17 novembre 2020

Sections départementales

L’autoritarisme comme réponse à la crise

Depuis quelques années la réponse des gouvernements successifs aux situations de crises : – terrorisme, mouvement des ’’Gilets jaunes’’, Covid-19, se concrétise par une mainmise de plus en plus forte de l’Etat sur nos vies et nos comportements et la tentative de faire taire toute critique et opposition. La technocratie a raison puisqu’elle sait !
Il y a eu les mesures de l’état d’urgence (voté le 20 nov. 2015) mises en place après les attentats contre Charlie Hebdo (janvier 2015) et à Paris (novembre 2015) qui ont été ensuite quasiment institutionnalisées et pérennisées.

Ces mesures ont étendu les pouvoirs de police : assignations à résidence, perquisitions, interdictions de réunions et de manifestations sous l’autorité du ministre de l’intérieur et le contrôle du juge administratif (et non la justice pénale) qui est souvent favorable au gouvernement (voir le peu de décisions annulées en référé). Ce qui est grave c’est que l’extension des pouvoirs de police a été utilisée contre les manifestations des ’’gilets jaunes’’ et des salarié.e.s contre la réforme des retraites (contrôle des déplacements, fouille des véhicules et des effets personnels, gardes à vue préventives, pratique de la ’’nasse’’...), contre les militant.e.s écologistes et zadistes et les militant.e.s et humanitaires défenseurs des migrants (gardes à vue humiliantes, assimilation à des actes terroristes...).

Les gouvernements s’habituent facilement aux pouvoirs excessifs qu’ils s’accordent, théoriquement à titre provisoire, et ils les étendent à toute situation, comme si la seule autorité paternaliste et irréfutable pouvait régler tous les défis auxquels se confronte la société. Après et avec la menace terroriste, la crise sanitaire est l’objet d’une réponse autoritaire de l’Etat à travers la loi d’urgence sanitaire (23 mars 2020, prorogée plusieurs fois et jusqu’au 16 février 2021) qui donne pouvoir aux préfets d’organiser le confinement strict, le contrôle accentué des déplacements des personnes, les mesures sanitaires contraignantes. Toutes mesures prises en conseil de défense, lequel échappe au contrôle du Parlement, sans concertation réelle avec l’ensemble des forces politiques, des collectivités locales, des autorités scientifiques, des représentants syndicaux et des salarié.e.s et actifs, notamment soignant.e.s et enseignant.e.s. Bien sûr, on peut croire que ces décisions sont nécessaires pour contrer l’épidémie, mais la méthode et les modes d’application (contrôles souvent tatillons et coercitifs sans discernement, choix des commerces qui peuvent ouvrir ou pas, interdiction des activités sportives, des manifestations citoyennes, protocoles erratiques successifs...) se font en considérant une fois encore le caractère par essence immature et indiscipliné de la population.

Et pour rajouter à tout cela, le gouvernement met en discussion ces jours-ci la loi de « sécurité globale » qui accroit le pouvoir des forces de l’ordre (FdO) en les dotant de caméras mobiles et de drones lors des manifestations qui permettront la reconnaissance faciale et le pistage de militants (qualifiés d’activistes). Le même texte interdit de filmer les FdO ’’dans le but d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique’’ des policiers et gendarmes,
→ ce qui donnera la possibilité d’arrêter par ’’prévention’’ tout citoyen.ne ou journaliste soupçonné.e de vouloir nuire,
→ induira la multiplication des dépôts de plainte de policiers pour atteinte à leur intégrité,
→ provoquera des effets de dissuasion et d’autocensure dans la presse.

Par la force des choses, malgré quelques précautions oratoires du ministre Darmanin, cette loi est liberticide et ajoute aux méthodes brutales de maintien de l’ordre (usage intempestif des LBD en tirs tendus, grenades lacrymogènes offensives, charges violentes...) et à la faiblesse de la réponse judiciaire face aux bavures policières. Mais « ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit » (Macron, 8 mars 2019) : après la censure des images, la censure des mots... Plutôt que rétablir le lien entre police et citoyens, il faut rendre anonymes et irresponsables les policiers, empêcher la publicité de leurs actes et rendre suspect par essence le citoyen. Michel Foucault disait que « la justice est au service de l’ordre », désormais « la police est au service de la police » (David Drufresne).

A la politique répressive, s’ajoute l’atteinte au droit syndical et à la liberté d’expression des fonctionnaires. Le ministre Blanquer, à travers la loi sur « l’Ecole de la confiance » accentue le principe du devoir de réserve et d’exemplarité des enseignant.e.s dans le but ’’d’empêcher les faits et écrits portant atteinte à la réputation du service public’’. Ainsi se multiplient les menaces et les mesures disciplinaires contre des collègues ayant usé de leur droit syndical ou même de leur liberté de citoyen.ne en dehors de l’école :
– ainsi d’un directeur d’école, par ailleurs adjoint au maire de sa commune,
– tel collègue verbalisé le 1er mai pour s’être déplacé dans Paris avec un drapeau SNES-FSU sur le dos,
le plus scandaleux : le cas de 4 professeur.e.s du lycée de Melle (Deux-Sèvres) lourdement sanctionné.e.s par la rectrice de Poitiers après les actions élèves/enseignants contre les épreuves E3C, pour des faits absurdes : « incitation à l’émeute », « atteinte à la dignité » ou encore « manquement aux obligations professionnelles » alors qu’elles et il ne faisaient qu’exercer leur droit de grève et d’expression syndicale. Les sanctions diverses pour les quatre : - mutation d’office ; - suspension sans salaire durant 15 jours ; - rétrogradation d’échelon ; - blâme... sont iniques et délibérément excessives.

Et voilà que la future loi sur la recherche entend interdire les manifestations à l’intérieur des universités et l’occupation de leurs locaux (jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende) – est-ce la vision archaïque de la recherche où les Géo Trouvetou opèrent en solitaire dans leurs laboratoires fermés à l’abri des vicissitudes du monde extérieur ? La ministre avait même prévu de laisser passer un amendement (finalement défait) qui stipulait que "les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République." Avec les macroniens, alliés à la droite, les étudiants, enseignants et chercheurs doivent sagement obéir à la discipline académique, finies grèves et contestations. Le bon universitaire, le bon enseignant est celui qui se tait et relaie les décisions du politique, du ministre et de la haute fonction publique.

Les citoyen.ne.s, les enseignan.e.ts ont le devoir de réagir et s’insurger contre ces mesures liberticides, en contradiction avec les discours servis sur la laïcité et les valeurs républicaines. Comme le dit la politologue Chloé Morin : « quand on ne sera plus en démocratie, on ne s’en rendra même pas compte ».