20 février 2019

Actualité académique

L’INCLUSION, UNE QUESTION À INVESTIR SYNDICALEMENT

Qui peut être contre l’accueil dans les classes des élèves en situation de handicap ou ne parlant pas du tout français ? Poser ainsi cette question à des collègues qui défendent farouchement l’accès à l’éducation pour toutes et tous élude trop facilement les conditions nécessaires au quotidien à une inclusion utile et structurante pour l’émancipation des jeunes. S’en remettre à la bonne volonté de chacun-e de faire au mieux pour chaque élève ainsi accueilli est une solution à moindre coût pour les services académiques mais elle expose les collègues à des dilemmes professionnels difficiles à surmonter quand on est seul dans la classe. Avec des effectifs toujours plus chargés au collège où chaque élève nécessite parfois une attention et un accompagnement de chaque instant, l’épuisement professionnel des équipes est palpable, car la différenciation pédagogique ne marche pas toujours ou prend un temps fou pour un résultat qui paraît décevant. Le SNES entend avancer avec les collègues pour dresser un état des lieux de l’inclusion qui s’est généralisée dans le cadre ordinaire de la classe et construire collectivement un cadre revendicatif qui va de l’accompagnement matériel et humain aux effectifs par classe à ne pas dépasser le cas échéant et le maintien de structures adaptées. Alors que de nouveaux métiers se créent comme celui des AESH pour lequel le SNES revendique un vrai statut, un temps plein et un salaire décent, il s’agit bien de trouver la réponse syndicale et éducative pour permettre la réussite de tous les élèves. À travers cette publication et les prochaines, les actions pour les droits des AESH, le travail des CHSCT dans l’académie, le SNES-FSU Bretagne en fait un axe prioritaire de son action.

Gwénaël Le Paih

DOSSIER INCLUSION

L’INCLUSION : UNE QUESTION QUI MONTE

Issu du monde anglo-saxon, à travers les notions de société inclusive, le concept d’inclusion vise à replacer de plein droit toutes les personnes, quelles que soient leurs caractéristiques, dans la société et ses organisations. La traduction scolaire est l’école inclusive. Toutefois, pour que l’inclusion puisse réussir, il convient d’interroger les moyens accordés par l’Institution à ces jeunes et leurs besoins d’adaptation.

L’INCLUSION : UN CONCEPT RÉCENT

Préconisée par la loi de 2005 sur les personnes handicapées, l’inclusion réaffirme l’égalité des droits et des chances pour tous. A la différence de l’intégration, l’inclusion prévoit que toute personne handicapée a droit à des compensations. C’est la MDPH qui prescrit les notifications d’aides matérielles ou humaines (AESH, adaptation scolaire des élèves en situation de handicap…) et qui prononce des décisions d’orientation selon le type de handicap : scolarisation en classe ordinaire, en ULIS, IME, ITEP… La DSDEN est chargée de mettre en œuvre ses notifications. La loi de 2013 pour la refondation de l’école de la République institue que le Service public d’éducation « veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants » et met en avant le concept de besoins éducatifs particuliers (BEP). Les élèves à BEP sont multiples et ne relèvent plus exclusivement du champ du handicap : élèves en inclusion individuelle ou inscrit en SEGPA, EANA, EIP, EFIV…, élèves porteurs de troubles du langage, cognitifs ou « dys » : autant de profils que de compensations à mettre en place ! Entre les PAP, les PAI et les aménagements de toute sorte, la question de l’inclusion et de la réussite de l’élève est complexe ! Or, au prétexte d’une politique du « tout inclusion », des élèves BEP peuvent se voir paradoxalement privés des dispositifs et structures indispensables à leur accompagnement, faute de moyens.

3 QUESTIONS À… JULIETTE PERROT

Enseignante d’anglais, collège de Vitré

Comment se traduit l’inclusion d’élèves à besoins particuliers dans tes classes ?

L’inclusion d’un ou plusieurs élèves, c’est d’abord réfléchir à leur trouver une place qui convient au mieux. Pas facile au moment où les effectifs sont de plus en plus chargés en collège, dans des salles qui n’ont pas été prévues pour. Dans certains cas, on manque de places pour les collègues AESH ! C’est aussi trouver les informations sur leurs besoins particuliers. Là aussi il est parfois difficile de se procurer le projet personnalisé de scolarisation (PPS) ou le GEVASCO. On doit souvent se débrouiller seuls ! Ensuite il faut le décoder et réfléchir aux adaptations spécifiques pour chaque élève, pour les documents et les pratiques de classe. Cela demande du temps et on ne sait pas toujours si ces adaptations vont fonctionner.

Qu’est-ce que les inclusions ont changé dans ton travail d’enseignante ?

Les inclusions constituent une charge de travail supplémentaire, sans que nous soyons rémunérés pour cela. Avec les collègues nous devons nous efforcer d’adapter nos pratiques de classe pour accueillir le mieux possible ces élèves dans des groupes de plus en plus hétérogènes. Difficile de répartir l’attention du professeur. Cela demande une certaine gymnastique délicate avec 30 élèves par classe !

Qu’attends-tu de l’institution pour faciliter ce travail ?

D’abord des effectifs limités pour pouvoir suivre réellement le travail de chacun et pouvoir consacrer suffisamment de temps à chaque élève. Ensuite, des personnels AESH en nombre suffisant et formés. Nous avons aussi besoin de temps dégagé dans nos services pour nous concerter avec les autres membres de l’équipe et pour participer aux réunions de l’équipe de suivi de scolarité (ESS) avec l’enseignant-référent ou pour compléter les GEVASCO. Pouvoir rencontrer des professionnels ressources (ergothérapeutes, éducateurs spécialisés, orthophonistes...) pourrait aussi nous aider. Enfin, une revalorisation financière de nos métiers face à l’accroissement de la charge de travail.

LA POSITION DU SNES : POUR UNE INCLUSION RAISONNÉE

Si l’institution promeut désormais l’inclusion en milieu scolaire, les recommandations ne sont pas accompagnées des investissements nécessaires en personnels enseignants ou AESH, en formation, en temps octroyé aux équipes, en aménagement des locaux, en dotations pour limiter les effectifs par classe.

La solution préconisée par l’institution est la différenciation pédagogique. Pourtant, les travaux des chercheurs montrent que la différenciation simultanée, réservant des activités différentes aux élèves, pour tenir compte de leur diversité, peut rapidement les conduire à fréquenter des univers de savoir différents voire inégalement exigeants, et aggraver les inégalités scolaires.

Le SNES-FSU a très tôt alerté le ministère sur l’alourdissement de la charge de travail liée à l’accueil d’élèves à BEP, la complexification du métier et la multiplication des tâches et réunions qui en découlent. La FSU a également agi en CHSCTM pour la parution d’un guide ministériel sur la « Prévention des risques professionnels et accompagnement des personnels confrontés à des situations difficiles avec les élèves à BEP ou à comportement perturbateur ». Pour le SNES-FSU, l’inclusion pour être réelle doit être pensée sur le long terme et utiliser toute la palette des structures possibles et adaptées en fonction du parcours et de l’évolution de l’élève, ce qui suppose de les financer. Ainsi la SEGPA est un outil efficace contre l’échec scolaire en permettant des parcours de réussite notamment vers la voie professionnelle. Les UPE2A devraient pouvoir accueillir davantage d’élèves allophones pour éviter, comme actuellement, de scolariser trop rapidement ou directement des élèves en classe ordinaire.

Que faire dans l’immédiat ? S’assurer que les notifications de la MDPH sont respectées : l’élève dispose-t-il de l’aide d’un AESH et cela pour le volume qui lui a été notifié ? En cas de grande difficulté face à des problèmes de comportement graves, il convient d’interpeller l’enseignant référent et d’alerter le chef d’établissement. Il faut faire entendre l’avis des collègues sur une situation individuelle et imposer l’avis du collectif enseignant sur les expériences qui sont menées (notamment l’inclusion systématique des élèves de SEGPA). Il faut également exiger que les moyens accordés prennent en compte l’ensemble des publics accueillis (élèves d’UPE2A et d’ULIS).

N’hésitez pas à contacter la section académique ou départementale du SNES-FSU en cas de difficulté.

Lexique :

EANA : Élève allophone nouvellement arrivé
AESH : Accompagnant d’élève en situation de handicap
BEP : Besoins Éducatifs Particuliers
GEVA-SCO : Guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation
ITEP : Instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques
IME : Institut médico-éducatif
MDPH : Maison départementale des personnes handicapées
PAI : Projet d’accueil individualisé
SEGPA : Sections d’enseignement général et professionnel adapté
ULIS : Unité localisée pour l’inclusion scolaire

Dossier inclusion coordonné par Joël Mariteau ; ont contribué à ce dossier : Frédérique Lalys, Solenne Ogier, Juliette Perrot et Gwénaël Le Paih.