14 décembre 2021

Sections départementales

La Cour des Comptes fait son programme pour l’École

Une fois encore, la Cour des Comptes (présidée par Pierre Moscovici) se mêle de l’action politique, dépassant son rôle de contrôle a posteriori des finances publiques. Malgré ses dénégations, le 1er Président de la Cour cherche bien à peser sur les élections et le programme des candidats, à adouber certains projets plutôt que d’autres. Partant du constat que l’Ecole ne remplit pas son rôle en faveur des jeunes des milieux défavorisés (ce qui est juste), la note de la Cour des Comptes publiée ce 14 décembre, dénonce les dépenses exagérées et inefficientes de l’Etat pour l’Ecole – ce qui est d’ailleurs faux puisque la dépense par élève est inférieure à celle dispensée en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, aux Etats-Unis... et alors que la dépense globale pour l’éducation stagne en France (+0,5% par an contre +1 à +2% par an dans les pays OCDE). La Cour prône ainsi le fameux mot d’ordre libéral : ’’faire mieux avec moins de moyens’’.

La méthode de la Cour des Comptes, inspirée du modèle du New public management (NPM), c’est l’autonomie accrue des établissements, l’autorité du chef d’établissement considéré comme un manager, la gestion par les indices statistiques et selon les méthodes de l’entreprise privée. Ce modèle a pourtant prouvé ses insuffisances dans des pays qui aujourd’hui le rejettent : Grande-Bretagne, Suède, Pays-Bas, Etats-Unis.

Anyway, la Cour s’entête et égrène son catalogue de recettes :
 Après la proposition (note du 2 décembre) d’imposer aux enseignants d’assurer quelles que soient les circonstances les remplacements de leurs collègues absents, la Cour propose de ’’remplacer les professeurs par des heures supplémentaires’’ et plutôt des HSE que des HSA (question de souplesse de gestion !).
 Limiter le recrutement de nouveaux enseignants, car les effectifs vont baisser à l’horizon de 10 ou 20 ans (vous comprenez, il faut être prévoyant, et tant pis si les sureffectifs actuels pénalisent les élèves en difficulté).
 Réorganiser les établissements dans le sens d’une large autonomie et du rôle accru des CE, intégrer les écoles primaires d’un secteur à un collège (résurgence de l’idée de ’’l’école du socle’’).
 Donner l’autorité pédagogique au CE qui recruterait ’’ses’’ enseignants, les noterait seul (exit les IPR ?) car « l’amélioration de la qualité de l’enseignement passe bien par le renforcement de la fonction d’encadrement pédagogique au sein des établissements ».
 Annualisation et globalisation des services (intégrant remplacements, formation, missions annexes et implication dans le projet d’établissement...).
 Pilotage par les indicateurs et par les résultats qui impliqueraient partiellement la dotation et les moyens spécifiques alloués. Alors qu’on sait que cette pratique entraine l’uniformité pédagogique, le teaching for the test et des fraudes (cf l’exemple étatsunien).

Au total c’est la privatisation de la gestion de l’école publique que propose la Cour des Comptes, en complicité avec les rêves des conservateurs de Fillon à Blanquer de mettre sous contrôle fonctionnaires et agents des services publics, réduire la dépense publique, renvoyer les citoyens (ici familles, élèves et étudiants) à leur responsabilité individuelle et à la lutte de tous contre tous. Un modèle que nous devons combattre...