Lors de la préparation du plan de relance, J. M. Blanquer a proposé la création de 3000 postes d’enseignants, réponse brute et sèche du duo Macron-Castex  : « C’est le genre de créations d’emplois qui vont aggraver le déficit et qui ne servent pas à redresser le pays...   » (Le Canard Enchaîné – 26 août 2020). Ainsi, presque tout est dit, le ’’grand plan de relance’’ dénie au service public le rôle de moteur des transformations sociales et privilégie avant tout une politique de l’offre au profit de l’initiative privée.

Le plan prévoit 100 Mds d’euros sur 2 ans ce qui est bien faible pour les profonds changements qu’il est nécessaire d’engager, bien faible rapporté au PIB et aux plans de relance ailleurs en Europe (130 Mds en 1 an en Allemagne). De plus, sur la somme mise en avant, 40 Mds proviendrait de l’UE, mais sous conditions, notamment de réformes structurelles comme la réforme des retraites.
Il était essentiel d’aller sur la voie d’une transformation radicale du modèle économique dans le sens du « verdissement » profond de l’économie et de retrouver le chemin de la lutte contre les inégalités sociales.

20 milliards de baisse d’impôts
Au lieu de cela, le gouvernement reste sur le principe de l’économie libérale fondée sur la politique de l’offre, sur le mythe de la croissance par la technologie prométhéenne, et l’action forcément exemplaire des ’’premiers de cordée’’ et de quelques milliardaires. D’où encore et toujours la promesse pour les entreprises de la réduction de 20 Mds des impôts dits ’’de production’’. Cela, au nom du fait que la France serait le pays où la pression fiscale est la plus lourde (ce qui est faux), mais en oubliant qu’ils sont équilibrés par des subventions aux entreprises les plus élevées en Europe : ceci compense donc cela. Pas grave si ces impôts servent en grande partie à financer les collectivités territoriales et la Sécurité sociale, alors qu’il va sans dire que le gouvernement ne prévoit aucune compensation de ces recettes perdues !

Erreur de croire que la fiscalité est le déterminant principal de la compétitivité et de la localisation des entreprises, ce qui n’est démontré de façon assurée par aucune étude économique. Autre erreur, comme pour le CICE et le CIR, ces avantages fiscaux sont accordés sans contrepartie d’investissements et d’innovations, ni garantie contre les effets d’aubaine (hausse des dividendes versés aux actionnaires, désendettement...). Encore une fois on accorde toute confiance au patronat, on satisfait les demandes du MEDEF, on joue la politique de l’offre en oubliant que si on ne favorise et on n’oriente pas la dépense, notamment pour les classes populaires, les entreprises n’auront ni les marchés ni les opportunités dans le domaine de la transition écologique et de la réindustrialisation.

Les études d’impact ont déjà montré que cette mesure fiscale d’ampleur va profiter en premier lieu aux secteurs de l’Electricté/gaz, des Industries extractives et de la Finance ! Pour ce qui est des exigences écologiques et sociales, on reviendra... Et au plan géographique, avantage aux régions parisienne et lyonnaise, ceci pour la cohésion territoriale !...
Sur les 35 Mds accordés aux entreprises, on note seulement 1 Md d’aides à la relocalisation, 1,5 Md de soutien à la décarbonation, 0,6 Md pour la sécurisation des approvisionnements stratégiques (médicaments, équipements électroniques...), 2 Mds pour les recherches sur l’hydrogène ’’vert’’ (l’Allemagne accorde 7 Mds). Dans le même temps, l’Etat accorde toujours 17 Mds de subventions et d’exonérations fiscales aux énergies fossiles.

Saupoudrage vert sur économie productiviste
Sur le volet ’’Ecologie’’, le plan prévoit la rénovation des bâtiments, surtout les bâtiments publics et hospitaliers mais seulement 2 Mds pour la rénovation des millions de ’’passoires énergétiques’’ dans le parc privatif, alors qu’il faudrait 3,2 Mds par an sur 20 ans pour résorber le problème ! Et pas grand chose sur le neuf, alors que l’on sait construire des logements ’’zéro énergie’’.
Pour l’agriculture, pas de réelle politique en faveur de l’agriculture biologique, on nous parle ’’d’agriculture de précision’’, on préfère les demi-mesures, l’utilisation ’’raisonnée’’ des pesticides et des engrais chimiques. Comment être crédible quand on maintient l’usage des néonicotinoïdes et du glyphosate, qu’on ferme les yeux sur les pollutions chimiques (cf le cas des algues vertes) ? Lorsqu’on poursuit les négociations sur les traités de libre échange CETA et MERCOSUR ? Quand on n’ose pas affronter les lobbies de l’agro-chimie et de l’agriculture sur-intensive.

Les transports représentent le poste le plus important du volet (11 Mds), du fait de gros investissements ferroviaires (rénovation des lignes, chantier Lyon-Turin, réouverture des petites lignes et trains de nuit, fret ferroviaire). Mais cela ne sera pas suffisant face aux besoins considérables et à la dette de la SNCF que l’Etat n’a que partiellement reprise. Par contre on oublie d’insister sur les usages et les mobilités douces, compétence accordée aux collectivités locales (Loi Orientation des mobilités, déc. 2019) mais non financée. Pourtant, « vous pouvez faire des nouveaux transports plus écolos, mieux remplis, plus collectifs... si vous vous déplacez toujours plus, vous polluerez plus.  » (Yves Crozet, économiste). Il faut donc repenser modes de vie et de travail, sujet que le plan n’aborde pas.

Les oubliés du plan de relance
Le Troisième axe du plan sur la ’’cohésion sociale et territoriale’’ intervient surtout sur la question de l’emploi, la plus cruciale dans la situation économique actuelle. Le plan pour l’emploi des jeunes, le bouclier anti-chômage, le Fonds national emploi- Formation mobilisent 8 Mds d’euros (primes à l’emploi, aides à l’apprentissage, contrats d’insertion, extension du service civique...). Se greffent ensuite 6 Mds d’investissements hospitaliers déjà annoncés dans le Ségur de la Santé et 5,2 Mds d’investissements pour les collectivités.
Mais alors, que diverses études continuent de démontrer l’accroissement des inégalités et le recul du revenu des classes populaires depuis 2008, accentués avec la présidence Macron et avec la crise sanitaire, rien n’est fait dans ce secteur, sinon 200 malheureux millions d’euros consacrés à des mesures anti-exclusion.
Les salariés les plus fragiles, les précaires et les indépendants sont les oubliés du Plan de relance, aucune mesure directe ne les concerne. Envers et contre tout, le gouvernement continue de tout fonder sur la théorie du ’’ruissellement’’, l’idée que la reprise de la consommation et de la création d’emplois viendra des plus riches et des faveurs que l’on fera aux patrons d’entreprises. Surtout, ne leur demander aucune hausse de leur contribution au bon déroulement de l’économie, ni de sortir de leur isolement égoïste, et au contraire protéger leurs intérêts.
Enfin, le Plan de relance n’amorce en rien la réflexion sur le fonctionnement de l’économie, la notion de croissance, la nécessité de créer une société plus égalitaire et solidaire. Alors qu’en Allemagne, pays du ’’modèle affiché’’, le syndicat IG Metall met en débat la question de la semaine de 4 jours, n’aurait-il pas été nécessaire de mettre sur la table la question du travail, son utilité sociale, les conditions de son exercice ?

Somme toute, le Plan de relance reste dans les schémas très classiques de l’économie libérale, loin des promesses du Président de la République de refonder ’’l’après’’ quoiqu’il en coûte, loin des enjeux cruciaux de notre période, enjeux environnementaux et démocratiques. Il est donc toujours plus nécessaire et urgent que jamais d’agir et se mobiliser contre cette politique, malgré les difficultés et contraintes de la période.

Pour qui veut des précisions
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