Monsieur le Recteur, Mesdames, Messieurs,
Nous voilà donc arrivés à un tournant historique du paritarisme puisque cette CAPA est la toute dernière qui examinera les promotions des collègues certifié-es de l’Académie. C’est la fin d’un processus démocratique engagé par le Conseil National de la Résistance, prolongé et confirmé par la Loi Le Pors de 1983 avec une exigence d’équité et de droits opposables pour chaque agent de la Fonction publique au sein des instances paritaires.
Alors que les concitoyens revendiquent de plus en en plus fort transparence et égalité dans toutes les décisions de l’État, il est paradoxal de constater que ces mêmes principes sont aujourd’hui anéantis dans la gestion des carrières des personnels. Des personnels exposés plus que jamais à l’arbitraire administratif voire politique. Des personnels dont les carrières échapperont désormais à tout contrôle et toute protection. Des personnels bientôt à la merci d’un avis hiérarchique dissimulé et non opposable pouvant bloquer une carrière. Si les risques de lobbying voire de corruption ont été jusqu’ici écartés dans la Fonction publique, comment prémunir désormais les agents de toute pression sur le déroulement de leur carrière dans le seul but de satisfaire des intérêts particuliers contre l’intérêt général ?
La loi de Transformation de la Fonction publique ne poursuit pas en effet comme seul objectif de réduire l’influence des syndicats de la Fonction publique, et en particulier celle des organisations majoritaires à l’Éducation nationale. Pour nos métiers, cette loi fragilise l’action indépendante et experte des enseignants dans la classe en remettant le déroulement de leur carrière dans les seuls mains de l’administration. Qui désormais peut garantir qu’exprimer sur son lieu de travail un désaccord, participer à un engagement militant, représenter ses collègues en conseil d’administration, revendiquer haut et fort des moyens pour améliorer les conditions d’étude des élèves ou résister à une injonction contraire à l’intérêt des élèves, ne va pas entraver une possibilité de mutation ou de promotion ?
C’est précisément la liberté pédagogique des enseignants qui est exposée au travers de cette loi, le libre arbitre professionnel qui est encadré, tout ce qui fonde en somme nos capacités professionnelles d’adaptation et d’intervention pour répondre aux exigences du travail de classe et aux circonstances toujours nouvelles auxquelles nous pouvons être confrontés.
En outre, neutraliser le rôle des élu-es du personnel c’est éloigner un peu plus les personnels de leur administration alors que l’exercice de nos métiers est si complexe et impose à chaque instant de déplier par le dialogue le multi-feuilles de nos compétences acquises et réinventées en permanence pour s’adapter aux besoins des élèves. Sans cette prise en compte des pratiques réelles portées par les élus du personnel dans toutes les instances où ils contribuent au dialogue social, le pilotage académique s’en trouvera-t-il amélioré ou au contraire sera-t-il renforcé dans sa verticalité impulsée par le ministère ?
Sur des enjeux plus catégoriels, comme les promotions à l’ordre du jour de cette CAPA, les élu-es du SNES n’ont cessé de travailler depuis des années pour réduire les déséquilibres entre disciplines, entre les types d’établissement et pour faire respecter la part relative des femmes dans les résultats. Cette prise de conscience dans l’académie a transformé lentement les pratiques d’évaluation puis de promotions avant que PPCR ne les valide définitivement. Mais c’est ainsi que nous avons toujours conçu notre travail d’élu-es : vérifier la régularité des décisions individuelles tout en défendant sur des bases chiffrées et documentées des améliorations profitables à toute la profession. Dorénavant les seuls leviers de progrès collectifs sur les cohortes seront portés par les notateurs et l’administration, laissant une libre part à la conviction intime de chacun qui ne sera débattue de manière contradictoire nulle part avant les arbitrages définitifs.
Par exemple, le projet d’avancement à la classe exceptionnelle propose aujourd’hui 15 collègues né-es après 1963. Dans le respect de la note de service qui précise aux recteurs « Vous veillerez ainsi, dans l’établissement des tableaux d’avancement, à préserver des possibilités de promotions à l’issue de cette montée en charge », nous demandons de réexaminer dans les disciplines concernées les situations des collègues à proximité de la retraite né-es au plus tard en 1960 pour veiller à la rotation des promotions puisque cette année a pris fin la montée en charge du taux d’accès. Ainsi alors que nous avions en 2019, 70 promotions possibles, seules 47 sont offertes cette année. Le vivier 1 avec son accès fonctionnel reste inopérant et inadapté à la réalité de nos métiers puisqu’avec 187 possibilités, les 49 candidats sont tous promus ! 138 promotions sont donc une nouvelle fois encore perdues sur le vivier 1 cette année. Élargir les critères de recevabilité aux collègues ayant exercé comme TA, TR ou TZR, ou ayant assuré des compléments de service par exemple ouvriraient à plus de candidatures. Il faut surtout modifier la clef statutaire de répartition des promotions entre les deux voies de promotion (le ratio 80 / 20 %). L’idéal serait de l’abolir, au vu de la réalité numérique des deux viviers. Une première étape avec une clef statutaire de 33 % (voie 1) / 66 % (voie 2) devrait permettre de rééquilibrer relativement l’ensemble des promotions.
Sur les promotions à l’échelon spécial ouvrant aux certifié-es Classe Exceptionnelle les échelons Lettre A jusqu’au dernier indice de la Hors-classe des agrégé-es, le SNES revendique l’abolition de ce verrou injuste qui n’existe pas dans le corps de agrégé-es. Dans l’immédiat, nous demandons que l’ancienneté soit le seul critère de départage entre les collègues, ce qui est cohérent avec la note de service à l’attention des recteurs : « Afin de fluidifier l’accès à cet échelon et de préserver des possibilités de promotion lors des prochaines campagnes, une attention particulière sera portée à ceux d’entre eux qui sont les plus expérimentés. » Il s’agit bien là aussi d’une incitation explicite à préserver pour les prochaines années des capacités de promotion là aussi par rotation des promus. Sur les 47 propositions pour 166 candidats, 14 collègues proposé-es sont né-es après 1963. Nous demandons que soient réexaminés les dossiers des collègues à proximité de la retraite né-es au plus tard en 1960.
Enfin s’agissant de l’accès à la hors-classe, et pour veiller à l’engagement du ministère d’un déroulement de carrière sur au moins deux grades, nous demandons le réexamen de 30 collègues proches de la retraite (8 au 11e échelon et 22 au 10e échelon) qui ne sont toujours pas proposés dans le projet des 387 promotions. Le SNES se félicite du nouveau barème national appliqué avec PPCR qui permet progressivement d’assécher le 11e échelon par un accès accéléré à la Hors-classe pour une majorité de collègues : 102 collègues au 11e échelon ne sont pas promus dans le projet (ils étaient 154 l’an dernier) et près des trois quarts ont moins d’un an dans cet échelon et seront promus à très court terme.
A tous nos collègues qui peu à peu découvrent avec stupeur la fin du paritarisme, une expérience bien mal vécue pour beaucoup avec les mutations Intra, nous réaffirmons notre attachement à la défense des intérêts de nos professions, à la défense de l’école publique et de la démocratie sociale. Nous mettrons tout en œuvre pour accompagner nos collègues dans ce nouveau contexte. Nous sommes déterminé-es à regagner le moment venu les droits historiques des fonctionnaires que ce gouvernement a détruits.