Alors que la crise de recrutement dans l’Education Nationale s’installe durablement, le Ministère fait désormais porter la responsabilité des remplacements sur les chef
fes d’établissements. Dans le décret 2024-244 du 19 mars 2024, il ajoute aux missions des chef fes d’établissement « l’organisation de la continuité pédagogique en cas d’absence d’un enseignant » sans préciser s’il s’agit des absences longues ou courtes.Un nouveau guide sur le remplacement de courte durée RCD à l’attention des chef
Il ne concerne pas seulement les collègues qui ont signé un Pacte
Dans la première fiche, les chef fes sont toujours invité es à limiter les absences par tous les moyens dont ils et elles disposent.
Comme l’an passé, il est rappelé :
« Le chef d’établissement dispose d’un pouvoir d’appréciation, et donc de validation, sur la pertinence pédagogique des activités ou des projets mis en œuvre et de leur réalisation dans le cadre général du fonctionnement de l’établissement. »
C’est un appel à réduire drastiquement les sorties, voyages scolaires ou autres projets qui dégraderaient le taux de remplacement, ou à opérer un chantage sur les personnels : pas d’autorisations sans remplacements assurés !
Pour les réunions, le temps de midi, le mercredi après-midi, les fins de journée doivent être favorisés. De même pour les formations d’initiative locale, la recommandation est ainsi formulée :
« une organisation de l’emploi du temps permettant d’assurer la compatibilité entre les jours de formation et les jours de cours doit être systématiquement recherchée. »
Une nouveauté du guide 2024 est une focalisation sur les Autorisations Spéciales d’Absence, les ASA. Une partie du guide est consacrée aux rappels réglementaires sur leur nature « de droit » ou « sur autorisation », avec des rappels sur la motivation des refus « par nécessité de service ». Mais un paragraphe invite les chefs d’établissement à solliciter une « proposition pour maintenir la continuité pédagogique » aux collègues qui déposent une demande d’ASA de droit. Les propositions d’auto-remplacement sont favorisées. Le guide rappelle donc les droits mais incite ensuite à proposer d’y renoncer ! On imagine sans mal comment cela pourra se traduire dans certains établissements par des pressions et de la culpabilisation.
Une absence de droit est une absence de droit : aucun « rattrapage » ne peut être imposé.
La résistance des collègues au Pacte l’an passé et le contexte budgétaire contraint ont conduit le ministère à poursuivre son opération de traque de la moindre « heure perdue ».
Le SNES-FSU a mis solennellement le ministre en garde sur les risques qu’il fait prendre aux élèves de ne plus avoir la possibilité de bénéficier de sorties pédagogiques, de voyages scolaires, de personnels formés tout au long de leur carrière.
Par cette décision irresponsable, le ministère portera la responsabilité d’un nouveau coup porté à l’attractivité de nos métiers et à la professionnalité des personnels.
Mais la vraie urgence est ignorée : tout mettre en œuvre pour recruter des personnels !
Au regard de la brutalité des attaques contre le temps et la charge de travail des personnels, le SNES-FSU appelle les collègues à suspendre toute demande volontaire de formation continue si leurs conditions d’organisation ne sont pas clarifiées (faudra-t-il rattraper les heures ?) et à redoubler de vigilance sur les informations contenues dans les convocations. Les collègues seulement invité
es à des formations hors du temps de service n’ont aucune obligation d’y participer. En cas de doute, contactez la section académique du SNES-FSU qui pourra déposer des préavis de grève.Le chef ou la cheffe d’établissement est décisionnaire. Les éléments qui influeront sur le contenu initial et ultérieur du plan de RCD présenté en CA ne seront pas les conditions de travail des élèves et des personnels, mais les indicateurs chiffrés :
« En cours d’année, le chef d’établissement peut alors apporter des modifications au plan RCD selon l’évolution de la situation et des besoins repérés. »
« Le chef d’établissement veille au suivi régulier des indicateurs (taux d’efficacité du RCD, taux de couverture des absences de courte durée par discipline, par niveau…). Il partage avec la communauté éducative et pédagogique ce suivi dans le but d’ajuster l’organisation retenue et les moyens mobilisés. »
C’est l’action collective et syndicale, à l’échelle de l’établissement, du département, de l’académie et nationale, qui permettra d’empêcher les dérives.
Et le “Choc des savoirs” dans tout ça ?
Le choc des savoirs n’est cité explicitement qu’une fois dans le guide. Sa mise en œuvre qui « conduit à encourager la conception de progressions pédagogiques communes » est présentée comme une opportunité nouvelle qui « permet aux enseignants remplaçants de s’intégrer efficacement au suivi des élèves, en respectant les objectifs et les progressions déjà établis ». Mais cette mise en œuvre se traduit aussi le plus souvent par des « barrettes » : des créneaux communs pour l’enseignement du français et des mathématiques à plusieurs classes d’un même niveau ; et les élèves sont répartis dans des regroupements éventuellement plus nombreux que le nombre de classes initiales. Ces barrettes dans le contexte de la pression accrue pour réduire les absences non remplacées, dont le guide est l’expression, laissent craindre de nombreuses dérives, déjà constatées dans certains établissements. Tentatives de répartir les élèves d’un groupe sur les autres en cas d’absence de l’enseignant
e. Retour en configuration classes, pour le même motif, si elles sont moins nombreuses que les groupes ; ou même pour pouvoir libérer un ou plusieurs enseignant es pour assurer quelques heures de remplacement avec d’autres classes.Si, en dépit de la contestation et du refus exprimés par les équipes dans votre établissement, vous constatez des abus manifestes, contactez-nous.
TZR : soyons vigilants !
Le guide 2024 insiste davantage que le précédent, sur le recours aux TZR rattaché
es administrativement. Il est présenté comme « subsidiaire », par rapport aux autres moyens, mais pouvant être systématisé dans le cadre du plan RCD quand l’agent n’atteint pas son maximum de service.Néanmoins des contraintes s’imposent au chef d’établissement. Les conditions suivantes doivent toutes être remplies et découlent de la combinaison de plusieurs textes réglementaires :
1 – Le ou la TZR doit être disponible (c’est-à-dire qu’il n’atteint pas son maximum hebdomadaire de service).
2 – L’affectation sur ce remplacement de courte durée doit être prononcée par le Recteur : l’arrêté doit préciser l’objet et la durée du remplacement à assurer (article 3 du décret 99-823 du 17 septembre 1999, 2e alinéa, visé et expressément rappelé dans le décret 2023-732 du 8 août 2023).
3 – Le ou la TZR n’intervient que dans sa discipline, conformément aux termes de l’article 4-II du décret 2014-940 du 20 août 2014, qui dispose que pour assurer un enseignement dans une autre discipline, il faut donner son accord.
4 – Le RCD ne peut être effectué dans l’établissement de rattachement dès lors que le TZR est affecté en suppléance dans un autre établissement.
Les textes cités ci-dessus pourront servir d’appui à toute intervention syndicale auprès de l’administration. Les TZR n’ont pas à prendre des élèves en charge avant d’avoir reçu l’arrêté rectoral.
Le sujet du RCD met à mal toute la profession. Un article du SNES-FSU décrypte avec davantage de précisions les enjeux intrinsèquement liés.
En brouillant ce qu’est « une heure de cours remplacée », on en arrive à brouiller ce qu’est « l’enseignement », une dévalorisation insupportable de nos métiers à laquelle il faut résister !