Le 30 septembre est entrée en vigueur la réforme de la justice des mineurs contre l’avis des professionnel.le.s du secteur, hors de tout réel dialogue social (est-ce étonnant de la part du gouvernement actuel ?). Educateurs-trices, assistant.e.s sociaux, avocat.e.s, magistrat.e.s ont manifesté jeudi 30 septembre devant les tribunaux pour exprimer leur désapprobation et exiger une autre politique pour la justice des mineurs.
La justice des mineurs est (était) régie par l’ordonnance du 2 février 1945. Ce texte pose la primauté de l’éducatif sur le répressif et part de l’idée « qu’un adolescent n’est pas un adulte en miniature, mais un être en devenir qui doit progressivement apprendre de ses erreurs, de ses actes, aussi graves soient-ils et se responsabiliser » (Sonia Ollivier, SNPES-PJJ-FSU). Le système s’appuyait sur l’existence d’une juridiction spécialisée relativement souple dans son fonctionnement (les juges pour enfants) et la primauté des actions éducatives (le corps des éducateurs PJJ) posant le principe que la justice des mineurs prononce des mesures de protection, d’assistance et d’éducation appropriées, plutôt que des sanctions pénales, au nom du fait « qu’un enfant qui passe à l’acte est d’abord un enfant en danger » (Carole Sulli, avocate).
L’esprit de l’ordonnance de 1945 a été sérieusement entamée depuis une vingtaine d’années par les lois de révision successives. Aujourd’hui, pour satisfaire les voix à droite et la demande pas toujours fondée de répression, le gouvernement l’a abolie et remplacée par le Code de Justice Pénale des Mineurs (CJPM) entré en vigueur le 30 septembre dernier. Le nouveau texte suscite la réprobation des professionnel.le.s, magistrat.e.s, avocat.e.s et éducateurs-trices (notamment ceux regroupé.e.s au SNPES-PJJ.FSU) qui dénoncent une idéologie sécuritaire et gestionnaire entérinant une politique pénale toujours plus expéditive et répressive.
Tous et toutes dénoncent le caractère accéléré à venir des procédures qui va mettre à mal les démarches éducatives au profit des sanctions pénales, de l’augmentation des décisions d’incarcération en centres fermés, de la prépondérance du Parquet sur les Juges pour enfants. Or, la France est l’un des pays OCDE qui enferment le plus les adolescents, alors même qu’il est démontré que cette pratique ne fait pas reculer la récidive, que le contrôle et la répression ne sont pas des leviers pertinents pour agir sur l’ensemble des difficultés rencontrées par les jeunes et leurs familles.
Les professionnel.le.s sur le terrain, les éducateurs-trices ne réclament pas une justice plus dure, ni une accentuation du contrôle policier, ils et elles réclament des moyens en personnel.le.s formé.e.s dans les secteurs de l’enfance, de la justice, du social et du médico-social, et des moyens en structures d’accueil et de placements en milieu ouvert. Ils-elles pensent que le travail éducatif avec les adolescent.es en grande difficulté, ne peut se concilier avec les notions de justice rapide et de délais toujours plus contraints (d’autant que les moyens ne le permettent pas). Ils-elles veulent travailler dans la durée et la sérénité, collaborer entre eux et pouvoir agir sur les causes de la délinquance, défendre les valeurs éducatives et le sens de leurs métiers. Car, « il s’agit là d’abord d’un problème touchant aux inégalités et discriminations systémiques qui traversent la jeunesse française, et à l’encontre desquelles aucune politique n’est actuellement menée » (Arthur Vuattoux, sociologue). Pour résoudre ce problème, il faut trouver une alternative pour un code de justice des enfants protecteur et émancipateur.