23 millions de Français ont écouté, beaucoup sans doute d’une oreille distraite, l’intervention du Président de la République. Un discours pour ne rien dire, comme l’a remarqué l’économiste Thomas Piketty.
Car aucune annonce forte n’a été faite, juste quelques vagues idées : rien de sérieux sur la transformation écologique de l’économie, pourtant sacrément urgente, des annonces de mesures encore et toujours reportées pour adapter la France aux risques futurs. Pas un mot pour le travail des enseignants que le ministre Blanquer a laissés calomnier toute la semaine écoulée, pas beaucoup plus pour ceux qui ont tenu le pays durant la crise sanitaire, une vague évocation du « Ségur de la Santé » sans répondre à l’urgence de refonder le système de santé (cf pourtant les demandes des organisations syndicales), rien sur l’école, sur l’université, sur la recherche, rien sur les violences policières sauf à faire l’apologie de l’ordre. Il dénonce le racisme mais accuse les victimes de faire du communautarisme et du séparatisme et de réécrire l’histoire de façon haineuse et fausse.
Et puis pas question d’amender la fiscalité, pas question de faire participer les plus riches à l’effort national alors que l’on sait que les inégalités s’accroissent et que les plus riches s’enrichissent toujours plus et sont les plus riches en Europe — après ceux de Suisse (cf le « Rapport sur les riches en France » par l’Observatoire des inégalités). Par contre, l’annonce que les salariés devront travailler et produire davantage alors que se profile une augmentation dangereuse du chômage, alors que le productivisme acharné du capitalisme mondialisé génère dérèglement climatique et effondrement de la biodiversité.
Comment croire les promesses de décentralisation venant du président le plus centralisateur et le plus autoritaire depuis longtemps, le plus narcissique aussi, qui a mis de côté corps intermédiaires et collectivités locales ? Qui fait appel aux Présidents de l’Assemblée nationale (R. Ferrand, LREM), du Sénat (G. Larcher, LR), du Conseil économique, social et environnemental (P. Bernasconi, MEDEF) pour lui proposer les priorités du monde de demain ?! Espérer que ces trois personnages puissent imaginer une société plus juste est une imposture. Que fait alors le Président des conclusions du Grand débat post-Gilets jaunes, des échanges et réflexions de 64 intellectuels conviés à l’Elysée en mars 2019, des propositions de la Convention citoyenne sur le climat ? Autant en emporte le vent...
Nous n’obtiendrons des résultats que par nos actions constantes et acharnées, que par le rapport de forces. Ce 16 juin des milliers de manifestants pour la Santé, ce n’est pas encore suffisant. Il faut poursuivre et faire céder le gouvernement « quoiqu’il en coûte »...