Le ministre Blanquer a présenté le 1er juillet son plan pour « l’internat du XXIe siècle ». Le rapport Foucault-Gouttebel (respectivement IGAENR et président de Conseil Départemental) qui le sous-tend est resté confidentiel mais a bien été remis à la rentrée 2018... Son objectif affiché est la création de quelques 240 « internats à projets » de trois types pour y accueillir 13 000 élèves supplémentaires d’ici 2022.
« Internat d’excellence », le retour
En tant que recteur de Créteil puis de DGESCO de Chatel, l’actuel ministre avait inauguré à grand tapage médiatique ce dispositif destiné à accueillir en internat des élèves « méritants d’origine modeste ». Son coût exorbitant (en moyenne 50 000 € la place et jusqu’à 100 000 € au fameux internat de Sourdun, contre 20 000 en structure classique) a été dénoncé dès 2011 et cette politique faussement méritocratique abandonnée progressivement. Toujours sourd à toute critique, le ministre en tire au contraire un bilan positif et la remet à l’honneur. Ainsi, le plan prévoit au moins un internat d’excellence par département (70 collèges et 30 lycées). Chaque métropole devrait en disposer, ces internats pouvant d’ailleurs « s’intégrer aux futures cités éducatives ».
Un ministre promoteur immobilier ?
100 « résidences à thèmes » seront développées, principalement en collèges ruraux ou de montagne, Les 7 thèmes retenus sont associés à des noms qui évoquent irrésistiblement des brochures immobilières : Médicis pour les arts, Olympiques pour le sport, Digitales pour le numérique, Nature pour l’environnement ou Archimède pour les Sciences... Un même établissement pourrait croiser plusieurs thèmes et ces résidences feront évidemment l’objet d’un label.
Internats du troisième type, les 40 « campus pro » seront liés aux labels « campus des métiers » et susceptibles d’accueillir d’ici 2022 des jeunes, du CAP au BTS avec l’objectif de renforcer l’attractivité de la voie professionnelle. Jamais avare de formules, le ministre les a déjà baptisés « Harvard du pro »...
Un financement qui reste bien aléatoire
Pour les trois types d’internats, des appels à projets seront lancés en décembre et les projets labellisés selon plusieurs critères (« inscription dans le territoire », « qualité de l’accueil et des locaux », « qualité du suivi pédagogique », du « pilotage »). Pour autant, les budgets ne semblent pas clairement assurés. La Caisse des dépôts et consignations proposerait un prêt à hauteur d’un milliard d’euros aux collectivités locales pour « le bâti scolaire » mais sans faire la part des moyens explicitement affectés aux internats. La revalorisation annoncée de la « prime à l’internat » (actuellement 258€ annuels) n’est pas chiffrée et les fonds sociaux risquent d’être mis à contribution, hélas au détriment des familles actuellement aidées pour les scolarités.
Un dispositif au service d’une idéologie
L’internat version Blanquer marque plutôt un retour dans le passé vers un système à deux vitesses qu’une réelle entrée dans les problématiques du XXIè siècle. D’un côté des structures classiques pour 1300 internats, de l’autre, 240 labellisés « excellence » qui décrivent bien l’inspiration libérale de la politique éducative menée. L’individualisation de formules d’internat « à la carte » risque de se faire au détriment d’une ambition de qualité pour tous Il serait ainsi possible de n’y passer qu’un seul trimestre, une ou deux soirées par semaine ou bien quelques semaines en période d’examen ou suite à des événements familiaux, voire sans nuitée. Un tel plan mettra en concurrence les établissements au lieu de travailler leurs complémentarités en coopération sur un même territoire. Il s’en prend aussi aux métiers actuels et à ceux qui les exercent. S’il occulte complètement les personnels sociaux et de santé, le plan n’hésite pas à parler de « métiers de l’internat », de « s’appuyer sur un corps de professionnels formés », et même d’un « manager d’internat », ou d’un « chef de projet ». Ce vocabulaire typique du nouveau management public éclaire d’un jour cru l’idéologie qui irrigue ce plan, et ne va pas manquer de conforter les pratiques de profilage de postes en vogue dans certaines académies. La circulaire de missions de 2015 précise pourtant que « tous les CPE de l’établissement participent à l’organisation et à l’animation éducative de l’internat. Il en résulte qu’aucun ne peut être spécialisé dans les responsabilités d’internat ».
Pour le SNES-FSU, une politique ambitieuse pour l’internat ne saurait se limiter à une opération partielle au bénéfice de quelques un mais au contraire constituer une action publique à l’intention de tous. Il revendique une rénovation de tous les internats en concertation avec les collectivités pour améliorer partout les conditions matérielles d’accueil et leur dotation d’un encadrement éducatif et pédagogique de qualité.