30 avril 2019

Sections départementales

La loi sur la fonction publique va déstructurer le statut de fonctionnaire.

Le rapport CAP 22 qui vise à «  réinventer le service public pour mieux servir  » (sic) a été bouclé à l’été 2018 ; il sert de base aujourd’hui au projet de loi de réforme de la fonction publique présenté en conseil des ministres le 27 mars, puis ces jours-ci au Parlement. Ce projet démonte totalement le système de la fonction publique française et marginalise le statut de fonctionnaire. But avoué : moderniser le service public et le rendre plus efficient en s’attaquant à « l’excès de normes et lourdeurs » ; la réalité est tout autre.

Le gouvernement veut instaurer un pilotage par la masse salariale, destinée à être limitée puis abaissée. Cela suppose donc la diminution des effectifs et la remise en cause des règles de l’avancement (pour réduire les salaires de chacun, donc la masse globale).
Il faut dès lors ’’assouplir le statut’’ pour mettre en place une rémunération différenciée au mérite, l’embauche d’une part importante d’enseignants sur contrats de droit privé qui seront payés en fonction des besoins de l’institution, des ’’talents’’ et des mérites.

Le recours aux contractuels (aujourd’hui déjà 20% des agents de la fonction publique) deviendra la norme probable, y compris pour les postes hiérarchiques (chefs d’établissement, IA-DASEN, chefs de service...). Contractuels recrutés sur contrats de projets en CDD avec des situations et des rémunérations individualisées et des responsabilités variables suivant la nature et les particularités des postes offerts (comme on recrute les cadres supérieurs des entreprises privées).
Les concours de recrutement resteront mais dans une proportion diminuée. Le rapport CAP22 suggère la création d’un nouveau corps de professeurs, mieux rémunérés, mais en échange d’obligations alourdies : - bivalence, - heures de cours augmentées, - annualisation du service, - obligation de remplacement...

A l’autre bout de la chaîne, il faudra favoriser les départs volontaires vers le privé en les facilitant par un ’’accompagnement personnalisé’’, et l’octroi de ’’congés de transition professionnelle’’. On espère ainsi le départ de plusieurs milliers d’enseignants.
On gère ensuite le système de façon déconcentrée : l’académie devient l’échelon de décision stratégique et on accroît la responsabilité des chefs d’établissement transformés en managers (auxquels on accorde un déroulement de carrière plus attractif). Ceux-ci assurent une part du recrutement, notamment des contractuels, la gestion de la notation et de l’avancement des enseignants, l’application des normes éducatives et des programmes... (on peut tout imaginer quand on connaît la fibre autoritariste du président de la République et de son ministre).

Pour parvenir à la mise en place du projet, il est alors nécessaire de casser les solidarités entre personnels et réduire le poids des organisations syndicales (le ministre et les siens s’en cachent à peine, cf les diatribes anti-SNES de JM Blanquer). D’où la suppression des CAP (commissions administratives paritaires) et la fin de la gestion paritaire des carrières et des mutations, CAP remplacées par de simples instances de recours a posteriori ; la fusion des CT (comités techniques de gestion des moyens et des postes) et des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) à tous les échelons – ministériel, académique,départemental, ce qui réduira complètement la portée de leurs actions.

La réforme proposée est dans la ligne des modèles anglo-saxons
mis en place il y a déjà vingt ans. Mais qui ne prend pas en compte les échecs constatés aujourd’hui de ces modèles (recul dans les évaluations internationales, désaffection pour le service public, crise des recrutements...), en Suède, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, sans parler du système public étatsunien.
Le gouvernement escompte une baisse des coûts  : rien n’est moins sûr. Car si les enseignants-contractuels précarisés seront sous-payés, il faudra bien attirer vers les emplois de direction les cadres du privé très recherchés qui ne lâcheront pas leurs fortes rémunérations pour des contrats de 5 ou 7 ans, deux ou trois fois moins payés (dans les pays cités plus haut les salaires des CE sont largement supérieurs à ceux des enseignants de base). On aura alors dans la fonction publique, à tous les niveaux, une divergence considérable de situations et statuts, fondée sur une gestion inégalitaire et individualiste des personnels. Imagine-t-on des collègues aux obligations contrastées pour des salaires inégaux à ancienneté et compétences égales, un chef d’établissement, un Dasen issus des concours côtoyant les mêmes issus du secteur de l’entreprise ? Le gouvernement nous mène vers la fin des services publics, vers le ’’new public management’’, la gestion sur le mode privé des ’’missions d’intérêt public’’.

Le gouvernement est dans une logique purement idéologique, d’une société ultra libérale et individualiste. Il ne réfléchit même pas à la piètre efficacité de ce qu’il propose et ne voit pas l’échec programmé de ses réformes.