La crise du Covid-19 et la période de confinement ont révélé la fracture numérique et la fragilité de nombreux publics face à l’instrument informatique (ce qu’on appelle illectronisme). Un rapport du Sénat publié le 17 septembre dernier a mis en évidence les insuffisances de la France dans le domaine : 14 millions de Français ne maîtrisent pas le numérique (parmi eux 2,5 M. de personnes illettrées), 1 sur 2 n’est pas à l’aise avec l’outil et éprouve de grosses difficultés dans la réalisation des actes administratifs en ligne. De plus, de nombreux lycéens et étudiants (les pourtant baptisés ’’génération millenial’’) manquent de compétences et d’agilité numériques.

La crise a révélé les problèmes matériels et d’équipement des familles, les connexions hasardeuses, le manque de compétences ou même d’appétence. Et contrairement aux idées reçues, un grand nombre de jeunes sont en difficulté numérique dans les débuts de leur vie professionnelle.
De même les divergences entre les enseignants sont importantes, entre ceux qui maîtrisent totalement les outils et réussissent le basculement vers la digitalisation de la classe et ceux qui ont dû s’y confronter, au pied du mur. Selon une enquête de l’association Syn-lab, les 2/3 des enseignants ont exprimé un besoin d’accompagnement et de formation.

Le rapport du Sénat préconise donc pour l’Education nationale, le recensement et l’évaluation des compétences et des difficultés numériques des élèves et des enseignants (du primaire à l’université) dans chaque académie, l’introduction dans la formation initiale et continue de la maîtrise des outils numériques pédagogiques, la publication de l’état des lieux des compétences des élèves et enseignants sur la base d’évaluation par l’Education nationale. Le Sénat rappelle que le plan Borloo préconisait un budget de 600 M. € par an pour combattre l’illectronisme, instaurer des moyens de formation, créer des personnels référents et médiateurs. Dans les faits le budget 2020 n’y consacre que 30 M., et le plan de relance prévoit 250 M.€ pour 2021-2022. Comme trop souvent avec Macron, on est très loin du compte.

Le ministre Blanquer se contente d’expériences limitées et a présenté le 21 septembre le programme « Territoires numériques éducatifs » qui prévoit d’équiper 2700 classes de l’Aisne et du Val d’Oise de ’’kits robotiques’’ (il y a environ 187 000 classes du primaire élémentaire en France...) et 15 000 classes de primaire, collèges et lycées de ’’kits d’enseignement hybride’’ qui permettraient de transformer la salle de classe en ’’espace de travail distant’’. Mais une fois de plus, il s’agit de saupoudrage, pour une ébauche de politique du numérique et un budget dérisoire de 27 millions d’euros, alors que le ministre a mis fin prématurément au plan Hollande d’équipement des collèges et de formation (307 M.€ dépensés sur 1 Md prévus).

Les erreurs de fond de cette politique, perçues par nombre d’observateurs, sont nombreuses : 

– l’absence de diagnostic sérieux sur les besoins de l’Ecole dans le domaine et d’enseignement tiré de la période de confinement.
– le financement et le pilotage des plans ’’numériques’’ se font en dehors de l’Education nationale, à l’initiative du PIA (Programme d’investissements d’avenir) qui dépend du 1er Ministre. Ils ont une grande chance d’être déconnectés des besoins réels.
– les territoires et collectivités locales sont constamment convoqués, mais instrumentalisés sans rôle décisionnaire. 
– on plaque des plans du haut vers le bas et des injonctions béates sur un terrain pas préparé, sans formation, ni équipements, ni infrastructures solides et surtout sans respect de la liberté pédagogique des enseignant.e.s. Ceux-ci, celles-ci sont constamment mis sur la touche et ignoré.e.s, voire stigmatisé.e.s comme rétrogrades.

Les enseignant.e.s – et le SNES-FSU qui les représente – ne sont pas opposé.e.s au numérique à l’école, à condition qu’ils et elles maîtrisent son application et qu’au delà des gadgets démagogiques, cela puisse réellement participer au progrès de l’enseignement et à la lutte contre les inégalités scolaires. Que le numérique ne soit pas prétexte à évincer la présence de l’enseignant, casser le groupe classe et à ouvrir l’Ecole aux intérêts privés.

Il est possible de participer au questionnaire en ligne en vue des « Etats généraux du numérique pour l’Education 2020 » : https://etats-generaux-du-numerique.education.gouv.fr/

Questionnaire au : https://interview.eloquant.cloud/elcs_z3/itw/answer/s/FqvJkGMeTF/k/Bretagne