Cela fait des dizaines d’années que la communauté scientifique informe et alerte les autorités quant aux questions écologiques. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988... Pourtant les engagements ne sont toujours pas à la hauteur alors que la crise climatique est de plus en plus grave. Macron, qui invente des « Conseil Scientifique » ou « Conseil présidentiel de la science » ne lance ces initiatives que pour donner l’impression à la population qu’il écoute les experts. En réalité, que ce soit à l’Assemblée, au Sénat ou dans d’autres instances politiques, l’avis des scientifiques est ignoré.

Mais un cap vient d’être franchi : la politique va jusqu’à censurer la science. Au niveau européen, de nombreux débats existent sur les nouvelles techniques génomiques, souvent appelées nouveaux OGM : la science est requise pour donner une vision objective des avantages et des risques associés à ces techniques, vantées par les lobbys agro-industriels. Or un rapport de l’Anses, qui est pourtant une agence gouvernementale indépendante, a été bloqué.

Une telle censure doit nécessairement poser question au sein de la communauté éducative dont nous faisons partie. Comment les citoyens pourraient-ils avoir un avis éclairé et critique sur ces sujets de société ? Nous qui transmettons la connaissance à ces futurs citoyens devons nous indigner quand celle-ci est cachée au public.

Auparavant déjà, les scientifiques constataient qu’ils n’étaient pas écoutés par les autorités politiques. Ils sont alors progressivement sortis de leur posture d’« experts neutres ». Les chercheurs et chercheuses du GIEC, comme Yamina Saeb, Jean Jouzel, Valérie Masson-Delmotte ou Christophe Cassou, interviennent de plus en plus souvent médiatiquement pour alerter les populations et dénoncer l’inaction des autorités politiques. Iels et d’autres scientifiques communiquent de plus en plus directement avec les organisations écologistes en lutte, via des conférences, voire en apportant leur soutien symbolique : lors de la grève de la faim de Thomas Brail contre le chantier de l’autoroute A69, Valérie Masson-Delmotte est montée dans l’arbre qu’il occupait.

La rupture des chercheurs avec les politiques est devenue forte au point que certains chercheurs se sont organisés en « Scientifiques en Rébellion » et sont devenus des militants optant pour des actions de désobéissance civile, telles que le blocage de l’AG de Total le 26 mai.

Un tel affrontement entre politiques et scientifiques, les uns censeurs et les autres désobéissants, met nécessairement les professeurs dans une situation complexe. Comme les chercheurs, nous sommes fonctionnaires et aimons la connaissance. Comment nous positionner ?