Déclaration préalable de la FSU au CAELVE

Déclaration lue par la FSU à la commission académique sur l’enseignement des langues vivantes du 9 janvier 2025

Le compte rendu de la commission du 9 janvier

Monsieur le Secrétaire Général adjoint,
Mesdames, Messieurs les membres de la commission,

En tant que représentantes de la FSU à la CAELVE, nous n’avons pas ces dernières années fait de déclaration préalable. Cette année nous en avons éprouvé le besoin.
Cette CAELVE se tient dans un contexte particulier. Le budget n’a pas été voté, les créations et les suppressions de postes prévues sont en suspens, les CA sur la DGH avec notamment les créations et suppressions de postes ne peuvent se préparer sereinement car les moyens ne sont ni confirmés ni infirmés.

La FSU ne peut commencer cette CAELVE sans dénoncer vivement le « Choc des Savoirs » initié par M. Attal lors de son bref passage au Ministère de l’Education Nationale et désormais porté par Mme Borne, nouvelle ministre. Nous réaffirmons que nous refusons de trier nos élèves en premier lieu afin d’éviter le risque de stigmatisation de la difficulté scolaire souvent liée à la fragilité sociale mais aussi par connaissance de la réalité de terrain et des difficultés générées, notamment l’impact des groupes en Sixième et Cinquième, sur les emplois du temps des élèves.
En langues vivantes, de nouveaux programmes vont devoir entrer en application dès la rentrée 2025 pour tous les niveaux, soit un an plus tôt que dans d’autres disciplines en cycle 4. Le souvenir douloureux du Collège 2016 et du lycée Blanquer et du surcroît de travail généré, augure de nouveau des années épuisantes pour les professeur-es. Ces nouveaux programmes, tant ils semblent contraints, laissent aussi présager une baisse drastique de notre liberté pédagogique.

Nous nous inquiétons vivement également des annonces relatives à l’arrivée de l’IA dans l’enseignement des langues vivantes, du primaire jusqu’au lycée et alors même que la société toute entière s’inquiète de l’impact des écrans sur nos enfants.

Alors même que l’EN peine à recruter, les conditions d’enseignement vont donc encore se dégrader, comme ce fut le cas lors des précédentes réformes. Les langues ne font pas exception et la situation de l’allemand interpelle : peu de places offertes au concours et peu de reçu-es. Au CAPES externe d’allemand, là où 165 postes étaient proposés en 2024, 101 ont été mis au concours cette année soit 64 de moins, donc une baisse de 39%.
Par conséquent, il y aura encore des postes non pourvus ou plus souvent des postes sur plusieurs établissements (jusqu’à 3) ce qui complique fortement l’exercice du métier pour les collègues. Dans certaines langues, étant donné le faible effectif d’élèves, on ne peut qu’imaginer des regroupements d’élèves bilangues - non bilangues par exemple. Malgré une politique volontariste, les chiffres concernant l’allemand sont très inquiétants.

Le détail de la carte des langues dans notre académie montre, cette année plus encore, un déséquilibre important entre les projets de fermetures et d’ouvertures de groupes de langue dans les établissements publics et les établissements privé, à l’avantage de ces derniers.
Dans les collèges publics de l’académie, ce sont 12 projets de fermetures qui sont envisagés dans le public mais aucune fermeture n’est envisagée dans les collèges privés.
En ce qui concerne les lycées, là encore les 5 fermetures prévues concernent des établissements publics. Aucune fermeture n’est envisagée dans les lycées privés.
Comment expliquer une telle disparité qui donne l’impression que les établissements privés sont favorisés ? 17 fermetures dans les établissements publics contre... 0 dans le privé ! Cela pose question et nous demandons une révision de ces fermetures qui mettraient à mal le principe d’égalité sur le territoire.

Au CAEN, il a été question de l’équilibre entre les ouvertures et les fermetures lors de l’étude de la carte des formations, avec un arbitrage de 60% d’ouvertures dans le public et 40% dans le privé. Sur la carte académiques des langues étrangères pour la rentrée 2025, 100% des fermetures auraient lieu dans les établissements publics.

En collège, cela peut-il s’expliquer en partie par la réforme des groupes de besoin en français et en mathématiques ? Les établissements publics n’ont eu d’autre choix que de les mettre en place d’une manière ou d’une autre, en fermant parfois des groupes de langue pour pouvoir récupérer les moyens nécessaires à la mise en place de ces groupes de besoins. Dans le même temps, des établissements privés déclaraient qu’ils ne mettraient pas en place ces groupes, pourtant obligatoires pour tous les établissements, gardant ainsi les moyens nécessaires au maintien des différentes langues enseignées, voire à la création de nouveaux groupes de langue. La communication sur les projets auxquels les établissements privés ont pris part est mise en avant dans le diaporama de préparation de la CAELVE, lorsque sur 4 photos de collèges récompensés à un concours, 3 sont des établissements privés.

Comment expliquer que toutes les fermetures ont lieu dans des établissements publics, que ce soit des collèges ou des lycées ? Est-ce dû à des effectifs insuffisants ? Les effectifs nécessaires pour maintenir une langue sont-ils les mêmes dans les deux réseaux ? Peut-être aurez-vous des éléments d’explication que nous n’avons pas, pour expliquer cette disparité criante cette année.

Les fermetures touchent principalement l’allemand et les langues dites rares (ou devenues rares) : Russe, Chinois, Portugais, ou encore Turc. En contrepartie, notamment en lycée, les collègues d’espagnol et d’anglais ne peuvent que constater l’augmentation du nombre d’élèves dans leurs groupes. Les ouvertures sont uniquement sur des LVB-2 ou en LCE au collège, ce qui n’allège pas les groupes de LVA-1.

Concernant l’état des lieux de l’apprentissage des LVE, à l’heure où les tests de positionnement type Ev@lang et autres attestations deviennent des indicateurs qui jouent un rôle de plus en plus déterminant dans les choix de politique éducative, il nous paraît indispensable de rappeler que l’enseignement des langues suppose des effectifs raisonnables (une vingtaine d’élèves) ainsi qu’une exposition régulière (minimum 3 heures hebdomadaires, voire 4). L’objectif affiché de 80% d’élèves de 3e atteignant le niveau A2 en anglais en 2025 est une dérive qui ouvre la porte au « teach to test » que nous n’avons de cesse de dénoncer : l’indicateur devient l’objectif, mais on ne s’interroge pas sur la pertinence de l’outil de mesure. Ev@lang n’est jamais qu’un test formaté bien éloigné de notre réalité quotidienne d’enseignant-es. Nous en demandons donc la suppression.

Au lycée, la logique inégalitaire des certifications se poursuit, réservées aux élèves de section européenne ou internationale, laissant les autres élèves avec leur seule attestation de langue... Nous persistons à dénoncer cette logique inégalitaire ainsi que le recours à des partenaires privés et payants. De plus, les collègues de langue en lycée doivent se plier à une formation pas forcément souhaitée, et organiser les épreuves et leur correction (qui sont assez lourdes) sans rémunération ni parfois temps de décharge. Nous demandons donc la suppression de ce système de certification.

Notre inquiétude quant à l’avenir de notre système scolaire est grande, et les dernières réformes en cours ne sont pas faites pour nous rassurer. Outre le choc des savoirs, les annonces de réforme du concours et surtout le recours croissant à des contractuel-les non formé-es ne peut que nous interroger. Un enseignement de langues de qualité, c’est avant tout des moyens en volume horaire, en professeur-es qualifié-es et mieux rémunéré-es, en offre de langues, et des conditions de travail correctes en particulier au niveau des effectifs.
C’est également une volonté politique qui s’appuie sur une réflexion approfondie sur notre posture relative aux langues étrangères à l’échelle de la société. Quand on constate qu’il n’existe pas une seule interview télévisée d’un anglophone qui ne soit traduite en voice over en dehors de la télévision numérique, pas un seul programme, seules les chaînes TNT sont disponibles en VO, les langues étrangères n’ont pas droit de cité dans nos médias grand public. Quand les discours prônant le rejet de l’émigré, donc de l’étranger se font de plus en plus audibles médiatiquement et politiquement, comment alors s’étonner du peu de cas que certain-es élèves font des langues étrangères, dont la maîtrise tend à devenir un marqueur social, un de plus.