Les plus lucides des observateurs ont bien compris le but réel de la réforme du lycée et la mise en place de Parcoursup’ : dissuader les élèves les plus fragiles et les ’’moins méritants’’ de tenter l’expérience de l’enseignement supérieur quitte à se réorienter et tâtonner (rappelons que la majorité sort des études avec un diplôme et une qualification).
La preuve est établie quand on constate les insuffisances depuis quelques années du budget des universités qui ne permet plus d’accueillir correctement les étudiants. En 2019 le budget de l’enseignement supérieur progresse de 1,2%, moins que l’inflation (1,8%) et ne permet pas même de couvrir les hausses de dépenses imposées mais non couvertes par l’Etat (GVT1, compensation CSG2). Ainsi le nombre d’étudiants à l’université a augmenté de 13% de 2010 à 2016 (il devrait encore augmenter de 10% d’ici 2026) alors que les effectifs d’enseignants-chercheurs ont progressé de… 0,2%. Conclusion, la dépense par étudiant à l’université est passée de l’indice 100 vers 2010-14 à l’indice 91.2 en 2016 (d’ailleurs inférieure de 40% par rapport à la dépense dans les filières sélectives !).
Les budgets d’austérité obligent les universités à réduire la masse salariale : à Rennes 1, mise sous tutelle du Recteur, le nombre d’emplois va baisser de 2,6%. Les universités doivent éponger le déficit en supprimant les postes d’enseignants-chercheurs partant en retraite et recruter à leur place des contractuels et vacataires (qui assurent davantage d’heures de cours mais moins de recherche pour des salaires en moyenne 3 fois inférieurs à ceux des titulaires). L’enseignement supérieur représente en France 1,5% des dépenses publiques (hors R&D) contre 1,9% en Allemagne, 2,5% en Suède ou 3,1% aux Etats-Unis.
Le gouvernement clame que la hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers (hors UE) compensera les baisses de dotation : c’est bien sûr largement insuffisant, sans compter que toutes les universités n’ont pas un nombre comparable d’étudiants étrangers, que cette mesure aura sans doute un effet dissuasif sur le nombre d’inscriptions. Et lorsque certaines universités (Rennes 2, Lyon 2, Aix-Marseille...) refusent d’acter la hausse des frais, la ministre F. Vidal les rappelle sèchement à l’ordre, au devoir d’obéissance et de loyauté. Bonjour le principe d’autonomie... Déjà on laisse entendre (rapport de la Cour des comptes) que la hausse des frais d’inscription pour tous pourrait (devrait) intervenir à terme. Dans ces conditions, nombre d’étudiants devront s’endetter pour étudier, selon le modèle anglo-saxon – mauvais calcul d’ailleurs : en Angleterre, entre la moitié et le tiers des prêts ne sont jamais remboursés, et c’est l’Etat garant qui doit compenser...
1- GVT : ’’Glissement Vieillesse Technicité’’ qui entraîne une hausse mécanique de la masse salariale
2- CSG : l’Etat augmente la CSG qui est compensée par le budget de l’université