L’IA DASEN d’Ille-et-Vilaine a adressé le vendredi 14 février un courrier à tous les enseignants du 1er et du 2d degré pour promouvoir la mise en œuvre du « plan école inclusive » dans le département. Mr Wilhelm rappelle à juste titre que l’enjeu de l’inclusion scolaire est « d’adapter nos structures, nos pratiques, nos réponses pédagogiques et éducatives à la diversité des élèves qui nous sont confiés ».
Le premier levier évoqué par l’IA DASEN est celui de « la compensation » : il s’agit de permettre aux élèves bénéficiant d’une reconnaissance d’un handicap et/ou d’un trouble important des apprentissages de profiter d’un accompagnement matériel, principalement informatique, et humain par le biais de la présence à leur côté de personnel AESH. Si beaucoup d’élèves bénéficient effectivement d’un accompagnement, ils sont encore nombreux à en être privés, la faute notamment aux difficultés de recrutement des personnels AESH. Ces personnels embauchés sur des contrats précaires en temps partiel imposé ne peuvent espérer un revenu net supérieur à 800€ par mois et subissent la plupart du temps des conditions de travail déplorables : dépassements de temps de travail non pris en compte et donc non rémunérés, émiettement des missions et des emplois du temps, travail sur plusieurs lieux sans prise en charge des frais de déplacement... Il n’est dès lors pas difficile de comprendre le manque d’attractivité de ces « emplois ». Activer le levier de la compensation par l’accompagnement nécessiterait d’abord de créer un véritable métier dans un corps de la fonction publique et de définir des missions prenant en compte à la fois le temps de présence des AESH aux côtés de leurs élèves et l’indispensable travail « invisible » de préparation, de coordination et de concertation avec les autres acteurs de la communauté éducative. Reconnaître les AESH comme des membres à part entière des équipes éducatives et leur assurer une rémunération décente sur une échelle catégorielle permettrait alors de rendre ce métier attractif.
Le second levier que l’institution entend actionner est celui de la formation des enseignants : une campagne de formation est alors annoncée sur la base d’un premier module de 6h décomposé en une demi journée de 3h en présentiel et 3h de formation en « distanciel » via la plateforme m@gistère.
Ce plan de formation apparaît très ambitieux puisqu’il s’agit de former tous les enseignants du département sur ce premier module. Les services de l’EN se tournent alors vers les enseignants spécialisés détenteurs du CAPPEI (ou anciennement du CAPASH ou CA2SH) pour jouer le rôle des formateurs ou vers des enseignants ayant déjà suivi une formation de bassin ou d’initiative locale. Ces enseignants qui seront propulsés « experts » de l’école inclusive et réputés compétents pour former leurs collègues apprennent par voie de convocation le rôle qu’ils joueront dans cette opération.
En six heures de formation l’ensemble des enseignants sera capable de « développer l’accessibilité des apprentissages à tous les élèves par la connaissance et la maîtrise des fonctions exécutives ».
En indiquant que la réussite de ces formations tiendra principalement à la capacité à mobiliser les enseignants, l’IA DASEN relaie l’idée que l’inclusion scolaire est d’abord une question d’engagement de ses personnels avant d’être une question des moyens qui leurs sont donnés. On voit ici revenir la rengaine de la nécessaire « évolution de la culture professionnelle » qui appelle les enseignants à « sortir de leur zone de confort » pour permettre l’inclusion de tous les élèves. L’approche par la culpabilisation en lien avec l’évolution inéluctable des « demandes de la société » permet de focaliser les enjeux sur la volonté des personnels plutôt que sur l’engagement de l’institution.
Gageons que fort de leur conscience professionnelle et de leur engagement au service de tous leurs élèves et de leurs familles, les enseignants d’Ille-et-Vilaine seront présents et actifs au cours de ces formations dont les contenus ne sauraient être à l’image des formatages subis lors de la mise en place de la triste réforme du collège de 2016. Mais s’il y a un levier que les personnels et les familles attendent de voir activer c’est celui des moyens indispensables qu’il s’agirait de mobiliser en priorité pour alléger les classes, renforcer les équipes éducatives et pluri-professionelles et les services sociaux, ouvrir des places en instituts spécialisés, embaucher des personnels accompagnants dans un vrai métier. Il semble bien que ce levier là soit grippé.