26 mars 2018

Actualité académique

Discours d’accueil au congrès national du SNES-FSU à Rennes

Discours d'accueil au congrès national du SNES-FSU à Rennes

Cher-es ami-es, cher-es camarades,
C’est avec un immense plaisir, et un zeste de fierté tout de même, que les militantes et les militants du SNES Bretagne vous accueillent pour le congrès national du SNES à Rennes ! J’ai une pensée toute particulière pour nos camarades de Montpellier qui s’étaient préparés à organiser cet événement mais ce n’est que partie remise !

Cal qréïre qué tou cé jogaa en Brétaagno puèï qué Ben dé nouse arribaa la rectriss dé Mounpéyé
Cal creire que tot se jòga en Bretanha puèi que ven de nos arribar la rectritz de Montpelhièr
Il faut croire que tout se joue avec la Bretagne puisque même la rectrice de Montpellier est arrivée ici il y a peu.

Bon, vous pourrez dire que vous avez entendu parler occitan à Rennes, ce qui n’est pas banal vous en conviendrez, mais vous connaissez l’attachement de notre S3 aux langues régionales. Le français est la langue officielle de la République, c’est notre langue commune sans que pour autant les langues de France n’aient à perdre de leur valeur. L’identité de chacun est faite d’appartenances à « étages feuilletés » qu’il faut savoir hiérarchiser selon les circonstances écrit Mona Ozouf. 

Vous l’avez constaté en arrivant jusqu’ici, Rennes est en chantier : la gare pour s’adapter à la LGV et le métro augmenté d’une seconde ligne prévue pour 2020, 18 ans après la première. Le centre des congrès installé dans l’ancien convent des Jacobins vient quant à lui d’être inauguré en janvier dernier et le premier congrès qui investit l’ensemble de la structure sur toute une semaine, eh bien c’est le nôtre.
Ce nouvel équipement de la capitale bretonne ouvre donc ses portes avec le congrès d’une organisation syndicale, qui plus est de l’enseignement public, un événement dans une académie où le réseau privé confessionnel catholique abuse de la concurrence pour gagner des parts de marché. Le SNES entre donc le premier au couvent, cela tient de l’exploit, certains diront du paradoxe ! Bien évidemment, cette réappropriation des lieux, désormais espaces publics, préfigure sans nul doute l’unification du système éducatif dans un service public laïque comme nous le revendiquons !

Mais avant de réaliser ce mandat historique pour le SNES-FSU, nous nous contenterons aujourd’hui d’investir un lieu historique ! Fondé au 14e siècle, ce couvent des Jacobins a été un centre d’études, un lieu de pèlerinage et une nécropole des notables rennais, son attrait ayant été renforcé par une image de la Vierge réputée pour avoir été à l’origine de miracles.
Une tradition, très contestée aujourd’hui, affirmait qu’en ces lieux auraient été célébrées en 1491 les fiançailles de la jeune duchesse Anne de Bretagne – elle n’avait alors que 14 ans – et de Charles 8, roi de France, bientôt duc de Bretagne une fois l’union confirmée par mariage. À la Révolution, le couvent est saisi et vendu comme bien national.
L’armée en fera un entrepôt puis, jusqu’à ces dernières années, le siège d’associations sportives. Préservés de la démolition, les bâtiments n’en étaient pas moins considérablement dégradés et n’intéressaient plus grand monde. La rénovation exemplaire qui a permis de réhabiliter l’édifice a été particulièrement spectaculaire, la partie médiévale s’est par exemple retrouvée suspendue sur des piliers à plus de 15 mètres au dessus du sol après une excavation complète et 80.000 m3 de déblais.
Cette prouesse technologique et architecturale que nous admirons aujourd’hui a été permise par le financement public. C’est pourquoi le SNES et la FSU portent avec d’autres forces associatives, militantes ou politiques la demande que les espaces du centre des congrès de Rennes Métropole restent accessibles à toutes les organisations locales à but non lucratif avec des gratuités et des tarifs soutenables.

Je ne voudrais pas laisser penser que lorsque le SNES tient ses congrès en Bretagne, cela devient un événement ! Pourtant, lorsque Rennes a été confirmé pour cette nouvelle organisation, les souvenirs du congrès national de St Malo en 1991 ont resurgi chez de nombreux militants : les huîtres et la vue sur mer depuis la salle de la plénière du palais du grand large revenaient dans les mémoires. Une militante participait à son premier congrès, je vous laisse la découvrir sur les panneaux que l’IRHSES a eu la bonne idée de concevoir.

Car le congrès national de 1991 a été pour le coup historique, il fut le dernier pour le SNES avant d’être exclu de la FEN. Les débats de St Malo furent à l’époque très suivis par les médias nationaux, le SNES ne cachant plus son opposition à la direction de la FEN et à ses projets de corps unique de la maternelle à la terminale couplés à l’unification des syndicats. Monique Vualliat clôturait le congrès par l’annonce d’une consultation des syndiqués du SNES et avec la proposition d’une longue marche pour l’éducation qui convergerait vers Paris l’automne suivant.
En Bretagne, l’exclusion de la FEN qui suivit en mai 1992 fut mal vécue car les militants bretons avaient appelé, pour améliorer et préserver l’outil syndical, à s’inspirer du modèle de la FEN-Bretagne. Le travail commun avec tous les syndicats était en effet une réalité depuis les années 70 où les sections départementales de la FEN, celles du SNI-PEGC et le SNES Bretagne étaient dirigées par des militants Unité et Action, une originalité dans le contexte de l’époque.

Car en Bretagne, la nécessité d’unir les forces était déjà impérative pour défendre le service public et la formation sous statut scolaire, dans toutes les filières y compris agricoles et maritimes. Cette capacité à agir ensemble au sein de la FEN puis de la FSU-Bretagne pour le développement de l’école publique a toujours été soutenue par les personnels et les robustes taux de syndicalisation dans l’académie en sont une confirmation.
La présence de l’école publique, gratuite et laïque sur tous les territoires et plus particulièrement sur des terres historiquement réputées acquises au réseau catholique reste encore aujourd’hui un combat de chaque instant pour le SNES et le SNUIPP, qui répètent inlassablement qu’en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan, 20% des communes ont une école privée mais pas d’ école publique et que des communes de plus de 10 000 habitants ont un collège privé mais restent sans collège public ! Les constructions du lycée de Lanester dans le Morbihan, du collège de Plabennec dans le Finistère sont le fruit d’une détermination tenace des forces laïques avec, aux tout premiers rangs, les militants locaux du SNES et de la FSU.
Alain Croix qui a dirigé la rédaction du Dictionnaire des lycées publics de Bretagne, relève d’ailleurs que sur les 105 lycées publics, 74 ont un nom en lien avec leur territoire, une autre originalité bretonne et le signe d’une lutte permanente pour l’enracinement du service public. D’ailleurs selon plusieurs observateurs, cette aspiration collective à développer partout le service public d’éducation serait l’un des facteurs de la réussite scolaire en Bretagne.
Mais malgré 15500 élèves supplémentaires en 10 ans dans le second degré public, la région Bretagne n’a pas construit de lycée public depuis 13ans. Notre opiniâtreté ne faiblit pas, nous maintenons la pression sur les collectivités territoriales avec des études démographiques commanditées par la FSU, des publications spécifiques et des manifestations.
Trois nouveaux lycées publics sont enfin prévus dans les prochaines rentrées dont celui de Ploermel, une victoire pour les forces de progrès sur ce secteur du centre Bretagne. Alors que les jeunes du pays de Ploermel sont les élèves de France les plus éloignés d’un lycée public GT, la qualification de la population sur ce bassin avec son seul lycée privé catholique y est aussi plus faible que partout ailleurs en Bretagne.
Ce combat aujourd’hui victorieux pour un lycée public à Ploermel est emblématique des affrontements que notre région a connu au fil de son histoire, avec un pouvoir politique local épousant les intérêts de l’Église et refusant à proximité un enseignement laïque et gratuit.

Mais aujourd’hui, les familles bretonnes revendiquent plus que dans d’autres régions l’accès aux études pour leurs enfants. Cet intérêt familial pour la réussite scolaire s’explique d’ailleurs historiquement par « la fin des paysans » et une implication toute particulière des mères bretonnes qui prolongeaient à la maison le travail de l’école.
Ce changement de paradigme a progressivement entraîné le réseau privé confessionnel à développer des offres concurrentielles, souvent avec l’assentiment des collectivités et des autorités académiques, ici en privilégiant la scolarisation des moins de 3 ans, là en ouvrant des formations susceptibles de rassurer des familles inquiètes des réformes à marche forcée dans le public ou pour en capter d’autres plus soucieuses de préserver un certain entre-soi.

La Bretagne est rattrapée par la montée des inégalités sociales et territoriales mais le nouveau défi de la mixité scolaire de nos établissements est bien mal pris en charge par les autorités académiques ou les collectivités territoriales. Sur des quartiers où la pauvreté éprouve durement les familles, cinq collèges publics en éducation prioritaire sont ou seront fermés en l’espace de 3 rentrées. Quelques expérimentations précipitées et non concertées sont menées en contrepartie mais elles épargnent le réseau privé, exempté de toute contrainte.

Mixité sociale, pauvreté et réussite scolaire : parce qu’ils aspirent à plus de justice sociale, nos collègues sont attentifs à ces sujets qui sont loin d’être sans effets sur les pratiques professionnelles. Dans le cadre de l’Observatoire des contenus et des pratiques, le programme de nos stages syndicaux articulés cette année sur cette thématique rencontre un intérêt particulier chez les adhérents et sympathisants.
Un autre stage a aussi réuni plus d’une centaine de collègues en février : il portait sur le genre, les pratiques scolaires et l’écriture inclusive. Peut-on y voir le signal d’une profession qui serait prête à porter plus concrètement l’égalité femmes/hommes ? Souhaitons en tout cas que le SNES sera au RDV sur l’évolution qui est en cours. Le S3 de Rennes y aura contribué à sa façon car pour la première fois, et vous l’aurez tous remarqué avec vos badges, le E du SNES est incarné par une femme. C’est une avancée modeste mais historique !

A la veille des 50 ans de mai 68, de nombreux conflits seraient à commémorer comme celui du Joint français en 72 à St Brieuc immortalisé par cette photo où deux amis d’enfance se retrouveront face à face, l’un CRS l’autre pilier de la contestation. La Bretagne est une terre de lutte, de solidarité une terre d’accueil aussi et les récentes mobilisations des lycéens pour soutenir leurs camarades sans-papiers à Vannes, Lorient, Quimper, Brest, Rennes sont exemplaires et réconfortantes pour l’avenir.

Mais c’est un autre grève que nous souhaitions ici raconter et vous comprendrez pourquoi vous avez trouvé des sardines de Douarnenez dans vos sacoches. En 1924, les Penn sardin, ces femmes de pêcheurs sont ouvrières sardinières à Douarnenez dans le Finistère, elles travaillent dans les conserveries et ont cette coiffe Penn sardin « tête de sardine ».
Pour obtenir une augmentation des salaires, le paiement des heures supplémentaires et des heures effectuées la nuit, elles font grève 6 semaines et font céder les patrons. A la sortie du conflit, l’une de ces femmes se présente aux élections municipales et devient, bien avant l’heure, la première femme élue en Bretagne.
Des chansons ouvrières ont accompagné cette lutte et résonnent encore aujourd’hui pour que ce combat des femmes ouvrières nous inspirent, nous encouragent, nous réconfortent dans les luttes que nous menons pour plus d’égalité, de justice, de progrès social et plus d’école publique (nous sommes en Bretagne).
Comme le chantait Léo Ferré, « les plus beaux chants sont les chants de revendication », nous voulions chanter cette mémoire ouvrière pour ouvrir notre congrès, vous allez l’entendre ! Bon congrès de Rennes à toutes et à tous.

Le 26 mars 2018
Gwénaël Le Paih, secrétaire académique

Le discours en vidéo, la chanson des penn sardin à 12 minutes