Citoyens, bonjour,

Je vous écris peut-être mon dernier message.

Je commence par vous rappeler deux citations de l’OCDE que vous n’avez peut-être pas bien lues, et qui nous touchent de près :

« (Les pouvoirs publics doivent uniquement) assurer l’accès à l’apprentissage de ceux qui ne constitueront jamais un marché rentable et dont l’exclusion de la société en général s’accentuera à mesure que d’autres continueront à progresser. » OCDE

« Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles et aux universités [...]. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population. » OCDE 1996

Ces deux citations me révulsent. En effet, je ne saurais adhérer à un projet de société (celui des néolibéraux) dont les promoteurs affirment avec un tel cynisme qu’il ne s’adresse pas à tous les humains, mais seulement à des élus, les autres étant délibérément voués à l’exclusion. Je ne saurais supporter le déni de démocratie qu’exprime la seconde. À elles deux, elles suffisent presque à justifier mon engagement d’aujourd’hui contre les trois projets iniques du gouvernement. Car en effet, ces trois projets s’inscrivent dans la stratégie mondiale des néolibéraux visant à étendre leur emprise sur tout ce qui reste de nos démocraties.

La première citation me fait ressentir avec écoeurement le totalitarisme abject du projet néolibéral, prêt à broyer les pauvres, les faibles et tous les démunis. La vieille europe ne peut que vomir ce projet de société, né dans un pays où le racisme anti pauvre n’est que l’élargissement d’une longue tradition de racisme anti noir, anti tout ce qui n’est pas anglo saxon de souche.

Je dis que la bête est ressortie de l’ombre, car, si l’on n’exécute pas encore les inadaptés, on les marginalise, et, de plus en plus, on les emprisonne. C’est du moins ce qu’on en fait aux États-Unis. Si vous croyez encore que la police de M. Sarkozy, les prisons (privées) de M. Perben sont destinées à lutter contre la délinquance, vous n’allez maintenant plus tarder à constater qu’elles sont en fait destinées aux pauvres, aux syndicalistes et aux opposants de tous poils.

La seconde citation exprime tout le machiavélisme des penseurs salariés du néolibéralisme, qui expliquent à nos gouvernements comment agir contre leurs peuples, au mépris de toutes les règles de fonctionnement d’un société démocratique.

Aujourd’hui, une droite revancharde, extrémiste et stupide entend profiter d’un accident électoral pour mener une contre révolution dont il n’existe pas d’exemple dans l’histoire.

Tout fout le camp, mon frère. Tout fout le camp, ma soeur. Et toi, tu nous regardes faire, tu comptes les points en spectateur. Tu continues le train train habituel : le métro, le boulot, les vacances bientôt.

N’as-tu jamais pris conscience du privilège qu’il y a, encore aujourd’hui, à vivre dans ce pays. Réfléchis bien, serais-tu prêt à émigrer ? Existe-t-il ailleurs un tel havre de paix, de liberté et de bien-être partagé ? Où, dans ce monde de misère, peut-on comme ici vivre en paix, manger à sa faim, aller chez le médecin, quand on est malade ou blessé, sans se demander si on pourra payer, aller à l’école, au collège, à l’université même, presque gratuitement, prendre le bus ou le train, se chauffer, allumer l’électricité, comme si c’était naturel ?

As-tu bien conscience que c’est tout cet univers, celui que nous comptions laisser à nos enfants, qui s’apprête à basculer ? Derrière les retraites, il y la sécu, l’éducation plus nationale, mise en concurrence, privatisée elle aussi, l’EDF enronisées, et tous les services publics laminés. La voulez-vous tant que cela, cette société à l’américaine qu’on est en train de nous fabriquer ?

J’ai lu dans des traités de psychologie que la victime est toujours un peu complice de son bourreau. J’ai lu dans les livres d’histoire que les peuples, malgré toutes leurs souffrances, ont souvent mérité leurs dictateurs par une forme ou une autre de complicité. Si dans ce qui te reste encore de confort, tu appelles secrètement au fond de toi même un pouvoir fort, pour mater tous ces gueux qui t’empêchent de digérer, nous n’avons plus grand chose à nous dire. Il te suffit de ne rien faire, tu seras satisfait, et bien au delà de tes espérances, car je te le répète, la bête est de retour, je la sens, je la flaire autour de moi, jusque dans l’aigre senteur de sueur apeurée qui me vient de ton cou.

Alors, soyons clair, mon frère (ou ma soeur). Si tu restes assis sur ta chaise, cesse de dire que tu es avec nous. Si, parce que tu n’es pas là, on nous met à genoux, on nous fait baisser la tête, c’est que tu es contre nous. Il faut choisir clairement ton camp, et Rafffarin compte, non sans raison, dans le sien tous ceux qui ne font rien.

Alors, es-tu avec ou contre moi ?

Me lâcheras-tu parce qu’il pleut le jour de la manifestation, ou parce que tu préfères, comme moi, continuer le travail entrepris, une journée de congé, un repas avec des amis ?
Quelle futilité m’opposeras-tu quand tout notre univers bascule ? Serons-nous, toi et moi les dignes citoyens d’une grande démocratie ?

Redresse-toi, mon frère, pour notre liberté !

Cesse de pédaler le nez dans le guidon, regarde droit devant l’épreuve qui nous arrive.

C’est l’heure d’être un homme, c’est l’heure d’être une femme !

Nous sommes 3 000 environ dans cette université, nous devrions être 3 000 voix ensemble à crier notre révolte !

Jean-Pierre Liévin, Syndiqué au ******
(unité syndicale CGT, FSU, SGEN, SUD, UNSA, UNEF),
Université de Lille 1dans l’action