19 février 2018

Sections départementales

Point de vue des enseignant-es des secteurs concernés

Secteur Villejean : entretien avec Gwendoline, professeure d’histoire- géographie

Le conseil départemental, et notamment M. Pichot, vice-président en charge de l’éducation et de la jeunesse, ont proposé une nouvelle politique d’affectation pour 2019 consistant à rassembler tous les élèves sur un seul site (Montbarrot) et de fermer Malifeu.

Que penses-tu de ce choix ?

Il faut répondre à cette question en deux temps. Dans un premier temps, la fermeture de Malifeu est une décision unilatérale du Conseil départemental. Les acteurs du terrain (parents d’élèves, personnels de l’établissement) n’ont pas eu leur mot à dire. C’est une décision qui inquiète beaucoup car il s’agirait de rassembler plus de 500 élèves (dans un premier temps, puis forcément plus au regard des prévisions démographiques sur le quartier) sur un même site. C’est beaucoup trop pour un établissement d’éducation prioritaire qui, par définition et par principe (voir les objectifs formulés par le ministère sur la question de l’éducation prioritaire), fonctionnerait bien mieux en restant une petite structure, où l’accompagnement des élèves serait bien plus individualisé. Un bon nombre de personnels (professeurs, vie scolaire, agents) et même des parents d’élèves ont participé au rassemblement et au mouvement de grève du jeudi 14 décembre pour dénoncer la fermeture de Malifeu. Ce site doit non seulement rester ouvert, mais doit aussi devenir un établissement scolaire en bonne et due forme, avec sa propre direction et une équipe d’enseignant-es stabilisée. C’est la seule condition permettant la réussite des élèves.

Et au sujet de la resectorisation ?

M.Pichot a soumis au vote des élu-es du Conseil départemental une réforme de la carte scolaire, comprenant une priorisation d’affectation sur les collèges de Rosa Parks, Anne de Bretagne et Emile Zola. Les familles des écoles primaires rattachées à ces collèges devront formuler trois vœux d’affectation, classés de 1 à 3. L’Inspection académique tranchera ensuite (sans que l’on en connaisse les critères). Dans le discours, il s’agirait de favoriser la mixité sociale. Or, une vraie politique de mixité sociale sur ces secteurs scolaires n’est pas envisageable ainsi. En effet, il faudrait proposer une vraie refonte de la carte scolaire, avec une vue globale sur la ville de Rennes. Il faut réfléchir à la répartition des élèves du premier degré sur les collèges rennais, où l’on tient compte tant des catégories socioprofessionnelles des familles, que des projections démographiques, éléments sur lesquels ont déjà travaillé les représentants du personnel.

Que craignez-vous donc ?

Pour Rosa Parks, il est clair que la mixité sociale, existante aujourd’hui mais trop limitée, ne sera plus garantie. Au-delà de la défense des options (DNL, CHAT…) et des structures (SEGPA, Ulis, UPE2A) qui existent dans ce collège (et qui sont menacées), il faut offrir aux élèves un cadre d’apprentissage à échelle humaine et envisager un vrai projet de réussite scolaire, dans lequel les élèves de tous horizons se côtoient et évoluent ensemble. Les élèves doivent être toujours au centre des préoccupations des politiques éducatives et sociales de notre département. Or, ce que propose aujourd’hui le Conseil département ne semble pas aller dans ce sens.

Collège des Hautes Ourmes : analyse de Pascale, professeure d’anglais

Le collège des Hautes Ourmes a accueilli jusque dans les années 1990 un nombre d’élèves élevé (jusqu’à 900 ou 1000). Puis progressivement les effectifs ont décru avec la construction du collège de Vern Sur Seiche. Dans le même temps la mixité sociale qui a existé à une époque, mélangeant les enfants du Blosne et de Vern a pratiquement disparu. Des parents des écoles Doisneau et la Poterie préférant envoyer leurs enfants au collège du Landry ou dans le privé. Donc, petit à petit, notre collège est devenu un repoussoir pour nombre de parents CSP+ et s’il n’y avait pas de classes CHAM CHAD, qui amènent un peu de mixité et nous serions dans un collège ghetto. Car malgré ces classes (une par niveau) nous avons un taux de boursiers aux alentours de 70% ce qui a entraîné, à raison, le classement de notre collège en REP+. À la rentrée 2017, notre collège a environ 450 élèves dont 45 en classes de SEGPA (une par niveau). Le Greta est également accueilli dans nos murs. Il est prévu pour la rentrée 2018 que les élèves de Chantepie (actuellement scolarisés au Landry) entrant en 6e rejoignent notre collège . Il est prévu 700 élèves pour la rentrée 2020 (hors SEGPA) Comment s’opposer à ce qui mixerait les populations ? L’intention, si elle était vraiment sincère, serait louable.
Cependant, ce projet présenté par le Conseil départemental lors d’une réunion au mois de novembre 2017, nous laisse très méfiants. En effet, la précipitation dans laquelle tout ceci s’est mis en place ne nous a pas encore permis de vraiment réagir alors que, dans le même temps, certains parents des futurs élèves de Chantepie, avec le Maire à leur tête s’organisent pour boycotter le collège des Hautes Ourmes. Pourtant l’équipe éducative est fidèle, soudée (aidée en cela évidemment par la prime REP+). Chaque enseignant dispose de bonnes conditions de travail De nombreux projets culturels et innovants existent pour les élèves. Notre collège est un collège où il fait bon apprendre . Avec un effectif de 450 élèves, l’équipe de vie scolaire, dynamique et motivée, fait un travail remarquable et les incidents sont rares. 60 % des élèves sont orientés vers la seconde générale et réussissent aussi bien que les autres. Nous pensons que notre collège, si les choses restent en l’état, accueillera plus d’élèves, certes, mais peu favorisés socialement (leurs parents n’ayant pas les clés pour contourner la carte scolaire). Les enfants du quartier resteront les mêmes, le déclassement de la REP+ entraînera moins de moyens, donc un surcroît de travail pour les personnels administratifs, techniques et enseignants et une fuite des collègues. Si déjà les enfants de Doisneau et la Poterie venaient à notre collège puisqu’ils en dépendent, ce serait un vrai pas vers la mixité sociale.

Collège du Landry : analyse d’Anne professeure d’EPS

Sous couvert d’un rééquilibrage des effectifs et de la mixité, le Conseil départemental propose une resectorisation du sud de Rennes qui promet une hémorragie au Landry, accompagnée d’une gentrification de ce collège, plutôt mixte actuellement. En corollaire, une augmentation brutale des effectifs au collège des Hautes Ourmes et toujours une forte proportion d’élèves issus de familles socialement défavorisées. (cf : article mixité). Compte tenu de la place importante de l’enseignement privé et du grand nombre de dérogations accordées, le projet du Conseil départemental provoquera une augmentation de la ségrégation scolaire. À Rennes, en 2017, 50 % des élèves entrés en 6e ne sont pas scolarisés dans leur établissement de rattachement ; la part du privé représente près de 40 % ; dans les collèges publics, un élève de 6e sur 6 y est scolarisé sur dérogation avec un taux de satisfaction aux demandes de dérogation à 82%.
Les écoles de Chantepie, jusqu’ici rattachées au collège Le Landry, seront dès la rentrée prochaine sur le secteur des Hautes Ourmes. La conséquence sur les effectifs est brutale quand le gain de mixité sociale est contestable. Pour augmenter les effectifs et optimiser les capacités d’accueil, l’IA encourage le Landry à proposer une offre de formations particulières. Lors d’une audience accordée aux enseignants du Landry, le Dasen assure n’autoriser aucune ouverture de classe de 6e à la rentrée 2018 au collège privé SaintHélier. A l’heure de la rédaction de cet article, le collège privé Sainte Thérèse (proche des collèges publics la Binquenais et Hautes Ourmes) communique sur l’ouverture d’une classe de 6e bilangue. Or, l’effet établissement dans la ségrégation scolaire est renforcé par les établissements privés mais aussi par les offres de formations particulières des établissements publics présentes dans des établissements favorisés. (Données de la DEEP, fiche 10 et 19). Ainsi, brutale et non concertée, cette réforme méprise le travail des équipes éducatives, et le droit des élèves de CM2 à se projeter dans un collège (n’était-ce pas le sens du cycle 3, des conseils école - collège et liaisons CM2-6e ?). C’est tellement vrai que pour la rentrée 2017, le Landry a obtenu une création de poste et des mutations sur des postes devenus fragiles en 2018. Les enseignants du Landry, fonctionnaires soucieux du service public d’éducation mais néanmoins inquiets des conséquences sur l’emploi, ne voient pas bien en quoi cette resectorisation sur le sud de Rennes peut se prévaloir de réduire les inégalités scolaires. Mais pas d’inquiétude (?) : le Conseil départemental annonce une révision tous les 4 ans de la sectorisation.

Article1 : Mixité dans le département et les collèges rennais
Article 2 : Plan accueil collégiens : projets du Conseil départemental
Article 3 : Ségrégation scolaire et politique de l’éducation
Article 4 : Point de vue des enseignant-es des secteurs concernés
Article 5 : Effectifs dans les collèges : le CD 35 renie ses propres travaux
Article 6 : Bilan des expérimentations « mixité sociale » du CD35
Article 7 : Resectorisation, mixité et 1er degré
Article 8 : Point de vue de parents d’élèves de l’APE de Chantepie
Article 9 : Le conseil départemental et la démocratie
Article 10 : Conclusion