Dans les établissements, les collègues s’informent, discutent des enjeux de la réforme du lycée. L’analyse du SNES nourrit les échanges.
Poser une Heure d’Information Syndicale, c’est prendre le temps de la réflexion collective.
Sollicitez le SNES départemental pour animer ces HIS dans votre établissement !
Par exemple au lycée de Combourg, une quinzaine d’enseignants s’est réunie le 27 mars pour analyser ensemble les réformes que le Ministre tente d’imposer : réforme du Bac, réforme de l’orientation post bac, et réforme de l’organisation des enseignements. Voici quelques réflexions des collègues :
1. Sur l’organisation du nouveau « Bac »
– Le diplôme perd sa valeur nationale (40 % de la note finale provient de l’établissement, dont 30 % de CCF et 10 % de contrôle continu). De fait, ce Bac porterait donc la marque de l’établissement dans lequel la scolarité a été suivie. Cette volonté de détruire la valeur nationale du Bac est cohérente avec l’instauration d’un nouveau système de filtrage pour l’entrée en Fac. Parcoursup est une machine à adapter le nombre d’entrants aux budgets universitaires. Le caractère national des diplômes étant lié à la définition des droits des salariés, la transformation du Bac en diplôme à valeur locale met en danger ces droits.
– Le nombre d’épreuves se multiplie ( 2 CCF en 1re : 1 en fin de second trimestre, 1 en fin de 3e trimestre ; et 1 CCF au début du Second trimestre, en Terminale, à quoi s’ajoutent les épreuves nationales : les 2 épreuves de français en fin de 1re, les spécialités au début du 3e trimestre de Terminale, et pour finir la philo et le grand oral en juin (avec une inquiétude, d’ailleurs, quant au caractère national de ce « grand oral »). Tout cela risque de conduire les élèves à une situation de bachotage alors même que ce fameux bachotage est un argument usuellement utilisé par tous ceux qui prônent la nécessité de réformer le Bac.
2. À propos de l’organisation des enseignements
La suppression des séries, et leur remplacement par un système combinant tronc commun et choix de spécialités amène chaque élève à être le concepteur de son parcours individuel.
– Douze spécialités. Est-il prévu qu’elles existent dans l’ensemble des établissements ? À l’évidence, non. On va donc voir, sur un bassin éducatif, les établissements se spécialiser. Et par conséquent, on verra aussi les élèves opter pour tel ou tel établissement, en fonction de leur parcours individuel.
– Une liberté pour les élèves ? C’est oublier que le point d’aboutissement de chaque parcours individuel, c’est Parcoursup. Et dans la mesure où les formations post bac auront à jauger la valeur des parcours individuels, cette « liberté » ne sera-t-elle pas tout de suite polarisée par le souci d’accéder à telle ou telle formation, telle ou telle école, telle ou telle Fac ?
– Le risque de la spécialisation précoce. On avait jusque là, à travers les séries, une forme de spécialisation préservant une culture générale. Le tronc commun suffirait-il à préserver cette culture générale ?
– Le bassin éducatif indépendant du bassin d’emploi ? Dans une situation où l’orientation post bac motiverait les choix de parcours individuels, et où l’organisation des enseignements serait d’une très grande souplesse – il est même envisagé que les établissements puissent élaborer des spécialités n’existant pas au plan national -, n’est-il pas naïf de croire que l’organisation des enseignements pourrait échapper aux pressions issues de la vie économique ?
– Le rôle de l’école dans cette nouvelle architecture ? Rendre possible l’accès à une vie professionnelle choisie ? Très certainement. Mais n’est-ce pas aussi, et d’abord la transmission des savoirs ? Ou plus généralement, une transmission des éléments de culture formant l’homme et le citoyen ?
3. Le devenir des disciplines
– La séparation du tronc commun et des enseignements de spécialité rompt la continuité et la cohérence dont disposent les enseignants, lorsque le même horaire est délivré au sein d’une même classe.
– Pour au moins une discipline, la philosophie, on constate qu’elle n’apparaît que dans une seule spécialité (Humanité, littérature et philosophie), laquelle ne sera très probablement dispensée que dans très peu d’établissements. L’enseignement de la philosophie n’existera donc, dans l’immense majorité des établissements, qu’au titre du tronc commun (4h, ou 2h pour l’enseignement technologique).
– Deux disciplines apparaissent particulièrement en danger, dans la mesure où elles n’ont pas de place explicite dans le tronc commun (en 1re et en Tle) : SES et SVT. La survie de l’enseignement de ces deux disciplines tiendra donc à leur capacité d’être choisie en spécialité.
– La place des enseignements scientifiques (toutes disciplines confondues), dans le tronc commun (en 1re et en Tle), tient en 2h. Que reste-t-il de l’enseignement des sciences, comme élément d’une culture commune ?
– Alors, quel rapport avec nos élèves cette situation nous prépare-t-elle ?. Il faudra séduire : nos heures, et donc nos postes, en dépendront.
– Et quels rapports entre les enseignants cette situation induirait-elle ? Il existe bien, à ce jour, une certaine concurrence entre les enseignements disciplinaires. Mais cette concurrence est limitée par l’existence des séries, qui se traduit en une répartition relativement stable entre les différents types de classe, d’où il découle des volumes horaires disciplinaires relativement constants. Si cette réforme passe, ce cadre de stabilité disparaît. Et pour les disciplines peu (ou pas) présentes dans le tronc commun, comme pour leurs enseignants, c’est une situation de concurrence directe.
4. Un point particulier sur la fin de l’année, et ses conséquences sur les services des enseignants
– Que deviendraient les élèves de Terminales, ainsi que leurs enseignants, une fois passées, en contrôle dit « terminal », les deux épreuves de spécialités ? Et ce, en sachant que ces deux épreuves seront probablement disposées en avril : il est prévu qu’elles soient passées suffisamment tôt pour que leurs résultats intègrent le dossier Parcoursup. Une fois passées ces épreuves, que restera-t-il donc, dans l’emploi du temps des classes de Tle, sinon les heures prévues pour la préparation du « grand oral », et les 4h de philosophie ?
– Autre chose : si les élèves ont la possibilité de changer de spécialité, dans le passage de la 1re à la Tle, il faudra sans doute organiser des stages de remédiation au 3e trimestre... On voit là poindre le danger d’une annualisation des services des enseignants...
5. Que faire ?
Au final, quelle résistance organiser face à une telle montagne ? Et à quoi bon comprendre comment on va se faire dévorer, s’il s’agit seulement, sans rien pouvoir y faire, de le savoir un peu avant que ça n’arrive ?
Les collègues de Combourg se réjouissent d’avoir pu définir une position commune, pour les conseils de classe du 2d trimestre et émettent le souhait de continuer à avancer collectivement dans et par la discussion.
Quelques idées d’actions :
– refus collectif de postuler à la fonction de Professeur principal. Ce serait une façon de manifester notre désaccord avec la manière dont se joue l’orientation vers le supérieur, mais aussi notre désaccord devant la dérive vers un lycée où la transmission des savoirs cesse d’être le centre de nos soucis, au profit de l’orientation et des calculs utilitaires qu’elle privilégie. Mais un tel refus appelle bien sûr une discussion impliquant l’ensemble des enseignants, et c’est à cette discussion que nous décidons d’appeler.
– Rédiger et diffuser un texte à l’attention des parents Alors que le Ministre communique, il nous appartient d’informer. Nous envisageons donc de rééditer ce que nous avons fait, il y a quelques années, lors de la réforme Hollande des retraites : rédiger une lettre aux parents, et la diffuser aux élèves, à l’heure de la sortie, aux portes de la cité scolaire (lycée et collège, les parents des collégiens étant directement concernés). Mais là encore, il faut avoir une discussion impliquant l’ensemble des enseignants. Et si nous sommes d’accord sur le principe, il faut rédiger une première mouture, et la soumettre à l’ensemble des enseignants, pour approbation ou/et amendement.
– S’inscrire dans un mouvement élargi au département.