Une trentaine de collègues de collèges et lycées, enseignant en allemand, anglais, espagnol, italien, breton ont abordé lors du stage “Langues Vivantes” du Snes, le 24 novembre à Rennes, deux thèmes principaux : la carte des langues et le plan langues vivantes. Leurs analyses ont alimenté notamment les débats du Conseil Académique des Langues Vivantes (CALV) qui s’est réuni le vendredi 10 février.
Sommes-nous mauvais en langues ?
Lors des réunions sur la réforme des langues qui se sont tenues dans chaque bassin et dans les notes émanant de l’inspection pédagogique régionale, il est affirmé pour justifier le plan LV que les performances en langues sont moins bonnes en France que dans les autres pays européens. Pourtant la conclusion de cette étude [1] fait ressortir des interrogations très intéressantes sur les causes de ces résultats inférieurs en France aux tests en anglais au collège : nombre de cours (432 en France /460 à 480 dans les autres pays), statut social de la langue (présence très importante de l’anglais dans les pays du nord de l’Europe), nombre d’années d’apprentissage de l’anglais à l’école primaire, formation des enseignants, ...
Au lycée, la réforme a entraîné une perte horaire importante et il est donc logique qu’en dépit des efforts des enseignants, les performances des élèves ne soient plus les mêmes.
Quels changements ?
Les nouveaux programmes de collège [2] qui vont être appliqués à la rentrée 2006, ont été construits en fonction du Cadre Européen Commun de Référence (CECR). Qu’il faille mettre l’accent sur les compétences orales, pourquoi pas ? Mais pourquoi cette hâte à tout réformer alors que des outils indispensables ne sont pas encore créés pour adapter le CECR aux objectifs de l’enseignement des LV à l’école ? M. Goullier, lui-même, Inspecteur Général de l’Education Nationale, représentant national auprès de la division des politiques linguistiques du conseil de l’Europe reconnaît les manques du CECR : la spécification langue par langue des compétences linguistiques (sauf en allemand) et la précision des compétences culturelles. Les nouvelles épreuves de LV au bac STG [3] comporteront une évaluation de la compréhension et de l’expression orale tant en LV1 qu’en LV2, mais en CCF (Contrôle en Cours de Formation), ce qui est inadmissible.
Quelle formation ? Quelle évaluation des enseignants ?
Il va sans dire que l’application du CECR ne peut être exigée des collègues si ceux-ci n’ont pas été formés (pas seulement informés) aux seuils et aux compétences correspondantes. De plus, le matériel nécessaire recommandé par l’inspection (mp3, ordinateur, ...) doit être mis à la disposition de tous les collègues en n’oubliant pas les problèmes de maintenance. Ceci est loin d’être le cas. L’institution ne peut pas faire reposer entièrement sur les enseignants cette réforme en leur demandant par exemple de télécharger les supports d’enseignement ou d’évaluation.
CECR et groupes de compétences
Le décret d’août 2005 impose le CECR, pas les groupes de compétences. M. Goullier, pourtant ardent défenseur du CECR et du Portfolio écrit [4] : « l’intérêt d’une exploitation par un enseignant des ressources du CECR et du PEL (Portfolio Européenne des Langues) est effectif quelles que soient les conditions d’enseignement et d’apprentissage ». Alors, pourquoi des pressions sont-elles exercées dans les bassins pour que ces groupes de compétence si dangereux à terme soient mis en place ? Nous refusons l’explosion de la classe, la recréation de groupes de niveau et ses conséquences, l’évaluation permanente, le Contrôle en cours de formation (CCF) et les certifications, sources d’inégalités. Il est clair que les groupes de compétences faciliteraient la mise en place d’un enseignement à deux vitesses. Ce danger existe, comme le montre le texte soumis au Haut Conseil de l’Ecole [5]. Aux élèves faibles le socle commun et un objectif plancher : A2 ; aux plus forts des compétences plus ambitieuses (B1) et des savoirs permettant une poursuite de la scolarité au lycée.
Refusons les groupes de compétences comme la loi nous y autorise [6] et le socle commun. Exigeons une formation (au CECR, à l’évaluation ...) mais aussi rappelons nos demandes d’un horaire d’exposition minimum à la langue (3h par semaine) et des effectifs permettant de travailler l’oral (pas seulement en terminales de série générale). Nous ne sommes pas des magiciens !
Thérèse Jamet-Madec