8 mars 2006

Carrière et mutations

Bilan de la Hors classe 2005 au CTPA du 10 février 06

1. Le paritarisme mis à mal

 Les nombreux groupes de travail préalables à la mise en place des nouveaux critères n’ont pas débouché sur un infléchissement du projet rectoral. La mise en garde de l’ensemble des élus de chacune des organisations syndicales n’a pas été entendue : nous pressentions les inégalités révélées lors de la CAPA. L’unanimité syndicale sur ce dossier est à noter : elle a pour autant été ignorée par le rectorat.
 Le tableau d’avancement a été publié sur le site du rectorat la veille de la CAPA certifiés.
 Une CAPA certifiés très tendue. Le refus du Recteur de corriger l’ensemble des injustices pointées a conduit les élus à quitter la séance. Le Recteur a laissé entendre que la CAPA serait à nouveau réunie ultérieurement mais a arrêté définitivement le tableau d’avancement dans sa version initiale sans autre réunion.

2. Une procédure mal vécue par nos collègues

 De nombreux collègues se sont sentis humiliés voire insultés de découvrir à l’issue de la CAPA que leur chef d’établissement ou IPR résumait leur carrière à 5/20 ou 5/30. Aucun recours possible pour les notes attribuées (beaucoup ne les découvriront d’ailleurs qu’après les CAPA, communiquées par les élus). Les collègues ont pris conscience que les nouveaux critères étaient aléatoires et opaques. Ils ont perçu la volonté de les mettre au pas, de les priver d’une partie de leur liberté pédagogique et de leur liberté d’intervention.

 Cette notation « au plus proche du terrain » vise surtout à faire adhérer chacun de manière contrainte aux projets des chefs d’établissement. Elle mesure la « bonne volonté » à appliquer les injonctions institutionnelles, elle force l’adaptabilité aux contraintes locales. Elle nuit avant tout à l’indépendance du fonctionnaire. Notre identité professionnelle est basée sur la transmission des savoirs disciplinaires. Cette nouvelle évaluation, sans recours, sans contestation possible, tend au contraire à décentrer l’évaluation vers des tâches périphériques et mesurables aux dépens du travail de classe.

 Une procédure nouvelle qui incite à la comparaison et favorise in fine la concurrence entre collègues. Il faut bien au contraire encourager les pratiques de travail collectif. La sanction financière ne permet pas non plus de surmonter les difficultés ou insuffisances.

3. Des constats statistiques

  1. Une augmentation considérable des dossiers à examiner : 5204 certifiés (1197 en 2004), 1435 PLP (456 en 04), 563 PEPS (131 en 04), 285 CPE (91 en 04). Comment prendre en compte l’investissement professionnel de chacun dans sa diversité ? Un examen approfondi de tous les dossiers est une illusion.
  2. Un rajeunissement des promus certifiés
    — Seuls des 11e échelon sont promus (constat identique au niveau national)
    — L’âge moyen des promus diminue fortement dans notre Académie : 53ans 8m contre 55ans 9m en 2004. Au niveau national, quasi-stabilité autour de 54,4 ans.
    — L’ancienneté acquise dans le 11e pour les promus diminue très fortement par rapport à la moyenne nationale (2,6 ans en 2005 contre 2,9 ans en 2004) : pour Rennes 1,9 ans en 2005 contre 2,9 ans en 2004.
    Ce constat est commun aux académies qui ont minoré l’ancienneté dans le 11e, valorisé le mode d’accès au 11e, bonifié de manière importante les avis des IPR et chef d’établissement (Bordeaux, Toulouse, Rouen, Amiens, Reims, Nancy Strasbourg...). A l’inverse, d’autres académies voient l’ancienneté moyenne acquise dans le 11e augmentée (Paris, Lille, Aix, Versailles, Poitiers,...)
    — Ce rajeunissement profite aux collègues ayant moins de 3 ans dans le 11e et lèse tous les collègues ayant plus de 4 ans. Ce sont les 141 exclus en 2005 pour les certifiés (35 chez les PLP et 25 en PEPS) : les premiers non promus en 2004, qui pouvaient prétendre avec l’ancien système à une promotion en 2005.
    — Les « jeunes » promus du 11e échelon ne profitent pas ou peu du gain indiciaire de la HC : il faut 3ans révolus dans le 11e échelon pour prétendre à l’indice 740.
    — Ce double rajeunissement limitera à court terme le nombre de promotions pour les prochaines années. Un collègue promu à la hors-classe l’année de son passage au 11e échelon ou l’année suivante peut avoir 48 ans. Il occupera son emploi de HC au moins 12ans, probablement bien plus. La rotation des emplois de HC est ainsi mécaniquement freinée, cela entraînera une diminution des possibilités de promotion pour les futurs candidats.
  3. Augmentation du nombre de promus « certifiés par liste d’aptitude »
     24, 4% de l’ensemble des candidats HC certifiés sont certifiés par liste d’aptitude. Leur part dans les promus HC passe à 38%.
     La disparition dans le barème des éléments de qualification individuelle explique cette sur-représentation dans les promus : accès au corps par concours, biadmissibilité, titres et diplômes ne sont plus bonifiés.

A noter
 Tous les promus ont au minimum 25/50 au titre des avis IPR et chef d’établissement.
 En 2004, 17,1 % des promus HC certifiés avaient obtenu le 11e à l’ancienneté : leur part est de 2,2% en 2005.
 Les collègues bi-admissibles, dont le classement indiciaire au moment de la bi-admissibilité est défavorable, ne sont plus favorisés dans les promotions HC. Cet effort de formation individuelle n’est plus reconnu par l’institution.

Premières conclusions

C’est bien la volonté de trier dans le 11e échelon qui s’installe désormais. Les exclus de la hors-classe ont un nouveau profil : certifiés par concours, ils ont eu 2 avis satisfaisants : 5/20 (note chef d’établissement) et 5/30 (note IPR). Ces collègues ont atteint le 11e échelon à l’ancienneté. Ils ont souvent plus de 4 ans d’ancienneté dans le 11e échelon. En quoi ces collègues auraient-ils démérité ?

La disparition de toute reconnaissance des éléments de qualification individuelle nous inquiète : le sens du métier est menacé. La déqualification serait-elle amorcée ?

Le principe de double peine /double gain domine.
Double peine : carrière ralentie par des notes moyennes et rarement réévaluées (retard d’inspection), l’accès à la HC est contrarié pour les mêmes raisons. Double gain : carrière rapide et notes élevées, régulièrement réévaluées, l’accès à la HC est facilité.
d.Inégalités entre candidats du 11e (certifiés)

 Effet de discipline

37% des candidats du 11e en éco.gestion et STI sont promus, 19% en Hgéo, 17% en physique chimie, 14% en documentation, 13,5 % en anglais.
Ces constats étaient déjà connus pour les promotions d’échelon : sur-représentation de certaines disciplines, notes pédagogiques mal étalées dans la grille cible pour certaines disciplines. Une procédure de correction de note pédagogique trop ancienne a d’ailleurs été mise en place il y 2 ans dans l’Académie. Ces distorsions entre disciplines ressurgissent ici : la double évaluation pédagogique (avis IPR qui se surajoute à la note pédagogique) renforce les inégalités existantes.
Le nombre de dossiers pèsent sur l’évaluation : en anglais, les IPR avaient en moyenne 330 collègues à évaluer.
Des écarts curieux apparaissent : 64 collègues dont la note pédagogique se situent dans la zone A de la grille cible, ont néanmoins 5/30 pour l’avis IPR. De l’aveu même de quelques IPR, ils ne connaissaient pas les collègues. Rappelons qu’avec 5/30, la promotion est quasiment impossible : un minimum de 25/50 est nécessaire.

 Effet de fonction

Les collègues nommés dans le supérieur sont sur-représentés. Les collègues en CLM, CLD, au CNED sont sous-représentés. Ces constats sont identiques pour les promotions d’échelon.

 Effet d’établissement

Le « mérite » et la « valeur professionnelle » d’un agent dépendent avant tout de la personnalité du chef d’établissement, de sa définition propre du mérite individuel. Quelques exemples :

Lycée Chaptal Quimper 5 candidats au 11e Moyenne des notes : 18/20
Lycée Zola Rennes 5 candidats au 11e Moyenne des notes : 05/20
Lycée Lesage Vannes 19 candidats au 11e Moyenne des notes : 6,8/20
Lycée de Lannion 16 candidats au 11e Moyenne des notes : 16,3/20
Lycée de Fougères 8 candidats au 11e Moyenne des notes : 20/20

Seuls des lycées sont cités (volume plus important de candidats à l’étude). Toutefois, la disparité des notes en collège semble tout aussi révélatrice.

 Les femmes sous-promues

Les 224 promotions de HC se partagent également entre hommes et femmes. Mais ce premier constat masque une grande inégalité de traitement :

Alors qu’elles représentent 60% du corps des certifiés, 23 % des candidates du 11e échelon sont promues, le taux est à 28% pour les hommes. Les femmes subissent très probablement les effets cumulés des précédentes injustices.

4. Pour conclure

Les déroulements de carrière sont loin d’être uniformes : retard d’inspection, distorsion entre disciplines, ... La prise en compte du mode d’accès au 11e échelon et la dispersion pour le moins aléatoire des avis barèmés (IPR et chef d’établissement) n’autorisent pas une comparaison de la « valeur professionnelle » des agents. Les critères retenus ne garantissent pas un examen équitable de tous les candidats du 11e échelon.

Nous revendiquons des critères transparents, lisibles et opposables à tous. L’ancienneté acquise dans le 11e échelon doit être un critère commun pour faire que chacun à court ou moyen terme puisse prétendre à la promotion. Les éléments de qualification individuelle (accès au corps par concours, bi-admissibilité, titres et diplômes) sont aussi à barèmer. Ces éléments de barème, éloignés des avis hiérarchiques inéquitables et aléatoires, assurent une sécurité d’examen pour l’accès à la HC. Ils évitent de renforcer en fin de carrière des inégalités déjà révélées pour les promotions d’échelon.

Nous demandons que la rotation des emplois HC soit rétablie : il faut s’interroger sur le rajeunissement des promus. Ce rajeunissement très marqué dans notre Académie lèse inévitablement d’autres collègues qui sont de fait interdits de promotion.

Actuellement le 1er échelon c’est 1,27 SMIC (quand l’INSEE parle de bas salaire jusque 1,3 SMIC). Le 11e échelon correspond à 2,4 SMIC. L’indice 740 (échelon 6 de la HC) c’est 2,7 SMIC. L’indice 782, indice terminal de la carrière, représente 3 SMIC. Nous rappelons notre revendication d’une reconstruction de la grille indiciaire pour élever le 11e échelon à l’indice terminal de la HC. Intégrée à un déroulement complet de la carrière, la hors-classe serait alors accessible à tous. Après les puissants mouvements de 1989 qui ont abouti à sa création, des milliers de collègues ont bénéficié d’une promotion en fin de carrière avec autant d’effet sur les pensions de retraite. Relever l’indice du 11e échelon à 782 permettrait à tous les collègues de partir en retraite avec l’actuelle hors-classe. Notre implication dans l’exercice de nos missions, nos responsabilités professionnelles légitiment pleinement cette revalorisation.

La carrière actuelle est loin d’être indifférenciée : les parcours ne sont pas uniformes. Une carrière au grand choix est parcourue en 20 ans, au choix en 26 ans, à l’ancienneté en 30 ans. Sur une carrière en 40 ans, la différence des gains cumulés entre un collègue HC toujours promu au grand choix et un collègue non promu HC, parcourant sa carrière à l’ancienneté est de 174 000 euros. La différence reste à 134 000 euros avec un collègue parcourant sa carrière à l’ancienneté mais finissant à la HC. Les effets de notation sont déjà bien réels et entraînent des parcours différents. Si les carrières sont retardées pour certains, les promotions d’échelon et de grade doivent rester envisageables : le barème que nous défendons évite au moins d’exclure a priori des situations et permet à chacun à court ou moyen terme une possibilité de promotion.

Nous demandons un examen attentif des collègues exclus en 2005 : les 141 « exclus » certifiés et 35 PLP doivent impérativement être reconsidérés cette année pour rendre possible leur promotion. Ces promotions sont à rattraper avant que d’autres nouvellement promus au 11e échelon prennent prématurément un emploi de HC.

SNES Rennes - Gwénaël Le Paih