Le vendredi 14 octobre, les psychologues de l’Education nationale étaient mobilisés à Paris pour alerter sur la dégradation de leurs conditions de travail. Alors que les élèves, les familles, les équipes éducatives expriment une demande d’accompagnement de plus en plus importante de la part des Psy-en et que les enjeux sur le vécu scolaire et l’orientation sont des axes dits prioritaires, paradoxalement on précarise la profession. En effet, le ministère depuis plusieurs années limite étroitement le nombre de postes ouverts au concours et précarise de ce fait la continuité de service des Centres d’Information et d’Orientation. Un tiers de la profession est représenté aujourd’hui par des contractuels qui chaque année vivent mal de ne pas avoir de continuité dans leur travail. A la rentrée scolaire 2022 et encore aujourd’hui des postes restent vacants. Les collègues engagés dans le métier s’interrogent sans cesse sur leur devenir.
Des conditions de travail épuisantes et frustrantes
L’augmentation du nombre d’élèves par Psy -EN dans les différents lieux d’exercice – établissements, CIO - mettent les collègues sous pression, il est aujourd’hui impossible d’exercer correctement son métier avec les heures attribuées. Les collègues s’épuisent. Les équipes résistent mais jusqu’à quand et à quel prix !
Aussi, nous demandons un accompagnement renforcé des contractuels expérimentés vers le concours et évidemment l’augmentation du nombre de postes de Psy-en afin de fortifier et pérenniser ce service public gratuit.
Une privatisation sournoise de l’orientation scolaire
La fragilisation délibérée de ce service de psychologie met à mal l’éthique et la déontologie nécessaires dans toute institution. En effet, trop de fois et de plus en plus des associations, entreprises, représentants de secteur d’activité entrent dans nos écoles sous couvert d’expression qui séduisent les équipes. En effet, ces derniers proposent des ateliers flash type : affirmation de soi, connaissance de soi, préparer son orientation, entreprendre pour apprendre, apprendre à apprendre en quelques jours. Cette pensée magique entre dans les établissements scolaires alors que les recherches scientifiques sur ces questions sont plus que critiques.
En outre, trop de fois des collègues non psychologues de l’EN s’improvisent coach en orientation proposant des questionnaires d’intérêt ou de personnalité non validés scientifiquement, souvent obsolètes, sans lecture critique des réponses des élèves et qui surtout simplifient les enjeux liés à la projection vers l’avenir. Cette façon de faire n’est pas sans poser des questions éthiques importantes notamment parce que le sujet adolescent a tendance à s’orienter « du même », c’est-à-dire de ce qu’il connaît, là où l’enjeu de l’école est d’éviter qu’il s’auto-détermine, qu’il s’auto-normalise. Amener du dilemme dans ce qui oriente les élèves est difficile, les Psy-En le savent par les connaissances qu’ils ont de la psychologie adolescente mais aussi de la psychologie de l’orientation et des enjeux sociologiques à l’œuvre.
Informer ou convaincre ?
Ces ateliers sont toujours déconnectés des séquences pédagogiques élaborées par les enseignants et les équipes se font spectatrices d’un discours qui frôle les limites du point 6 de la charte de la laïcité « la Laïcité de l’Ecole offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l’apprentissage de la citoyenneté. Elle les protège de tout prosélytisme et toute pression qui empêcheraient de faire leurs propres choix ». Nous pensons particulièrement au lobbying des métiers de l’industrie, de l’agriculture et du numérique qui actuellement offrent leurs services pour des ateliers au sein des établissements scolaires en particulier sur les métiers en tension. À quand la tenue d’un atelier sur les métiers de l’enseignement ? La FSU pourrait se proposer ! Eh oui nous sommes un secteur en tension mais l’hôpital aussi, la justice aussi, … C’est pourquoi, les Psy-En du SNES-FSU appellent l’ensemble des collègues à être vigilants sur ce qu’on leur propose sous couvert du « bien-être et de l’orientation » et surtout appellent à ce que ces ateliers soient pensés en équipe.
Ni psychologues de la santé, ni psychologues de l’insertion, les psychologues de l’Education nationale ont un référentiel qui établit et définit leurs missions et en plus d’un Master 2 en psychologie bénéficient d’une année de formation spécifique.
Cette précieuse interdisciplinarité des différents métiers au sein de l’EN, doit pouvoir permettre un échange constructif entre les psychologues de l’Education nationale et leurs collègues professeurs, CPE, AED, AESH, ASS, personnels médicaux, administratifs pour ne pas s’abaisser à une logique de pénurie et d’externalisation de service mais au contraire renforcer notre logique d’émancipation pour le développement et le devenir de nos élèves.
Florence David et Solenne Ogier