Monsieur le Recteur,
Vous présidez aujourd’hui une CAPA des certifiés qui n’est pas ordinaire. De nouvelles modalités d’attribution voulues par le ministère, mises en œuvre par vos services détournent en partie les principes de la hors-classe, acquise en 1989.
A l’époque, la profession, mobilisée autour des positions du SNES, a gagné dans la rue une revalorisation importante de nos carrières. De la reconstruction de la grille indiciaire à la création d’une hors-classe pour les certifiés, PLP et CPE, les conséquences de cette revalorisation ont été essentielles à la fois pour promouvoir nos métiers, reconnaître les qualifications des personnels et leur forte implication dans l’exercice de leurs missions.
Le SNES se réjouit que des dizaines de milliers de collègues aient ainsi pu accéder à l’indice 782, avec autant d’effet sur les pensions. Pour que ce déroulement de carrière soit élargi à l’ensemble de nos collègues sans exception, nous militons pour que l’indice terminal de la hors-classe devienne l’indice de référence du 11e échelon. Nous demandons aussi une reconstruction de la grille indiciaire pour les débuts de carrière avec un avancement uniforme jusqu’au 6e échelon au rythme actuel du grand choix et la suppression de l’avancement à l’ancienneté.
Il s’agit d’un enjeu majeur pour nos métiers. D’une part, l’amélioration de notre pouvoir d’achat est légitime. Une étude récente de l’INSEE met en évidence une très faible progression du salaire moyen du privé depuis 2000. Pour les fonctionnaires, la perte depuis 2000 est supérieure à 5%. Alors que les économistes parlent de bas salaires en dessous de 1,3 SMIC, c’est désormais le cas du premier échelon des certifiés, PLP, CPE et COPsy à 1,27.
D’autre part, il est tout aussi important de reconnaître et de valoriser nos qualifications. Des personnels reconnus par leurs diplômes et qualifications, pour leurs compétences et savoir-faire doivent être bien rémunérés. L’école aurait-t-elle besoin d’enseignants peu qualifiés et donc peu rémunérés ? Nous ne le pensons pas. Depuis des années, nous avons porté les exigences pour l’élévation indispensable des niveaux de qualification des jeunes, pour la démocratisation du système éducatif. La profession a fourni des efforts considérables pour assumer la massification des poursuites d’études.
Beaucoup de nos collègues éprouvent actuellement un sentiment d’injustice devant la dégradation des conditions d’exercice, la méconnaissance par l’institution des efforts réalisés. Tous restent attachés à l’identité professionnelle, fondée sur la volonté de travailler avec les élèves des savoirs disciplinaires, de les faire réussir en prenant en compte les réalités sociales, économiques, pédagogiques de l’établissement mais dans le cadre des objectifs et orientations nationales. La profession est attachée à l’idée d’égalité, à la clarté des missions et des obligations professionnelles.
C’est pourquoi nos collègues adhèrent majoritairement aux propositions du SNES, celles de tirer l’évaluation vers l’aide et le conseil, de la déconnecter de ce fait de l’avancement, d’en tirer des propositions de formation continue. L’évaluation doit avoir pour objectif l’amélioration du service public d’éducation. Ce n’est pas en effet la sanction financière d’un ralentissement de carrière qui permet de surmonter difficultés et insuffisances. Nous jugeons indispensable de favoriser les bonnes pratiques collectives et de valoriser le travail en équipe.
Mais, Monsieur le Recteur, le barème que vous avez arrêté pour la hors-classe, contre l’avis de l’ensemble des personnels, marque un pas de plus vers l’individualisation. Vous ajoutez à la double notation annuelle, administrative et pédagogique, une nouvelle évaluation, spécifique au passage à la hors-classe.
Loin de garantir à chaque agent une équité de traitement, vous avez installé de nouvelles modalités de notation sans pour autant fixer de cadres précis aux notateurs. Nous vous avions alerté sur les injustices entre collègues qui inéluctablement allaient se faire jour. Le constat est édifiant. Dans ce tableau d’avancement, les effets d’établissements, les effets de discipline, les effets de fonction sont indéniables.
Les discriminations entre disciplines, déjà très fortes pour les promotions d’échelon, sont confirmées dans ce nouveau barème de hors-classe et concernent les mêmes collègues. Alors que certains étaient déjà lésés par des retards importants d’inspection, entraînant parfois un passage au 11e échelon à l’ancienneté, ces retards figent définitivement leurs parcours de carrière à 40 points. Chaque année, par l’arrivée de nouveaux collègues dans le 11e échelon à un rythme plus favorable, ils seront systématiquement lésés au barème, les privant ainsi de toutes perspectives d’une hors-classe.
Ces collègues plus âgés seront sacrifiés pour permettre des promotions aux plus jeunes. Nous rappelons que promouvoir des collègues plus jeunes ne leur donnera qu’un faible bénéfice à court terme pour leur traitement et bloquera surtout pour plusieurs années la rotation des emplois de hors-classe. Précisons que cette année l’âge moyen des promus est de 53 ans et 8 mois contre 55 ans et 9 mois en 2004.
Sur les 224 emplois hors-classe, 83 collègues qui l’an dernier étaient dans les 224 premiers non promus, accèdent cette année à la hors-classe. C’est donc plus de 60% des premiers non promus en 2004 qui sont exclus cette année du tableau d’avancement.
Pour certains, une ancienneté importante dans le 11e échelon permettait un bon classement. Ils ne sont donc pas jugés suffisamment « méritants » cette année pour obtenir une promotion. Il s’agit pour nous d’une sanction tout à fait injuste et intolérable. En quoi ces collègues auraient-ils démérité ? Nous attendons des réponses sur chacune des situations.
D’autres faisaient valoir les titres, les diplômes, la biadmissibilité, l’accès au corps par concours. Nous regrettons amèrement la suppression des bonifications liées à ces éléments majeurs qui attestent indéniablement de la qualification et des compétences. De nombreux collègues sont ainsi rétrogradés dans ce nouveau classement et ne sont pas promus. Faut-il penser que le niveau de qualification, les efforts de formation disciplinaire des enseignants ne concourraient plus à l’amélioration de l’enseignement et à la transmission des savoirs ? Voilà un fait nouveau sur lequel chacun des notateurs, chefs d’établissement et IPR, doit s’interroger. Nous pensons que notre identité professionnelle est en jeu, menacée par la déqualification et la déprofessionnalisation.
L‘attribution des bonifications exceptionnelles est plus fréquente pour les assistants chefs de travaux, les collègues qui soutiennent les projets des inspections, les collègues nommés dans le supérieur. Les écarts entre le supérieur et le second degré se creusent d’ailleurs un peu plus et la situation des collègues du CNED se dégrade une nouvelle fois. Il vaut mieux être enseignants en économie gestion où 36,4% des candidats du 11e échelon sont promus, que certifiés d’anglais ou documentalistes. A peine 14 % des candidats du 11e sont promus pour ces 2 disciplines.
Faut-il penser que pour avoir une valeur professionnelle remarquable et remarquée, il y aurait un profil bien particulier ? Nous ne pouvons pas l’accepter. Le travail de classe, méthodique et consciencieux, serait-il si ingrat, qu’un collègue qui n’aurait pas démérité ne puisse plus être reconnu par ses supérieurs ?
Nous avons constaté pour 64 collègues du 11e échelon un écart important entre la note pédagogique et la note de valeur professionnelle attribuée par l’IPR. N’est-il pas curieux de voir pour ces collègues une note pédagogique supérieure à 51 points et un avis seulement satisfaisant pour la hors-classe ? Cela n’est pas sérieux.
L’examen des notations proposées par les chefs d’établissement révèle encore plus de disparités et d’injustices ! Citons le lycée Zola, où les notes des 5 candidats au 11e échelon plafonnent à 5 sur 20 quand le lycée Chaptal de Quimper pour 5 candidats a une moyenne de 18 sur 20. Citons le lycée Lesage à Vannes, où pour 19 candidats au 11e échelon, la moyenne des notes est de 6,8. Les lycées Bréquigny, Colbert et Dupuy de Lôme à Lorient pour 12 à 14 candidats par établissement, ont une moyenne de 8,1 à 8,3. Les 8 candidats du lycée de Fougères ont par contre tous 20/20 !
Nous ne saurions mieux démontrer comment l’évaluation de la valeur professionnelle des enseignants dépend avant tout du regard et de la personnalité même du chef d’établissement, mais aussi de sa conception bien personnelle du mérite. L’adaptabilité au contexte local, l’adhésion contrainte ou intéressée au projet d’établissement, les accointances de proximité n’ont pas leur place dans l’appréciation du « mérite » d’un agent. Laisser une telle part d’arbitraire dans l’examen du passage à la hors-classe est inadmissible. Pouvons-nous accepter que pour avoir la hors-classe, il est préférable d’être enseignant en économie-gestion au lycée de Fougères plutôt que professeur d’anglais au lycée Zola ?
Monsieur le Recteur, maintenir des règles aussi injustes et arbitraires pour le tableau d’avancement tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, serait contraire aux principes d’équité qui fondent la gestion des personnels de la fonction publique. Les représentants nationaux des organisations syndicales ici présentes se sont adressés récemment au Ministre pour qu’il suspende cette « nouvelle gestion des personnels ». Nous vous appelons également à reprendre l’ensemble des situations et redéfinir un barème garantissant à tous l’accès à la hors-classe où l’arbitraire, le profil et le mérite n’auront pas leur place. Nous attendons que vous rétablissiez comme critère d’attribution, l’ancienneté acquise dans le 11e échelon et les diplômes.