Au moment où le monde prend enfin conscience de la gravité de la situation à Gaza, les crimes de guerre qui s’accumulent avec un risque génocidaire avéré, c’est ce moment que choisissent le recteur de l’académie de Dijon et la ministre de l’Education nationale pour sanctionner une collègue pour défaut de neutralité face à ses élèves après avoir autorisé une minute de silence dans sa classe en mémoire des victimes civiles de Gaza. Cette sanction (deux mois de suspension et un blâme) est humiliante et inadmissible et s’appuie sur un argument spécieux, la rupture du devoir de neutralité des fonctionnaires.
Pour autant est-ce neutre de taire les faits tragiques qui traversent l’actualité ? Est-ce neutre d’accepter sans critique la politique guerrière menée par un Etat contre un peuple désarmé ?
La neutralité est-ce simplement d’avaliser la politique de notre gouvernement, approuver (à juste titre) le soutien à l’Ukraine envahie, mais aussi en contradiction, relayer le soutien à Israël dans sa conquête de nature coloniale de la Palestine entière ?
Enseigner à nos élèves l’esprit critique pour avoir un regard informé et acéré sur le monde et sa géopolitique mais aussi le sens de la dignité humaine et de la solidarité, c’est un de nos objectifs essentiels. Condamner un.e enseignant.e pour son souci de respect des droits humains est une tartuferie.
Notre ministre, Mme Borne nous dit qu’il est licite de parler du conflit devant sa classe et l’expliciter, donc mettre en évidence la dénégation du droit international par Israël, mais il est blâmable d’autoriser une minute de silence. Cela serait une prise de position politique. Depuis quand, s’apitoyer sur un désastre humanitaire serait coupable quand se taire face au crime serait une neutralité de bon aloi ? Au lieu d’y voir une complicité coupable.
L’affaire pose donc un double problème :
- – Est-ce condamnable pour un enseignant de permettre à ses élèves d’exprimer leur compassion face à une tragédie, est-ce une prise de parti politique ? Cela aurait été aussi le cas dans des situations semblables pour les génocides au Cambodge, au Rwanda, dans la guerre en Ukraine, au Soudan... Aurait-on alors sanctionné ? Ce qui est politique ici, c’est la sanction.
- – La neutralité des fonctionnaires tient-elle face à l’indicible, au crime de guerre et au crime contre l’humanité lorsqu’ils sont établis par des instances judiciaires internationales et documentés par de nombreuses instances onusiennes et humanitaires ?
En réalité le gouvernement comme ses prédécesseurs depuis quelques années mène une gestion autoritaire des personnels, ne supporte plus la contestation et la critique de ses décisions, cherche à mettre au pas notamment les enseignant.e.s à tous les niveaux. Nous ne devons pas accepter les atteintes à notre liberté pédagogique, à notre liberté de résister aux consignes abusives et à notre devoir d’enseigner les valeurs d’égalité et de solidarité.