimisation fiscale quand ce n’est pas par l’évasion fiscale à coup de montages savants dans les paradis fiscaux et se retrouvent avec des taux d’imposition réel de 3 ou 5%.
Il y a les pratiques comptables qui permettent de déguiser une part des bénéfices : les provisions (on défalque des bénéfices les sommes en prévision de fluctuations des cours, créances douteuses, frais de procès ou d’amendes pour corruption...) et les charges déductibles, les frais généraux (dont les dépenses somptuaires des dirigeants : yachts, avions, réceptions et conférences).
Puis les niches fiscales, au titre desquels : les dons et opérations de mécénat. Au total la Cour des Comptes les chiffre à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an.
Comme cela ne suffit pas, l’Etat depuis plusieurs années, n’a de cesse de réduire les cotisations sociales (exonération sur les bas salaires, pour la création d’entreprises, l’embauche d’apprentis, dans les zones franches...), la Contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) — moins 2 Mds € en 2016, l’exonération partielle ou totale de la taxe foncière.
La grande affaire du quinquennat précédent : le Crédit d’impôt recherche — 5,5 Mds € en 2016 jamais contrôlé (il a parfois servi à des « recherches » en marketing ou pour faciliter l’optimisation fiscale !) et le Crédit d’impôt pour compétitivité et l’emploi (CICE) — 15,7 Mds € en 2017 (35 milliards cumulés) qui n’a créé au mieux que 100 000 emplois — soit 200 000 à 1 million d’euros par emploi, un peu cher isn’t ?
Et s’ajoutent les subventions, aides et prêts bonifiés souvent accordés par les collectivités territoriales, là encore souvent non évalués, parfois empochés par les entreprises qui se délocalisent ensuite sans respect des engagements.
Enfin, ce qu’on sait moins, c’est que lorsque les entreprises participent à la levée des prélèvements obligatoires (TVA et cotisations sociales en attendant le prélèvement à la source de l’IRPP), les sommes collectées, avant d’être reversées, sont optimisées dans des opérations financières voire de la spéculation boursière... comme au temps des fermiers généraux !
Les montants de ces « cadeaux » fiscaux et parafiscaux sont considérables pour un retour économique et social bien maigre. Peut-être peut-on discuter de l’opportunité d’une telle intervention de l’Etat en faveur des entreprises, de leur « compétitivité » et du soutien à l’activité économique. Mais au moins, que les Français soient correctement informés de ces choix et leur efficacité, et surtout que le patronat ait la décence de reconnaître le colossal effort fait en sa faveur.
Pour plus d’information, voir l’article de Christian de Brie (ATTAC) dans Le Monde Diplomatique de février