Les DGH ont confirmé les retraits de moyens qui s’amplifieront encore dans un an avec la nouvelle Terminale. Aucun lycée de l’Académie n’est épargné et les conditions de travail de tous les personnels seront dégradées avec des classes plus chargées, des dédoublements supprimés et des nouveaux programmes difficiles à appliquer. Que peuvent-y gagner les élèves par rapport au lycée actuel ? Le coût de la réforme en termes de formation continue et de mise à disposition d’outils pédagogiques pertinents et gratuits pour les élèves et les enseignants n’est pas davantage pris en compte par le gouvernement.

EN FINIR AVEC LES SÉRIES HIÉRARCHISÉES ?

Baisse des horaires disciplinaires, marges horaires décidées au local, le lycée actuel organisé ainsi depuis 2010 n’a rien réglé alors qu’il devait rééquilibrer les séries et les voies. Comment croire aujourd’hui que des enseignements techno­logiques fragilisés et réduits comme en seconde à une option ni obligatoire ni financée et la mise en place du tronc commun en série générale avec des enseignements de spécialité sous financés seraient de nature à corriger la mixité sociale et les parcours genrés dans le lycée Blanquer ? L’organisation en séries a le mérite de garantir par l’État une formation iden­tique et financée partout, validée par le bac dont l’obtention maintenait avant Parcoursup la liberté de s’inscrire à l’université. Demain avec 50 % d’épreuves corri­gées locale­ment (30 % pour le tronc commun et l’enseignement de spécialité abandonné en première, 10 % pour la moyenne des moyennes et 10 % pour le grand oral), le bac local servira plus encore à discriminer les candidats dans Parcoursup, l’anonymat du lycée d’origine étant toujours refusé par le Ministère de l’Enseignement supérieur.

FAIRE LES BONS CHOIX…

Les « bons choix » des spécialités dès la seconde, la cohérence de leur combinaison et l’impérieuse nécessité de résultats dans ce parcours seront de nature à présenter un profil rassurant pour les recrutements de l’enseignement supérieur dans Parcoursup. On mesure combien le droit à l’erreur ou le temps nécessaire pour cheminer dans ses choix et ses goûts sont occultés au profit de l’optimisation des années lycées avec une formation immédiatement payante pour les études supérieures. Le plaisir d’apprendre, de découvrir de nouvelles disciplines quitte à poursuivre (et réussir !) dans une autre voie après le lycée n’est décidément pas prévu dans le lycée Blanquer.

…C’EST PLUS OU MOINS FACILE SELON LES LYCÉES !

Si la rectrice a tant insisté sur l’équité dans l’ouverture des enseignements de spécialité entre les lycées (publics et privés) de l’académie, c’est bien que rien n’était acquis ! Les lycées isolés et en dehors des grandes villes ou ceux à dominantes technologiques offriront moins de choix de formation. Ces établissements sont par ailleurs souvent mis en concurrence directe avec un établissement privé catholique ou pénalisés par des effectifs plus faibles (les possibilités de groupes de spécialité et leur combinaison à trois sont d’autant réduits). Certes un élève de seconde pourra quitter définitivement son lycée de secteur pour suivre une spécialité de première dans un autre établissement mais après un « mini Parcoursup seconde » qui en découragera plus d’un : lettre de motivation de l’élève, accord du conseil de classe, accord du proviseur accueillant puis inscription par l’IA-DASEN qui tiendra compte des effectifs attendus en première, les élèves " montants " de seconde ayant priorité sur l’offre de leur lycée…

ET RIEN N’EST GARANTI !

Les ouvertures de spécialités validées par la rectrice sont prévues et financées pour des divisions de 35 élèves. Qui peut imaginer que les élèves se répartiront naturellement sur chacune des spécialités pour constituer des groupes de 35 élèves ? Des moyens de la part libre (8h en première) seront donc nécessaires pour financer quelques groupes supplémen­taires et donner un peu d’air dans l’organisation mais ce seront autant de dédoublements à supprimer ailleurs ! Multiplication des groupes, organisation des combinaisons, barrettes multiples pour aligner profs et disciplines… les contraintes seront pesantes sur les emplois du temps des élèves et des enseignant-es. Si des logiciels seront sûrement capables de prouesse bureaucratique, des proviseurs adjoints alertent déjà sur la faisabilité des emplois du temps et la prise en compte du réel. L’abandon de contraintes sera une étape pour y remédier : les combinaisons pourraient être figées plus vite que prévu pour redonner des repères aux élèves et aux familles, du sens au groupe classe, stabiliser les postes et éviter pour tous des emplois du temps qui s’étirent sur des journées entières du lundi au vendredi.

NOUVEAUX PROGRAMMES AVEC QUELLE FORMATION CONTINUE ?

Le volet formation de la réforme semble bel et bien avoir été évacué, à l’exception de la formation lourde pour diplômer les collègues engagés dans NSI avec un diplôme universitaire. On ne peut donc pas exclure à ce stade que le modèle infantilisant et lacunaire de la formation lors de la réforme en collège ne soit réactivé par le rectorat pour le lycée. Prudence aussi pour le nouvel enseignement en seconde SNT (Sciences Numériques et Techno­logie) aux périmètre et contenu flous : des prises de position collective pour refuser cette discipline se multiplient.

ET AVEC DE NOUVEAUX MANUELS ?

Le conseil régional a fait savoir qu’il n’avait ni l’intention ni les moyens de financer le renouvellement des collections en seconde et première. Le choix entre le financement actuel auprès des associations de parents en charge de la distribu­tion ou un forfait de 20€ par élève versé à l’établissement pour s’engager dans le « tout numérique » doit impérativement être débattu au CA d’autant que le nouveau dispositif proposé tourne définitivement le dos à la gratuité des manuels. Les équipements des salles, des personnels, des élèves à la maison, la pertinence pédagogique des manuels ou outils numériques souvent très prescriptifs, le coût et le reste à charge pour les familles sont à prendre en compte.

AGIR PARTOUT, ENSEMBLE !

Le SNES appelle les collègues à poursuivre les actions dans les lycées : elles permettent de diffuser auprès de la presse locale et des parents d’élèves les analyses et les explications. Les parents de la FCPE demandent un moratoire pour la rentrée 2019 afin que la réforme du lycée ne s’applique pas en l’état et tous les syndicats enseignants - y compris ceux qui se disent en accord avec l’esprit de la réforme - dénoncent unanimement les conditions de rentrée 2019. Motions en CA, votes contre les DGH, modalités d’évaluation des élèves non chiffrée, nuits des établissements, confé­rences de presse des lycées en lutte sur un même secteur, démissions collectives de la fonction de professeur principal, réunions d’information pour les parents des collèges… tout doit être mis en œuvre pour faire bouger les lignes au plus vite. Moratoire ou autre rentrée ou abrogation : faisons l’unité pour bloquer les réformes.

Gwénaël Le Paih